Charlie

-Chapitre 16-

Une semaine est passée depuis notre conversation sur le passé d'Hunter. Après un de nos nombreux entraînements intensifs, je remonte dans ma chambre, l'histoire de me détendre un peu. Je prends une bonne douche et m'installe confortablement sur mon lit, enveloppée dans un peignoir blanc. J'allume la télévision et pose la télécommande sur ma table de chevet. Dans mon élan, ma main heurte un flacon, mon "élixir de longue-vie" comme j'aime l'appeler. Je le rattrape rapidement avant qu'il ne s'explose sur le sol. Je soupire de soulagement et agite le liquide bleu. Ce truc a un goût infâme mais une chose est sûre, il redonne vitalité en un temps record ! Je fais une moue en imaginant déjà le goût de la substance dans ma bouche, dévisse le bouchon et le bois cul-sec. Il y a que comme ça que ça passe. Je déglutis et fronce les sourcils. 

-Beuark !

Je ne m'y ferai jamais... Je repose le flacon sur ma table de chevet et me lève pour m'habiller. Ce soir, il y a une petite fête et je compte y aller pour tenter de me changer les idées. Arrivée devant mon placard, je regarde longuement les différentes robes mises à ma disposition et choisis finalement une robe dans les tons ocre pastel, avec un tissu assez léger. Je la mets sur moi et me regarde dans le miroir. Quelqu'un toque à la porte. 

-Entrez !

J'entends la porte s'ouvrir et je sors la tête de mon placard pour voir le nouvel arrivant. 

-Oh, salut Mike ! Comment tu vas ?

-Ça va. il se tord les doigts nerveusement. Je voulais savoir comment tu allais.

-Bah ça va comme tu peux le voir. je lui réponds.

Je replonge dans mon placard en quête d'accessoires. Un grand silence s'en suit.

-J'ai appris ce qu'il s'est passé pendant la mission.

Je m'arrête net dans ma recherche. Bon sang ! Tout le monde est au courant ? Je pince les lèvres, ressors lentement la tête du placard et croise le regard de l'ingénieur. Je le vois mal à l'aise. Il trifouille ses manchettes d'uniforme nerveusement. Je pose ma robe sur le lit et m'approche de lui. 

-Tu vas vraiment bien ? Je veux dire, pas seulement physiquement... continue-t-il.

-Oui, ça va. menti-je.

Il me regarde droit dans les yeux et je lui affiche un sourire. Ce sourire faux qu'on affiche pour montrer que tout va bien alors que notre intérieur ressemble à un champ de bataille, pour pas inquiéter et surtout pour qu'on nous laisse tranquille. Mike parait satisfait et sourit à son tour. Son regard se dirige sur la robe posée négligemment sur mon lit. 

-Oh ! Tu viens à la soirée ?

-Oui, j'ai besoin de me détendre un peu...

-J'y vais et normalement toute l'équipe aussi. On se verra là-bas alors !

J'acquiesce et il sort de la chambre en fermant lentement la porte. Je me frotte le visage et soupire bruyamment. Je jette un coup d'œil à ma robe. Après un léger moment de réflexion, je l'attrape et me change dans la salle de bain.

***

Je descends les marches de l'escalier principal et me dirige vers la cafétéria, aménagée pour la soirée. Je balaie la salle du regard et remarque mon groupe d'ingénieurs. Au passage, je prends un verre et me dirige vers la troupe. Ils me saluent et on trinque à la santé de chacun de nous ainsi qu'à l'avenir de L'UNS. Je porte mon verre à mes lèvres et avale mon cocktail.

Après quelques verres, j'ai l'esprit suffisamment embrumé pour me lâcher un peu plus et profiter de la soirée. Je tire Mike par le bras et nous dansons sur la piste comme je ne l'avais jamais fait auparavant. J'aperçois Hunter en train de discuter avec d'autres agents, il me lance un regard et fronce les sourcils en voyant mon état. A ce moment, je ne sais pas ce qui me prend, mais je me dirige vers lui et l'attrape par le bras en marmonnant quelque chose d'incompréhensible, qui se voulait être une invitation à danser. Les autres hommes me détaillent du regard, ils sont tous plus âgés que Hunter, entre 27 et 35 ans. Je m'approche de son visage et lui chuchote des mots, je ne sais même pas quoi. Il me regarde avec pitié, s'excuse auprès de ses collègues et me tire par le bras vers le bar. Il m'assoit avec fermeté sur la chaise et demande un grand verre d'eau au barman. Lorsque celui-ci le pose devant moi, je le bois cul-sec et le repose violemment sur le comptoir. Hunter pose ses mains sur mes jambes, de façon à me maintenir si je tombais de la chaise, chose qui arriverait probablement. Je sens le liquide frais me redonner une contenance et je discerne enfin le regard que pose Hunter sur moi. 

Merde.

-On t'as jamais dit qu'il fallait boire un verre d'eau entre chaque verre ? me dit-il avec un sourire en coin. 

Je reviens de plus en plus à moi et mon sourire béat s'efface. Je vois maintenant parfaitement mon mentor qui me regarde intensément de ses yeux noirs. Je balaie la salle du regard et replonge mes yeux dans les siens. 

-Ça va ? 

J'acquiesce lentement et secoue la tête. Je tente de me relever mais il resserre la pression de sa main sur ma cuisse pour que je ne bouge pas.

-Doucement. Tu sais, l'alcool ne résout pas les problèmes.

Je lève les yeux au ciel et replonge mon regard dans le sien d'un air las.

-Peut-être mais il permet de s'échapper quelques minutes de notre vie misérable. 

Hunter baisse la tête en souriant. Il est épuisé par la soirée, et je pense surtout que c'est mon comportement qui le met dans cet état. 

-On va prendre l'air, viens ça va te faire du bien. 

Je souffle parce que, flemme de bouger. Il me tire le bras suffisamment fort pour que je me lève et m'entraîne en me soutenant vers le hall. Nous sortons et nous asseyons sur les marches cote à cote. Je regarde devant moi, l'esprit encore un peu embrumé par l'alcool. L'air frais me fait du bien. Je commence à fatiguer. Après quelques minutes, je pose ma tête sur l'épaule de Hunter. Contrairement à ce que j'aurai pensé, il ne repousse pas mon geste et pose sa tête sur la mienne. Nous regardons droit devant nous, les lumières de la ville teignent le ciel d'un jaune foncé. Il doit y avoir des fêtes aussi là-bas ce soir, on est samedi ce serait normal. Je ferme les yeux pour faire un bilan de cette semaine haute en couleur. Je me repasse tous les événements, la mission, mon acceptation à l'académie, la soirée, ma rencontre mouvementée avec Hunter, l'infiltration, les entraînements, et l'accident de Terence.

-Ça fait quoi ? 

Sa question me sort de mes pensées. Je me redresse et regarde Hunter. Il a cet air absorbé comme lorsqu'il réfléchit à des stratégies d'entraînement. Je me questionne un instant sur ce qu'il veut bien vouloir dire. Je préfère me taire et le laisser parler. Il reprend.

-D'être amoureux ?

Je m'attendais à tout sauf à ça ! Je pince les lèvres et il plante son regard dans le mien. Aucune once de gêne dans notre échange visuel. Je baisse soudain les yeux. Je ne sais même pas ce que ça veut dire... Ce n'est pas quelque chose qu'on nous a appris à l'école. On nous a appris à nous battre, à utiliser toutes sortes de technologies, à survivre, à tuer, mais aucun cours sur l'art d'aimer. 

-Je ne sais pas.

Je sens Hunter bouger. Il me prend la main. 

-Je ne sais pas ce que tu peux ressentir en ce moment, je veux dire par rapport à Terence. J'ai cru comprendre que vous étiez ensemble.

Je ne sais même pas si c'était le cas. Notre "histoire" n'a pas duré assez de temps pour que je le sache. Nous nous sommes embrassés, nous nous sommes aimés, mais peut-être était-ce de l'amitié puissante ? Nous avons été élevés tous ensemble, nous sommes tous comme des frères et des sœurs. C'est compliqué de faire la part des choses. 

-Je te demande ça parce que j'aimerai t'aider. 

Je relève les yeux et découvre un regard profond plein de compassion. Il me sourit maladroitement. Je passe mes bras autour de son cou et lui fais un gros câlin. Il se laisse faire, sûrement parce qu'il a peur de faire quelque chose de mal. Son odeur est rassurante. Je me décolle de lui et nous nous regardons intensément. Nos visages se rapprochent, de plus en plus. Nous ne sommes plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre quand mon téléphone se met à vibrer. Nous rompons le charme en souriant bêtement et j'attrape l'appareil.

-Allô ?

-Charlie ! C'est Jane !

-Qu'est-ce-qu'il se passe ?

Un silence s'en suit.

-C'est Terence. Il s'est réveillé.