Chapitre 36: Un nom d'enfer

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Les écrans de télésurveillance formaient une grande mosaïque lumineuse et multicolore dans la pièce sombre. Face à eux, Alix était étendu dans un fauteuil à roulette et grignotait une barre de céréales. Il regardait l'écran en face de lui, tout en pianotant sur un clavier, alternant de temps à autre avec la souris. À ses côté, Noëllya restait calme et silencieuse, en tailleur sur une chaise à roulette.

— Tu crois que les autres vont s'inquiéter si on revient pas ? demanda-t-elle en tournant sur sa chaise. Ça fait des jours qu'on les voit pas.

— Nono, je crois qu'ils s'en fichent un peu de nous... Tout ce qu'ils veulent c'est rentrer chez eux.

— Et toi tu cherches quoi là ?

Alix remonta un genou contre lui et fit rouler la molette de la souris avec son index. Devant ses yeux se déroula une liste de fichiers vidéo, datée d'il y a six ans. Il en choisit un au hasard et le lança. C'était la vidéosurveillance d'un couloir. Avec les flèches du clavier, il passa à la suivante. On pouvait y voir un employé ranger des sortes de réservoir contenant du feu. Des bocaux d'âmes. Alix mit la vidéo en accéléré jusqu'au moment où la pièce explosa. La caméra rendit l'âme.

— Ah je me rappelle ! s'exclama Noëllya en pointant l'écran. Ça avait fait un gros boum le lendemain de mon arrivée. Puis après, y a eu pleins de nouveaux comme toi !

Avec du recul, Alix frissonna en repensant à tout ça. Il était le dernier rescapé de l'accident, des années plus tard. Les autres ont tous disparu dans les labyrinthes et les méandres de la tour.

— Je voulais voir autre chose, sur mon alter-ego, dit-il en sortant du fichier. Savoir ce qu'ils ont pu lui faire pour qu'il soit comme ça. Jusqu'où ils ont pu aller, pour savoir ce qu'on craint à l'avenir...

Il remonta assez loin dans les dossiers jusqu'à trouver des choses intéressantes. Il ouvrit une piste audio. La voix de Saurac retentit comme un vieux magnétophone. C'était une sorte de rapport de fin de journée.

— Jour deux. Le sujet a apparemment subit un traumatisme qui a dérangé son mental déjà fragile. Il aurait tué des gens en voulant se défendre et la scène morbide l'a effrayé. Ses parents m'ont dit qu'il parlait tout seul, sursautait au moindre bruit et attaquait tout ce qui bougeait en pensant à une menace. Je n'ai qu'à reproduire des situations similaires à son traumatisme pour tenter de trouver une solution.

Alix cliqua sur la flèche de droite et bascula sur une vidéo. Il reconnut les hangar d'entraînement dans lesquels il s'était lui-même exercé pour les expériences de Saurac. On pouvait voir sur la vidéo en pause un petit garçon aux cheveux turquoise et au teint mat. Autour de lui, des employés de la tour, déguisé avec des vêtements de racaille à première vue. Il tenaient des couteaux en plastique dans leur main, des accessoires de théâtre.

Alix lança la vidéo. Les hommes se mirent à répéter une scène de façon automatique. Avec de grosses voix et pas du tout dans leur rôle, ils menaçaient le petit garçon. Ce dernier était assis au sol et rampait en arrière pour s'éloigner, en les suppliant d'arrêter. Hésitant, les employés se stoppèrent.

Alix appuya sur la flèche et tomba sur la même vidéo et la même prestation de la part des personnes. Le garçon qui semblait être Pix fuyait en criant de terreur. Qu'est-ce que Saurac cherchait à faire en le traumatisant à nouveau ?

La vidéo suivante était encore identique. Les employés commençaient enfin à être crédibles et rentraient dans leur rôle. Le petit Pix était recroquevillé dans un coin, mains sur la tête et tremblant de tous ses membres.

— Laissez-moi !! cria-t-il.

L'air se déforma autour de lui et se dilata dans toutes les directions comme une onde de choc. Au contact de la déflagration, les employés se disloquèrent et tombèrent au sol, formant des amas de chair et de sang. Avec des os au milieu. La caméra se brisa à son tour, ne laissant qu'un écran noir criblé de neige et de rayures.

I) Le miroir des mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant