Dans les rues sombres du Souterrain, le temps semblait s'être figé. Gabi ne voulait pas croire ses yeux. Pourtant ils ne semblaient pas lui mentir : c'était bien son ami, Pix, qui souriait de façon sinistre, avec cinq yeux noirs et émeraude sur le visage. Ses dents et ses ongles étaient anormalement aiguisés.— Bon Gabi, on va regarder l'herbe pousser encore longtemps ou on cherche un moyen de rentrer ? On a assez perdu de temps dans ce monde de dégénéré !
Pix fit craquer sa nuque et s'étira. Gabi secoua la tête. Ça, ce n'était pas son ami. Pix ne parlait pas comme ça, il n'avait pas ce ton arrogant. Son attitude et son expression ne lui appartenaient pas non plus. Hormis ses yeux, il n'avait physiquement pas beaucoup changé, mais Gabi avait l'impression d'être face à quelqu'un d'autre.
— Pix, arrêtes... Tu es possédé, c'est ça ?
C'était la seule solution pour qu'il ressemble à ça et se comporte ainsi aussi soudainement. Le cerveau de Gabi était vraiment au bout du rouleau pour commencer à penser à ce genre de choses... Pix arqua les yeux qui remplaçaient ses sourcils puis il leva les mains à la hauteur de sa tête, comme une marionnette. Il regarda ses poignets et haussa les épaules.
— Écoute, j'ai pas l'impression d'être un pantin ou de tirer les ficelles, dit-il. Je me suis jamais senti aussi bien même !
— Pix, on va trouver une solution, promit Gabi.
Elle se rapprocha doucement de son ami, en examinant son esprit avec ses pouvoirs. Des centaines de fils formaient un chaos indescriptible. Certains s'agitaient furieusement dans tous les sens en sentant Gabi se rapprocher. La jeune fille ne reconnaissait pas la configuration habituelle du mentale de Pix. Elle se demanda quel « fil » manipuler pour l'endormir. Elle abandonna l'idée et resta à bonne distance.
— Qu'est-ce qu'on va faire ? se demanda-t-elle, main posée sur le front.
— Il faut l'emmener à la tour Saurac, déclara Grâce de but en blanc.
— Pourquoi ? demandèrent Peter et Æther, toujours agrippés l'un à l'autre et claquant des dents face à Pix.
La cyborg les fusilla du regard.
— Il est détraqué, affirma-t-elle.
— Ça ressemble pas à ça un détraqué, dit Peter. Ils ont les yeux jaunes normalement.
— Si si, je t'assure que c'en est un, insista Grâce. Et puis, mes capteurs m'indiquent qu'il a l'air instable et imprévisible. Le mieux est de l'emmener là bas, au moins ils pourront le garder au calme. Si on le laisse là, il pourrait être un danger pour le quartier, vous comprenez ?
Le fantôme et le squelette eurent l'air de piger le concept et approuvèrent face au ton plein d'assurance de la cyborg. Gabi refusa.
— Vous n'avez pas dit y a même pas une heure que personne ne sortait de la tour et qu'ils n'étaient pas soignés ? Puis on doit rentrer chez nous !
— Je vais pas chez les fous moi !! protesta Pix en serrant les poings.
Gabi allait rajouter un truc mais sursauta en sentant Grâce se rapprocher furtivement. Elle lui asséna rapidement un coup dans la nuque avec le tranchant de la main. Gabi lâcha un son étouffé, la douleur la paralysa totalement et la fit tomber dans les pommes. Son corps tomba dans les bras de la cyborg.
— Elle aussi, elle doit aller là bas... dit-elle d'une voix douce.
— On te fait confiance Grâce, dit Peter. Même si c'est dommage... On a encore perdu une occasion de...
Il eut soudain du mal à respirer et porta une main à sa gorge. Le squelette fut d'un coup soulevé du sol par une force invisible et éclaté à terre plusieurs fois. Le béton se fissura, ses os se brisèrent et se répandirent sur le goudron. Æther lâcha un cri et se précipita pour ramasser son crâne qui avait roulé un peu plus loin. Grâce fit volte face vers Pix, main crispée en avant. Une veine gonflait à sa tempe et la colère à l'état pur se lisait dans son regard multiple.
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I) Le miroir des mondes
FantasyDans ce monde, tout le monde possède des pouvoirs. Dans un autre, la mort a disparu. Dans le suivant, le soleil ne brille plus depuis des millénaires. Vivant un quotidien qu'il juge ennuyeux au possible, Ren, un adolescent au caractère exécrable, a...