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LAURA

Je suis réveillée par automatisme, donc je suppose qu’il est 08 heures du matin. Il me faut quelques secondes pour me rappeler l’endroit où je me trouve. J’ouvre finalement les yeux et je le vois, assis en face de moi, la tête soutenue par son bras accoudé, les yeux clos. Je me redresse et retire la couverture qu’il a certainement dû me mettre. Quelque chose me dit qu’il est resté assis là toute la nuit. Et une chaleur me traverse le corps à la seule pensée qu’il m’ait regardée dormir.
M’entendant gesticuler, il ouvre les yeux et son regard croise directement le mien. Et là, je perds toute contenance. Pourtant, en arrivant ici hier, j’avais la ferme intention de lui dire ce que je pense et ce que j’ai décidé et finalement qu’il n’aurait pas d’autres choix que de s’y plier. Mais maintenant que je l’ai en face de moi, je n’ai même pas la force de le regarder droit dans les yeux.

͞   De tous les lits que comporte ce manoir, tu as choisi de dormir sur cette méridienne.

͞   En tout cas, elle est mieux qu’un fauteuil. Il sourit et passe une main dans ses cheveux. Ces cheveux si soyeux dans lesquels je rêve de passer mes mains depuis un bon moment.

͞   Je n’ai pas dormi, alors ça ne compte pas vraiment.

Je fais un petit sourire auquel il répond par un petit sourire. Nous nous observons en silence, ne sachant certainement pas quoi dire d’autre.

͞   Tu n’étais pas à la fête d’anniversaire de ma mère.

͞   J’étais ici. Je n’avais pas envie d’y être, de toutes les façons. Du moins, pas avant qu’on ait parlé tous les deux.

͞   Je t’écoute. Dit-il, très posé et attentif. Je prends mon courage à deux mains et me lance :

͞   Tu me manques. Horriblement. Il se redresse et ferme les yeux durement ; je sens son souffle lourd et terriblement lent.

͞   Laura…

͞   Demande-moi mon nom.

͞   Je te demande pardon ? Dit-il, réellement surpris. Je le regard droit dans les yeux et soupire.

͞   Demande-moi comment je m’appelle, Antonio.

͞   Quel est ton nom ? Son ton est aussi amusé qu’intrigué. J’inspire et réponds :

͞   Renner-Scott. Je m’appelle Laura Renner-Scott. Il reste interdit et ne me lâche pas du regard. Je sais qu’il a compris, mais il s’autorise à y réfléchir et à trouver un moyen de fuir l’évidence.

͞   Cela ne change rien.

͞   Si. C’est toi que j’ai choisi. Il reste silencieux et regarde dans le vide.

͞   Mais je ne peux rien t’apporter, à part la souffrance.

͞   Mais moi si : je peux te donner mon amour. Il se lève et marche jusqu’à son bureau, je me lève et le suis. Cette fois-ci, je suis bien décidée à lui tenir tête, quitte à me faire jeter dehors par la police.

͞   Non, tu n’as pas l’air de comprendre. Je vais mourir, Laura. C’est inévitable. Il se retourne vers moi, affolé. Je m’avance vers lui et maintiens juste l’écart d’un pas entre nous.

͞   Bien sûr que je comprends. Même très bien. Tu as besoin de moi et moi de toi. Je ne serais heureuse avec personne d’autre et je suis plus que certaine que c’est réciproque. Je m’en fiche que tu meurs aujourd’hui ou dans dix ans. Ça m’est complètement égal. Tout ce que je veux, là maintenant, c’est être avec la personne que j’aime, c’est-à-dire toi. Je t’aime Antonio. On dirait que c’est toi qui n’as pas l’air de comprendre.
Il passe la main dans les cheveux et je comble finalement le vide qui nous séparait. Je passe une main sur son visage et caresse sa joue. Il ferme les yeux et inspire grandement pour la énième fois.

͞   Tu vas me rejeter une seconde fois ? Parce que ça ne marchera pas cette fois-ci, je n’ai plus l’intention de m’en aller.

͞   Je ne veux pas que tu souffres. Susurre-t’il, me déchirant davantage le cœur. Il s’interdit de m’aimer parce qu’il ne veut pas que je souffre ? Mais quel con ! Il ne voit donc pas que c’est le cadet de mes soucis ?

͞   Dans ce cas, ne m’éloigne plus de toi mon amour. Je colle mon front au sien, mes mains glissant dans ses cheveux. J’effleure ses lèvres avec les miennes, voulant que ce soit lui qui décide m’embrasser.

On pourrait me prendre pour une folle d’aimer un homme condamné et de vouloir rester au lieu de m’enfuir. Mais ça m’est complètement égal. Je ne suis pas sûre de pouvoir surmonter le chagrin lorsque je le perdrais, je ne suis même pas sûre que je vais tenir le coup jusqu’au bout. Mais, je sais que je ne veux être nulle part ailleurs qu’à ses côtés et si pour cela il faut que je souffre, alors je suis prête.  

Il finit par m’embrasser avidement, oubliant tout autour de nous. Oubliant le destin tragique qui nous est réservé.

Fin!

The Last WindingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant