Chapitre 23: L'aigue-marine et le diable

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Cette fois-ci, Ren ne laissa pas la fille qui hantait ses nuits s'enfuir. Il l'attrapa par le bras dès qu'il la vit en rejoignant le royaume de Morphée. Surprise, la fille se tourna vers lui en écarquillant les yeux. Deux aigue-marine, bleu pâle, aux reflets irisés de rose et de jaune, comme ses courts cheveux de cristal.

— Reste, supplia Ren.

La fille, qui était restée raide jusque là, détendit ses muscles. Elle offrit un doux sourire à Ren.

— Bien joué, dit-elle d'une voix cristalline. Tu as fini par nous attraper, moi et la vérité.

— J'ai juste besoin de comprendre...

La conversation au sujet des Gardiens avec Scorpio et Charlie lui avait introduit des tonnes de questions en tête. Il s'était demandé pourquoi la déesse censé vivre en lui avait gardé le silence pendant toutes ces années, ne faisant que fuir à chaque rencontre. Les réceptacles, les âmes des Douze,... Il allait enfin savoir.

— Ton attente est terminée, annonça la fille. Je vais pouvoir éclairer ta lanterne.

Le monde noir et vide autour se découpa en fragments et éclata, inondant l'espace de lumière. Ren se protégea les yeux puis les rouvrit prudemment en sentant une brise souffler ses cheveux. Ce qu'il vit devant lui le scotcha sur place et il ne put s'empêcher de lâcher un « wouah » émerveillé.

Il se tenait maintenant au bord d'une falaise abrupte, couverte de lianes et de plantes grimpantes. Des centaines de cascades d'eau coulaient autour de lui et se jetaient dans un grand bassin au pied de la falaise. De la brume trainait aux pieds des cascades et le grondement de l'eau jouait comme une mélodie discrète. L'air était humide et le vent soufflait.

— Commençons par le commencement : bienvenue dans mon plan astral ! s'exclama la fille en tournoyant sur elle-même. Ceci est la représentation de ton esprit et du mien : un plan métaphysique. C'est ici que nous nous verrons désormais.

— C'est beau... fit Ren.

— Ensuite je me présente : je suis Aguamarine la Douzième.

Elle lui fit une petite révérence en souriant. Ses cheveux en aigue marine étaient coupés courts et ses grand yeux de même nature débordaient de vie. Elle portait sur elle une sorte de justaucorps en écailles de poissons argentées et des pièces d'armures en forme de coquillages dorés sur à peu près tout le corps. Des boucles d'oreilles et des piercings en or rappelaient des nageoires de poissons de chaque côté de sa tête. De grands tissus blancs et légers flottaient à sa taille, comme une jupe. Sa peau était pâle, légèrement bleutée et elle faisait à peu près la taille de Ren.

— T'es vraiment une des Douze ? demanda Ren en l'examinant.

— Je peux savoir ce que ça veut dire, cette question ? répliqua Aguamarine.

— Je sais pas... Je vous imaginais plus comme les statues... Des adultes plein de prestance, avec une aura divine. Pas vraiment une gamine de mon âge.

Ren se plia en deux quand Aguamarine lui flanqua un coup de poing dans le creux de l'estomac.

— De ton âge ?? J'ai cinq milles ans et toi tu en as peine seize ! Quant aux statues, les sculpteurs étaient sans doute éblouis par nous autres divinités. Ils avaient donc tendance à nous vieillir, nous embellir et nous rendre plus sages, ce qui donnait un résultat en complet décalage avec la réalité.

Les représentations qu'on faisait de la Douzième déesse de l'ancien monde ne collaient absolument pas avec sa véritable apparence. Passé cette première surprise, Ren se redressa en se tenant le ventre, larmes aux yeux et envie de vomir.

I) Le miroir des mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant