Stratégie (n.f.) : mode d'action prévu à l'avance qui doit permettre la réussite.
Je ferme les yeux, profitant de la chaleur de ma tasse de café sur mes doigts frigorifiés. Nous sommes assis dans la petite cuisine, et Martin a déjà pris les commandes. Il a vraiment changé par rapport à la dernière fois. Même si je l'ai toujours connu à réfléchir à des stratégies diverses et variées, il avait tendance à se ranger derrière moi et à ne m'exposer son plan qu'en privé pour que j'en fasse part à toute la bande. C'était moi le chef. Il était mon bras droit. Et maintenant, je suis là, complètement perdu, et il occupe à merveille le rôle de chef.
- J'ai appelé le gars de la bande qui devait donner le contact dans l'organisation et j'ai dû lui faire croire que c'était pour réclamer ses services ... dit-il d'une voix pleine de dégoût. Ils n'utilisent bien évidemment par leurs vrais noms, ils sont trop minutieux pour laisser sortir une telle information. Nous avons rendez-vous après-demain avec un certain 378 à Calais dans la zone industrielle. J'ai déjà spécifié que nous serons quatre, cela permettra de ne pas éveiller de soupçons supplémentaires en arrivant à plus que prévu. Je propose que l'on prenne ma voiture, mais il faudra qu'on aille faire le plein d'abord.
- J'ai des armes pour chacun d'entre nous. J'ajoute d'une voix tendue.
Un long silence s'ensuit, mais je soutiens leurs regards. Je suis prêt à tout pour retrouver Alessio. Tout. Même si pour cela je dois retomber dedans, j'y plongerais la tête la première pour éviter à mes amis de me suivre. Ils ont déjà suffisamment couvert mes arrières, il est temps que je reprenne tout ça en main.
- Préparerez chacun un sac avec des vêtements et de quoi manger et dormir, on ne sait pas si on va devoir dormir dans la voiture. Prenez des tenues sombres, si possible de quoi couvrir votre tête et votre visage. Prenez des gants pour les empreintes digitales. Et j'ai un sac à dos dans lequel on va mettre le strict nécessaire pour nous quatre, à savoir du sucre, de l'eau, une trousse médicale et de l'argent. Si vous avez un objet que vous voulez que j'ajoute, comme un couteau par exemple, donnez-le-moi. Nous partons dans deux heures, alors tâchez de faire tout ce qui est nécessaire avant.
Je me lève sur ces mots, je prends ma veste, j'enfile mes chaussures et je sors. L'air pollué de la ville me tombe dessus, oppressant chaque parcelle de mes poumons. J'essaie tant bien que mal d'ignorer cette sensation désagréable et je me mets à marcher dans la rue. J'ai besoin de réfléchir, et je n'y arriverai qu'en étant seul.
Il ne faut plus que je craque. Ils ne m'ont jamais vu comme ça, mais ils n'ont pas besoin de me voir comme ça non plus. J'ai toujours été le pilier inébranlable de cette bande, on n'hésitait pas à me confier des missions délicates avant car je ne perdais pas le contrôle de moi-même, ou alors simplement pour envoyer une droite ce qui finissait toujours par nous aider. J'aimerais croire que j'ai changé en entrant à la fac, avec l'aide de Gaëtan et des amis qu'il essayait sans relâche de me présenter, mais plus j'y repense et plus je réalise que j'étais le même, tout simplement pas avec les bonnes personnes pour montrer qui j'étais vraiment. Le passé nous rattrape toujours, et mon passé est aussi mon présent. Je les ai sûrement choqués toute à l'heure en parlant des pistolets, mais ils doivent comprendre l'ampleur de notre entreprise. Nous essayons de rassembler des informations et des preuves pour permettre à la police de coincer cette organisation, et ce ne sera pas sans danger. Je compte les billets qu'il me reste dans la poche, et je grimace. Il ne m'en reste plus beaucoup, je dois être prudent.
Je m'arrête dans une boutique de musique, et mon regard tombe sur une étagère où sont entreposés des enregistreurs. Mon sourire s'élargit alors que je m'adresse au vendeur, un chauve grand et musclé qui me sourit à travers sa barbe.
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Ton coeur au bout des doigts
RomanceDeux hommes, deux mondes, deux langages. L'un est pianiste, maladroit avec les mots, détestant tout ceux qui arrivent à les manier. L'autre est journaliste, convaincu que la musique est un art inutile, n'ayant jamais envisagé d'en écouter pour le pl...