Chapitre 15

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   « On se pèle le cul, ici !

   — Si tu te couvrais, tu te les gèlerais moins, crétin !

   — Que de délicatesse... »

   Guère surprise d'entendre Zoro et Sanji s'échanger des mots doux, je cache mon nez dans les plis de mon écharpe. Il ne fait pas chaud, le bretteur a raison. L'humidité ambiante traverse les couches de vêtements et pénètre insidieusement la peau, conférant à l'air une moiteur froide des plus désagréables. Usopp frissonne, Nami éternue. Même Law a daigné fermer son manteau, cessant d'étaler au grand public son torse musclé et les tatouages qui le décorent. Seuls Bepo et Chopper paraissent survivre, l'épaisseur de leurs poils leur permettant d'échapper aux gouttes d'eau en suspension dans l'air.

   Missionnés pour aller approvisionner le Thousand Sunny, les quelques membres présents de l'équipage de Chapeau de Paille rechignent à mettre les pieds dans la ville. Grise, sombre et monotone, l'harmonie triste de ce monde urbain n'est troublée que par la gigantesque tour bleue qui se dresse en son centre, sertie d'un immense symbole, celui du gouvernement. Les étendards de la Marine flottent pauvrement un peu partout, alourdis par la bruine et flasques à cause de l'absence de vent.

   « Ça pue la défaite, comme île, déclare Usopp en frottant son long nez.

   — Carrément, agrée la rousse en s'emmitouflant dans son manteau molletonné.

   — Autant ne pas s'attarder, » conclut Law en s'avançant vers la ville.

   Bepo, Shachi et moi sommes également envoyés pour faire quelques courses. J'ai moi aussi quelques achats personnels à faire, or je ne sais où je peux trouver ce genre de matériaux et de produits. L'île est sous protection gouvernementale, mais j'ignore à quel point la Marine veille au grain. Le marché de produits chimiques et hydrocarbures doit très certainement être surveillé de près par le gouvernement. Je ne me suis pas renseignée sur le marché noir du coin, mais je doute pouvoir me procurer ce dont j'ai besoin légalement.

   En quelques grandes enjambées, je rattrape Law qui ouvre le cortège à côté de Zoro. Il a le visage fermé, le chapeau fermement vissé sur le crâne et un regard que je devine dur derrière ses lunettes de soleil. Cet accessoire n'est là que pour le camoufler vainement face aux autorités. S'il voulait vraiment passer inaperçu, il aurait troqué son couvre-chef ridicule contre n'importe quoi d'autre qui ne soit pas aussi tape-à-l'œil.

   Il a consenti, dans sa grande mansuétude, à me laisser tranquille jusqu'au débarquement. C'est la première fois que je le voyais pris d'un accès de violence. Sa colère froide est plus impressionnante encore que sa force. Il a dû estimer que j'étais suffisamment marquée par sa démonstration pour m'infliger en plus d'autres expériences. Sur un territoire aussi hostile, mieux vaut que je sois alerte plutôt qu'assommée par je ne sais quel mélange toxique.

   « T'as des contacts pour accéder au marché noir ? je demande au capitaine des Hearts qui, enserrant fermement le fourreau de son Nodachi, consulte la paume de sa main dans laquelle il a griffonné des choses auxquelles il doit penser.

   — Toutes les bonnes gens trempent, même malgré elles, dans des affaires louches. C'est en mettant une chose au vu et au su de tous qu'elle est la mieux cachée.

   — Ça fait très accroche racoleuse d'une de journal, comme réponse. Tu trouves tous tes médicaments en officine ou tu traînes aussi du côté de l'illégalité ? » Je m'interromps pour me moucher, enrhumée par l'atmosphère humide et fraîche. C'est bien la pire météo qui soit.

   « Le marché pharmaceutique illégal est plus étoffé que le marché légal, explique Law en bifurquant dans une ruelle à sa droite. Ne me suis pas, tu es trop repérable avec ta hache.

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