Abandon (n.m.) : fait de baisser les bras, d'arrêter de se battre, de se résigner.
L'air est saturé de fumée, même si plus aucune flamme n'est visible dans la villa. Comme je l'avais anticipé, Cyril n'a pas voulu suivre les policiers sans résistance. Et il semble qu'il ait appelé tous ceux qui pouvaient l'aider à la rescousse. Ils ont légèrement l'avantage sur nous, même si nous avions l'initiative. Partout je vois des hommes et des femmes qui se battent à la force de leurs poings, ou du plat de leurs pistolets. Personne n'ose tirer, par peur de blesser l'un des leurs. J'assomme la quatrième personne depuis que je suis arrivé d'un coup bien placé sur la nuque, et il s'effondre inconscient à mes pieds. Je me retourne et vois Martin aux prises avec trois filles qui ne lui laissent pas un instant de répit, et je fonce à sa rescousse. Coup de pied, droite dans l'estomac, j'attrape son bras et tournant d'un quart de tour, et sa nuque est sans défense. J'assène un coup sec et elle tombe à son tour. Cinq. Martin me remercie d'un regard alors qu'il vient à bout d'une des deux autres filles et s'attaque maintenant à la dernière. Je le laisse en cherchant qui aider, mais je remarque avec un certain soulagement que nous prenons petit à petit l'avantage. Ils ne sont pas de taille face à des policiers entraînés et préparés à ce genre de situations. Martin finit par me rejoindre au centre de la pièce, essoufflé mais une lueur féroce animant son regard. Le commandant, un homme dans la cinquantaine mais toujours au meilleur de sa forme, vient de menotter deux garçons aux tuyaux d'un radiateur et se dirige vers nous.
- Lebrun, Castand, venez avec moi. On descend voir s'il n'y a personne d'autre en bas.
Nous approuvons d'un signe de tête et nous voilà partis en courant vers une porte que je n'avais pas remarquée lors de notre première visite, camouflée dans la tapisserie. Une odeur de renfermé et de poussière nous parvient alors que nous descendons prudemment les marches de pierre. La luminosité est faible, d'une lueur bleutée et presque mouvante, et je comprends pourquoi en regardant autour de moi. Des fenêtres du sous-sol donnent sur la piscine, et c'est l'eau qui donne cette impression de mouvement.
- C'est bizarrement silencieux, par ici. Fait remarquer Martin, alors que le policier confirme d'un hochement de tête.
Je réajuste mon plastron, nerveux, et finis par suivre le commandant dans le long couloir, sursautant à chaque mouvement de l'eau à ma gauche. Nous ouvrons porte après porte, ne découvrant que les pièces habituelles d'une maison, comme une buanderie, une cave ou encore des salles de stockage. Je pose ma main sur la poignée de la dernière porte, tout au bout du couloir, mais je m'interromps dans mon geste. A côté de moi, le policier s'impatiente.
- Eh bien, Lebrun ? On n'a pas toute la journée, alors ouvrez-moi cette fichue porte !
- Ecoutez, monsieur, avant.
Je lui fais signe de se pencher pour écouter, car j'ai cru entendre des chuchotements. Un court instant, j'ai l'espoir qu'il m'écoute et je le vois s'approcher de la porte en bois, mais il saisit la poignée d'une main ferme et l'abaisse d'un coup en criant :
- Ecouter quoi ? Je n'ai pas de temps à perdre alors dépêchons-nous d'en ...
Il n'a pas le temps de finir sa phrase qu'il est assailli par une bande d'enfants qui doivent avoir entre 10 et 15 ans, et très vite il s'écroule à terre sous leurs coups répétés. Ils nous remarquent aussi, un sourire mauvais sur leurs lèvres desséchées, et se jettent sur nous. Je remarque qu'ils sont tous munis d'objets lourds et solides pour mieux frapper, et je veux prévenir Martin quand un coup se la tête me sonne particulièrement. C'est le noir complet, je n'entends plus que des bourdonnements autour de moi. Je sens qu'on me bouge à un endroit, mais je serais incapable de dire qui ni comment. Je reprends mes esprits après ce qui me paraît être une éternité, et je vois que je suis au centre de la pièce que nous venons d'ouvrir. Martin est retenu par six enfants, et je remarque que moi aussi. Tous ont un air sauvage, presque bestial sur leur visage qui me donne des frissons. Malgré une très bonne forme physique que les muscles saillants leur donnent, ils paraissent amaigris, affaiblis. Sous l'unique ampoule de la pièce, un adolescent un peu plus grand que les autres parle à Martin, d'une voix brisée et pleine de ressentiment.
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Ton coeur au bout des doigts
RomanceDeux hommes, deux mondes, deux langages. L'un est pianiste, maladroit avec les mots, détestant tout ceux qui arrivent à les manier. L'autre est journaliste, convaincu que la musique est un art inutile, n'ayant jamais envisagé d'en écouter pour le pl...