22- SAN

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Son visage endormi est paisible, comme si ses craintes s'étaient effacées pour laisser place à des rêves apaisants. Cela me rappelle les nuits passées dans le salon à en connaître un peu plus l'un sur l'autre. Ces nuits qui étaient devenues bizarrement agréables, après que je m'y sois habitué. Nous n'avions alors pas peur, ou plutôt, nous avions peur pour d'autres raisons. La situation ne s'était pas encore totalement détériorée. Elle avait trouvé les deux petits contenants de capsules qui pouvaient suffir à calmer le problème principal, qui était moi. « Mon mauvais état ». Et pourtant, cet état n'était pas si mauvais. Pour être honnête, je serais plutôt satisfait si je pouvais retrouver cet état, pourtant médiocre. J'avais mal, mais ça ne me semblait pas grave. Mingi n'avait pas encore pleuré de peur face à mes symptômes qui s'étaient finalement empirés. Nous n'avions pas de raison de compter le temps. Oui, l'ennui était présent, mais les armoires étaient encore pleines de nourriture. Le soulagement était même ce que je ressentais majoritairement.

Un doux sourire prend place sur mes lèvres en me remémorant l'apaisement que j'avais ressenti lorsque j'avais revu MiSuk, saine et sauf. Qu'est-ce que je ressens à son égard, au juste? Mon regard qui dérive vers ses lèvres répond à cette silencieuse question, malgré moi. De l'amour? J'étais tombé amoureux de sa personnalité si simple, mais si vive? Ce n'était pas surprenant, mais c'était décevant. Même dans un scénario parfait où mes sentiments seraient réciproques, nous ne pourrions pas être en couple. Elle est une Gémeau, je suis un Cancer. Voilà comment notre histoire se finit, avant même d'avoir eu son accord pour commencer. Voilà la pure définition de ne pas être faits l'un pour l'autre.

Mon visage se rapproche du sien, jusqu'à ce que son souffle se mélange au mien. Mon cœur se débat dans mon torse. Mes lèvres se rapprochent doucement des siennes, mais juste avant de réduire l'espace entre elles au néant, je ferme les paupières en m'éloignant. Une larme unique déborde de mon œil. Je tourne mon visage vers le mur et y appuie mon front. Comment puis-je penser à cela dans cette situation? Je ne devrais pas penser à l'amour et à mon bonheur alors que tous les trois font leur possible pour nous sortir de là. Je devrais obéir lorsqu'ils me demandent de faire quelque chose et me faire petit lorsqu'ils ne s'adressent pas à moi.

Comment puis-je profiter du fait qu'elle soit endormie pour tenter de l'embrasser? Pourquoi est-ce que je ne pense qu'à moi, dans tout cela?

Je détaille ses joues creusées. Combien de repas a-t-elle sauté, simplement pour que moi et YoungMin puissions bien manger?
« Dix-huit-mille-quarante-trois, je recommence à compter d'un simple souffle. »

YoungMin se tortille un peu, sans pourtant se réveiller.
« Dix-huit-mille-quarante-quatre. Dix-huit-mille-quarante-cinq. Dix-huit-mille-quarante-six. Dix-huit-mi- »

Je m'arrête soudainement. Plus personne ne toque à la fenêtre. Après au moins Dix-huit-mille-quarante-six secondes, ils se sont enfin arrêtés. Je soupire d'aise et de soulagement, puis m'autorise à fermer les paupières.

Soudainement, après à peine quelques secondes de silence, un coup de feu retentit, me faisant sursauter en même temps que YoungMin et MiSuk. Les mains de cette dernière se jettent sur son pistolet alors qu'elle se lève en titubant. Des cris de désarroi retentissent de l'extérieur alors que la détente d'un fusil résonne de nouveau. YoungMin se met à crier, mais je plaque ma main sur sa bouche.
« Reste silencieux... Arrête de crier, je t'en prie, Young-ah. Ne fais plus de bruit, je souffle apeuré. »

Personne ne bouge, tous figés par l'effroi et la crainte. Les mains tremblantes, MiSuk vérifie que son arme est chargée au maximum de sa capacité, puis elle se poste à l'entrebâillement de la porte.
« Reste en retrait, Mimi... On ne sait pas-
- Tais-toi et attends. J'ai été entraînée pour cela, dit-elle d'un ton dur, mais peu assuré. »

Quelqu'un toque avec force sur la porte métallique de l'appartement, mais celle-ci ne cède heureusement pas. Puis, un silence troublant. Quelques secondes plus tard, quelqu'un siffle avec empressement six notes distinctes. MiSuk réagit instantanément au son strident.
« C'est Jongho! s'écrie-t-elle. »

Elle s'approche de moi en quelques pas et soulève l'enfant en pleurs, pour ensuite m'aider à me lever. Mes jambes sont tremblantes, mais j'ai tout de même assez de forces pour rester debout.
« Tu es certaine? je lui demande.
- Oui, c'est lui. Ne perdons pas de temps. »

Elle me tend son bras pour que je m'appuie sur elle, ce que je fais. Nous sortons de la salle de bain et elle entre dans la chambre.
« C'est Jongho, on y va, dit-elle. »

Le soulagement est perceptible sur le visage de chacun alors que nous marchons jusqu'à la porte. Au moment où la Gémeau pose sa main sur la poignée, une vague de peur m'envahit. Si elle s'est trompée, nous sommes morts. Au moment où MiSuk déverrouille la porte, je saisis le pistolet qui se trouvait son autre main. Elle n'essaie pas de m'en empêcher, ayant complètement baissé sa garde face au soulagement. Elle ouvre finalement le battant et je pointe l'arme vers la silhouette qui attendait que nous ouvrions. La lueur orangée du soleil couchant nous éblouit, après tous ces jours passés sous la lumière faible et artificielle ou la noirceur, et nous empêche de détailler le visage de notre sauveur.

Si c'est réellement un sauveur...

Jongho est finalement arrivé! Non? Oui? Peut-être? J'espère que l'attente ne sera pas trop frustrante pour vous...  :)

𝔻𝕖𝕤𝕥𝕚𝕟𝕪  ˢᵃⁿOù les histoires vivent. Découvrez maintenant