Déméter, dévastée par ce qui était arrivé à sa fille, et malade à l'idée de n'avoir rien pu faire à part regarder son ignoble mari la battre à mort, ne put plus tenir :
-Déesses infernales, hurla-t-elle, la Reine à besoin de vous ! Je vous invoque instamment. Sauvez-la et tuez son démon de mari ! La guerre est déclarée Hadès ! Toi et tous les hommes, vous allez mourir !
Six mains aux doigts longs et noirs percèrent la terre. Des masses mouvantes qui ressemblaient à des corps de femmes s'extirpèrent du sol et leurs gueules monstrueuses pourvues de dents acérées poussèrent des mugissements à en faire trembler les hommes les plus déterminés qui reculèrent de plusieurs pas.
Ces créatures obscures étaient appelées les Érinyes. Leurs pouvoirs étaient sans limite pour accomplir la seule et unique tâche qui leur incombait : la vengeance. Maintenant que Déméter les avait invoquées, le carnage pouvait commencer.
De trois, elles passèrent à six, puis devinrent douze et finalement vingt-quatre. Sans doute décidèrent-elles que c'était un nombre suffisant puisque c'est à ce moment là qu'elles se jetèrent chacune sur un homme de l'assistance et qu'elles leur arrachèrent la tête à coup de dents. Des jets de sang fusèrent en tous sens et le sol se retrouva vite jonché de cadavres sans têtes. Les Érinyes se délectèrent de leur repas avec des bruits de mastications. Les crânes craquaient sous leurs crocs.
Une fois leur festin terminé, elles s'attaquèrent à leur deuxième mission : tuer Hadès. Même le Dieu des morts ne pouvait rien contre elles. Le sachant fort bien, il s'était enfui dès leur apparition, tentant de gagner la sortie de son royaume pour rejoindre celui de son frère, où il entendait trouver refuge. Au fond de lui, il savait que cela était inutile, que même là-bas, les Érinyes auraient le pouvoir de s'acquitter de leur tâche. Mais lorsqu'on est au pied du mur, on est prêt à croire n'importe quoi.
Elles le rattrapèrent bien vite et le rapatrièrent dans la salle du trône. Elles l'installèrent sur son magnifique siège sculpté par la nature.
-Qu'allez-vous me faire ? demanda le maître, fou de rage d'être pris au piège par ses propres sujets.
La réponse ne se fit pas attendre longtemps. Par la seule force de leur volonté, les trois déesses forcèrent les stalactites et les stalagmites à changer de direction et à croitre plus vite. D'un coup d'un seul, Hadès, le Dieu des Enfers, fut empalé par le symbole de son autorité suprême. Un flot rougeâtre lui jaillit de la bouche et il se trouva couvert de cette substance qui l'excitait tant.
Lorsque l'on meurt dans le Royaume des morts, il n'y a plus de seconde chance. Le néant est ce qui vous attend. A partir de cet instant, Hadès n'exista plus, son âme fut engloutie par le vide, mais son corps lui, restera pourrir sur son ancien trône pour l'éternité.
-C'est donc ça, la toute puissance divine dont on parle tant ? s'exclama Antiope qui, comme les autres femmes du conseil, avait assisté à la mort du maître des lieux.
Les Érinyes se tournèrent vers elle, encore dégoulinantes du sang de leurs victimes :
-Nous sommes capables de tout, dirent-elles. Les Dieux même ne peuvent rien contre nous. C'est pour cela qu'ils nous craignent. Nos pouvoirs sont supérieurs aux leurs lorsqu'il s'agit de vengeance.
-Alors, si je comprends bien, continua Antiope en s'approchant d'elles d'un air méfiant, il suffirait que l'une d'entre nous réclame vengeance pour que vous nous aidiez à gagner la guerre ?
-Cela ne marche pas ainsi. Il faut un vrai motif et une émotion extrêmement intense pour les convoquer, informa Héra, qui se refusait à approcher plus près des créatures. Cela fait d'elles des armes très dangereuses qui peuvent être utilisées par n'importe quel camp.
-Alors nous devons absolument éviter que ce qui s'est passé ici ne s'ébruite.
Tous les regards se tournèrent vers le centre de la salle où Perséphone était toujours étendue. Pénélope, libérée du sort d'Hadès au moment où celui-ci était mort, s'était précipitée vers son amie, enjambant les corps décapités et baignant dans leur sang, et elle se tenait désormais près d'elle. Ariane, dans sa grande bonté, lui avait tendu sa cape pour qu'elle recouvre la Reine et Déméter pleurait tout son saoul en essayant tant bien que mal de refermer les plaies.
-Si quiconque apprend que Déméter a convoqué les Erinyes pour tuer Hadès, poursuivit Pénélope, une immense colère bourdonnant dans sa voix, tout homme sur le champ de bataille pourra en faire de même à la vue d'un frère ou d'un fils mort. Athéna, Aphrodite, s'il vous plait, pourriez-vous vous charger d'effacer la mémoire de toutes les personnes présentes et qui se sont échappées ?
Elles hochèrent la tête d'un même mouvement et sans plus de cérémonie, elles partirent dans des directions opposées.
-Quant à nous, termina Pénélope avec détermination, nous devons réunir le plus de femmes possible pour attaquer les hommes par surprise.
-C'est déjà fait, déclara Antiope en digne cheffe militaire. Nous nous sommes occupées de cela pendant votre absence, Madame. Elles sont prêtes et n'attendent que notre signal.
-Eh bien, donnez-le-leur.
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Une saison en enfer
Ficción GeneralQui est cette femme, qui va et qui vient, qui peut sortir des Enfers sans même être vue de Cerbère, le chien à trois têtes ? A qui doit-elle rendre compte de cette mission qui l'amena loin de chez elle, loin du royaume des Morts ? Et de quelle missi...