Chapitre 5

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Protection (n.f.) : Action de défendre quelqu'un contre une situation, un objet ou quelqu'un d'autre.

- C'est non, Monsieur Lebrun. Et vous ne dérangerez personne d'autre ici, croyez-moi.

La fille de l'accueil me lance un regard assassin avant de se concentrer à nouveau sur ses dossiers. Je soupire. Même si je savais qu'accéder aux archives des journaux concurrents allait être particulièrement difficile, je n'avais pas réfléchi au fait que ce que je leur demande est la preuve de leur échec, ce qui ferait mal à l'égo de n'importe qui. Je suis dans le hall d'entrée du dernier journal que je n'avais pas encore tenté, et mon dernier espoir est en train de partir en fumée. On est déjà jeudi matin, Alessio Barese ne m'a pas encore contacté, et je commence à réellement paniquer. Comment je fais cet article ? Je me tourne encore une fois vers la brune qui m'ignore totalement et je m'arme d'un sourire charmeur, tentant le tout pour le tout.

- Vous n'oseriez pas refuser d'aider un pauvre jeune homme en détresse, quand même ?

- Vous n'êtes pas en détresse, alors remballez votre faux sourire et laissez-moi tranquille. Dit-elle avant de retourner à son travail.

- Mais ...

Sans même lever les yeux vers moi, elle me pointe la porte du doigt et je souffle, résigné. C'est mort, j'ai compris. Je récupère mes affaires et retourne dans la rue animée, m'arrêtant dans un café. J'ai besoin de réfléchir à ce que je peux faire pour cet article, avant de voir ma carrière partir en fumée. J'ai tout donné, tout fait pour être journaliste. Alors je ne laisserais pas ce con d'Antoine Lereau me bousiller mon rêve de toujours. Je suis même allé jusqu'à faire plusieurs choses dont je ne suis pas fier pour pouvoir faire mes études afin de devenir journaliste. Et je suis là, impuissant, regardant mon boss donner les ailes à ma carrière pour qu'elle s'envole loin de moi.

Je sors mon portable en même temps de siroter le café qu'on vient de m'apporter. Je pourrais utiliser mes contacts mais ... Je me suis promis, j'ai promis à mon frère de ne plus renouer avec eux. De les oublier. Donc leur demander de l'aide, c'est mort. Mon téléphone vibre légèrement et je sursaute. Qui m'envoie un message ? Mon cœur rate un battement. Ce n'est pas Alessio quand même ?

Text from 06 ** ** ** 89 : Bonjour Monsieur Lebrun. J'accepte de vous rencontrer, mais à une seule condition : c'est à L'Ardoise, à Limoges, ce soir, à 18h30. Je ne pourrais pas à un autre moment. Alessio Barese.

Je reste un instant interdit, ne réalisant pas entièrement ce qu'il vient de se passer, et j'envoie rapidement un message pour confirmer ma venue, puis j'appelle mon frère pour demander à décaler notre dîner qu'on devait se faire tous les deux.

Il est 18h20 quand j'arrive dans le petit restaurant, et le serveur m'indique deux fauteuils autour d'une table basse légèrement à l'écart dans un petit patio. Je m'installe tranquillement, agréablement surpris par l'ambiance qui y règne. Dans les tons gris et rouge, la salle dénote clairement avec ce petit patio recouvert de verdure et enseveli sous les fleurs multicolores. Une musique entraînante me parvient depuis l'intérieur et je souris doucement. L'odeur des fleurs, presque entêtante, m'apaise complètement. Je n'étais jamais allé ici, mais je compte bien revenir avec Gaëtan et Marine. Ils aimeront forcément cette ambiance douce et enivrante. Je ferme les yeux quelques instants, quand une voix glaciale m'interrompt dans mes pensées. Je me tends en reconnaissant cette voix et c'est à contre-cœur que j'ouvre les yeux.

Elisa Letray se tient devant moi, un sourire mauvais dessiné par ses lèvres maquillées. Elle est seule, pas une seule trace d'Alessio.

- Alors Monsieur Lebrun ?

- Que venez-vous faire là ? je réponds, sur la défensive.

- Allons, allons, dit-elle en riant méchamment. On ne vous a jamais appris la politesse ? J'aurais dû m'en douter en vous voyant agresser ce pauvre Alessio.

Ton coeur au bout des doigtsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant