Monaco (2)

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Tu te souviens peut-être de cette scène, Pierrot. Peut-être parce que si elle m'a marqué, elle a pu le faire avec toi aussi. Notamment parce que tu t'étais pris un coup à ma place. Oh, est-ce que tu te souviens ...

Ils sont allés dans sa chambre. Sa grande chambre aux murs bordeaux. Pour une fois ils ne sont pas sortis dehors, le ciel était gris, signe d'une averse prochaine. Alors ils se sont contentés de sa chambre.

— Ton lit est grand !

— Le tien ne l'est pas autant ?

— Oui ... non ... je ne sais pas.

Pierre a roulé sur le côté jusqu'à être face à lui et pouvoir le fixer de ses grands yeux bleus limpides. Des yeux qui semblaient avoir vu tellement de choses et qui pourtant le fixaient avec une telle innocence.

Alors ils ont continué à parler, ils se sont tenus la main, fixant le plafond, parlant de leurs rêves, de leurs futurs, de l'avenir. De tout et n'importe quoi.

— Je sais que-

Il est interrompu par quelqu'un qui frappe à la porte. Sèchement. Presque violemment. Il se redresse immédiatement.

— Charles. Ouvre cette porte.

Il lance un regard effaré à Pierre à ses côtés. C'est son père derrière les battants et ça n'annonce rien de bon.

— Cache toi. Tu ferais mieux de ne pas assister à ça.

Il lui murmure avant d'aller se lever pour ouvrir. Son père le fixe froidement, sa mâchoire est plus que tendue. Il ne sait pas de quoi ils ont parlé en bas. Il ne sait pas de quoi ils ont parlé et le redoute pourtant.

— Ils disent que je suis un mauvais père, ils disent que je suis obsédé par cette guerre, ils disent que j'ai perdu la raison, peux-tu y croire ? Peux-tu y croire ?

Il recule presque malgré lui. Un tressaillement. Son esprit qui lui dit de faire demi tour et de s'enfuir.

— Tu as ramené ces hommes dans ma maison, chien de malheur ! J'ai eu la patience de t'élever comme mon fils et c'est comme ça que tu me remercies ?!

Son géniteur lève la main. Il ferme les yeux dans l'attente de recevoir un soufflet, un coup de poing, il ne sait pas à quoi s'attendre, ne veut pas voir cela venir.

Mais le claquement retentit sans qu'il n'ait aucune douleur. Il ouvre les yeux et comprend pourquoi.

Pierre s'est avancé à son tour et s'est placé devant lui. Un impact rouge marqué désormais sa joue mais il n'a pas perdu de sa superbe, ni de sa volonté, et se tient droit, le regard bleu perçant, glacial, presque meurtrier, envers le roi monégasque.

C'est très étrange. Il entend son cœur battre et chavirer devant une telle vision. Daniel l'a défendu. Maintenant le français le défendait mais c'était tellement étrange parce qu'à cet instant il ne faisait pas du tout son âge ; il semblait avoir vécu mille vies, une simple baffe ne pouvait l'effrayer.

— Je pense que vous faites erreur. Je pense que Charles a du talent et qu'il sera probablement un bien meilleur roi que vous ne l'êtes.

Mais avant que le plus âgé ne puisse répliquer, il y a du bruit dans le couloir. Romain et Daniel arrivent avec empressement, un peu trop tard peut-être, et le dirigeant français prend place aux côtés du blessé.

— Bon sang, Pierre ! Tu ne dois pas te laisser malmener comme ça, même pour les autres. Ça va ? Tu n'as pas trop mal ?

Romain pose sa main sur sa joue avec douceur mais le plus jeune se dégage de la prise, fronçant les sourcils.

Dead HeartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant