Chapitre 12

359 32 36
                                    

   Le clair de lune découpe sur le Polar Tang de larges ombres noires qui suivent les courbes de la coque du vaisseau. Le jaune canari si tape-à-l'œil a cédé la place à une couleur plus pâle, plus fade, qui détonne dans les nuances sombres de la mer noire. C'est calme. Les vagues s'échouent doucement sur le navire, léchant paisiblement la cale dans un doux clapotis. Un vrai bonheur de bricoler dans ces conditions.

   Savamment occupée à détruire les planches, les tôles et la structure du sous-marin tout autour du trou, j'ôte un à un les clous qui maintiennent encore vaguement l'ensemble. Il faut tout enlever pour repartir sur une base solide, afin que le Polar Tang puisse de nouveau remplir sa fonction de submersible. Le cratère mesure facilement deux mètres de diamètre, conséquence des déflagration successives de nitroglycérine.

   Me laissant distraire par un nuage qui vient obscurcir la lumière lunaire, je manque de peu le clou que j'extrayais à l'aide de l'arrière de mon marteau, ripant sur les monceaux boisés. L'outil, au lieu d'enlever le petit bout de métal, m'arrache la peau du majeur et de l'index tout en me rentrant violemment dans la phalange. Un craquement désagréable retentit tandis que le sang se met à couler le long de mes doigts, ma main, mon poignet, jusqu'à suinter dans la manche de ma chemise.

   Je peste et m'empresse d'ôter mon haut pour éponger le sang sur mon bras et stopper l'hémorragie. Une terrible sensation de brûlure irradie de ma phalange très probablement brisée. Impossible de continuer à bricoler pour le moment, d'autant plus que le marteau est tombé je ne sais où. Je crispe mon poing autour du tissu, comptant sur l'adrénaline qui fait battre plus vite mon cœur pour me faire oublier la douleur, et descends en évitant de me tuer jusqu'au pont du Polar Tang. C'est en courant à moitié que je rejoins le bureau de Law dans lequel j'entre sans plus de cérémonie.

   « Ferme la porte derrière toi, » ordonne ce dernier en triant les documents qui s'étaient apparemment renversés et mélangés à cause des secousses du typhon. Il en parcourt le contenu, les sourcils froncés, tentant de déchiffrer son écriture en pattes de mouche.

   « T'es le seul médecin réveillé à part Ikkaku à la vigie, tu peux me soigner ? je demande en refermant le battant d'un coup de pied.

   — T'as fait quoi encore ? » soupire-t-il en relevant les yeux de ses feuilles pour les poser sur moi. Il les écarquille légèrement en me voyant en soutien-gorge, ma chemise tachée de rouge fermement serrée dans ma main gauche. Il se lève et s'approche en quelques grandes enjambées pour voir l'état de la blessure.

   « Mon marteau a glissé alors que j'arrachais des clous, ça m'a défoncé la peau, je lui relate alors qu'il enlève le vêtement gorgé de sang.

   — Tu ne t'es pas loupée, constate-t-il d'un ton ironiquement appréciateur. L'os en dessous a été touché aussi ?

   — J'ai entendu un craquement, donc j'imagine. C'est peut-être le cartilage, non ?

   — Tu peux plier ton majeur ?

   — Oui, j'acquiesce en m'exécutant difficilement. Mais là, c'est la chair à vif qui est plus douloureuse.

   — La phalange intermédiaire a dû se fissurer, décrète-t-il en allant farfouiller dans ses tiroirs pour en sortir de la gaze, du désinfectant, du fil, une aiguille et d'autres objets que je ne parviens pas à apercevoir. Il te faudra une attelle pour immobiliser le doigt. D'ici là, il faut recoudre la plaie. »

   Animée par une certaine curiosité morbide, je soulève les lambeaux de peaux encore accrochés à la plaie pour mieux l'observer, mais le sang empêche d'y voir clair. Le regard autoritaire que me lance Law me dissuade de continuer à y toucher. Il revient vers moi, autant pour nettoyer la blessure que pour m'empêcher de faire n'importe quoi avec.

You're not welcome on board.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant