14- SAN

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« Tu as moins mal? elle me demande.
- Beaucoup moins. Merci encore, MiSuk. »

Je commence à m'habituer et même à apprécier, nos discussions nocturnes. Même si je n'arrive pas à distinguer son visage à cause de la noirceur, je sais tout de même qu'elle porte attention à ce que je dis.
« Tu as un surnom? Je ne veux pas t'appeler MiSuk jusqu'à la fin des temps.
- Non, je n'en ai pas.
- Alors je vais t'appeler Mimi.
- Non! C'est-
- Ne parle pas aussi fort, Mimi. Tu vas réveiller les autres.
- Ne m'appelles pas comme ça, je ne suis pas une enfant.
- D'accord, Mimi.
- Toi par exemple, tu es encore un enfant, n'est-ce pas? T'es pas possible, elle soupire. »

Je ne fais que rigoler, amusé par son agacement, puis mes rires sont rapidement suivis par les siens.
« Attends, MiSuk qui rit? Je dois aller chercher Mingi, tu dois être malade, dis-je en plaisantant.
- Ce n'est pas comme si ça lui dérangerait, que je sois malade.
- MiSuk... Qu'est-ce qu'il ne va pas entre vous? »

Le ton de la discussion devient alors plus sérieux.
« Rien. Il ne m'apprécie pas depuis qu'il m'avait laissé m'occuper de toi et que je ne l'avais pas réveillé lorsque j'aurais dû. C'est tout.
- C'est une bonne personne. Il peut paraître imposant et pas tellement affectif au début, mais c'est vraiment quelqu'un en or.
- Tu n'as pas à le justifier, San. On ne peut pas bien s'entendre avec tout le monde, c'est normal, et c'est correct. Je ne nie pas que c'est une bonne personne, je le sais, il n'hésiterait même pas à sauver la vie d'un ennemi, mais il n'apprécie pas ma présence, et je vis bien avec cela.
- C'est juste que j'aurais aimé que vous vous entendiez bien.
- On ne peut pas tout avoir. Ce n'est pas grave. »

Elle laisse reposer sa tête sur le sofa, étant déjà adossée à celui-ci. Puisque je suis allongé sur ce même sofa, je n'ai qu'à tendre les doigts pour qu'ils se perdent dans ses cheveux épais, mais plats.
« Tu es certaine de ne pas vouloir une place sur le sofa? je murmure.
- Certaine. J'irai me reposer un peu dans le lit demain matin. Je n'aime pas tellement le fait que nous soyons tous endormis en même temps.
- Pourquoi?
- C'est l'instinct, San. Ils ont forcément entendu les coups de feu. Ils sont certainement à l'affût, et de ce que j'ai vu, ils ne sont pas du genre à simplement se laisser attaquer.
- Tu crois qu'ils vont nous attaquer?
- Non, mais je préfère en être certaine. Même s'ils sont peut-être à plusieurs rues d'ici, je ne me sens rassurée que si quelqu'un est à l'affût du moindre danger. On nous a éduqués ainsi, San.
- Mais tu vas être fatiguée si tu ne dors que quelques heures...
- Tu devrais dormir, San. Tu ne pourras pas bien te rétablir si tu te prives de sommeil.
- Je n'arrive même pas à m'assoupir à cause des médicaments.
- Tu devrais essayer, dans ce cas. »

Je continue à jouer dans ses cheveux, y faisant des tresses et des torsades, pour ensuite les défaire.
« Tu es un chanteur, non?
- Oui.
- Tu pourrais chanter une chanson?
- Je croyais que tu voulais que je dorme.
- D'accord... Dors. »

Mes lèvres se courbent légèrement en un sourire, et je me mets à fredonner une musique qui m'était destinée par le directeur de la compagnie où je travaille, mais qui m'avait au final été retirée à cause de mon manque de talent. Lorsque j'ai fini, je l'entends tapoter ses doigts, faisant en sorte de simuler des applaudissements sans trop faire de bruit.
« Tu fais parti des rares personnes qui sont nées sous le bon signe astrologique. Tu as vraiment du talent. »

Je reste silencieux, fronçant les sourcils, n'étant pas familier aux compliments.
« Merci, je murmure finalement. »

Nous restons une dizaine de minutes dans le silence, puis je soupire de frustration, étant encore entièrement éveillé. À son tour, d'abord avec un peu d'hésitation, puis avec un peu plus de confiance, elle se met à fredonner une musique qui m'est inconnue. Sa voix est bizarrement très stable et aucune fausse note ne franchit la barrière de ses lèvres, témoignant de beaucoup de pratique. D'une pratique incessante, mais surtout, dans sa situation, interdite. Alors, sur le point de m'endormir, je comprends finalement pourquoi la première fois que je l'avais vue, elle m'avait fait penser à une Cancer, malgré l'image simpliste qu'elle renvoyait.

Parce que peut-être que sa date de naissance ne correspond pas à ce signe astrologique, mais son âme, lui, appartient bel et bien à celui de Cancer.

Elle a la voix d'une Cancer, et même les lois les plus stupides ne pourraient la lui enlever.

𝔻𝕖𝕤𝕥𝕚𝕟𝕪  ˢᵃⁿOù les histoires vivent. Découvrez maintenant