Chapitre 9

373 32 20
                                    

   Enfin fini ! Ça m'aura pris du temps, cette histoire ! C'est avec un dernier coup de chiffon sur la pédale que je marque l'achèvement de ce premier prototype de Striker qui, je l'espère, sera fonctionnel. Je le soulève pour le remettre droit et tester sa stabilité. Il est plus lourd qu'escompté, mais tant qu'il est en mesure de voler et de supporter le poids d'un humain, il ne devrait pas y avoir de problème.

   « Oh, c'est le machin que t'avais commencé il y a un moment ! s'exclame Penguin en se penchant sur l'objet. Le truc bruyant, là !

   — Ouais.

   — Il est fini ? Tu vas l'essayer ?

   — Ouais.

   — C'que t'es bavarde, aujourd'hui, » se moque-t-il en faisant la moue.

   Je suis surtout extrêmement concentrée, les nerfs à fleur de peau. C'est l'instant de vérité, celui où je vais savoir si ces heures de travail auront abouti à quelque chose de viable ou non.

   Je tombe de sommeil, privée de café comme je le suis, mais l'excitation et la peur parviennent à me maintenir éveillée. J'époussette mon pantalon et glisse mon pied droit dans la première sangle en cuir, fixée par deux rivets en acier. Le pied gauche, lui, est plus en arrière et contrôle l'intensité grâce à l'unique pédale de l'engin. La direction prise dépend de l'inclinaison du corps et des frottements de l'air, cela va de soi.

   Pour le démarrer, il faut activer la manivelle à l'avant du Striker qui lancera le moteur à la verticale afin de s'élever de la surface sur laquelle il repose. Je tourne ladite manivelle vers la droite jusqu'à ce qu'un grondement retentisse. Je me remets rapidement sur mes appuis afin de me stabiliser tandis que le Striker s'éloigne doucement du sol et s'arrête à environ cinquante centimètres de celui-ci.

   « Wow, tu voles ! s'extasie Penguin dont je vois désormais le sommet de la casquette.

   — C'est pas super stable, je constate alors que la plateforme vibre sous les ronronnements du moteurs. Pour les combats de précision, c'est pas l'idéal. »

   Penguin lève les yeux au ciel, sans doute pour me dire que je vois le mal partout alors que c'est génial, je suis en train de flotter. Ce n'est que la première étape. Je plie les genoux et appuie délicatement sur la pédale avec le talon, mais l'engin part au quart de tour, manquant de me faire tomber et d'éborgner un des membres de l'équipage, en train de fumer innocemment sur le pont du Polar Tang. Le cœur dans la gorge et un sourire incontrôlable aux lèvres, je ne relâche pas la pression et me penche en arrière. Le Striker suit le mouvement et part à la verticale, droit vers le ciel. Je plante mon talon aussi fort que je le peux sur la pédale, l'accélération me coupe le souffle.

   Le hurlement du moteur se mêle à celui du vent qui me fouette le visage et me pique les yeux. Je ne sais combien de temps dure l'ascension, mais vient un moment où le crachotement des pots d'échappement m'indique que la machine va rendre l'âme. Aussi grande soit la puissance du Striker, il ne peut échapper à la gravité terrestre. Il s'arrête en plein ciel dans un dernier râle avant de reprendre sa course, mais vers la mer. Mes autres organes rejoignent mon cœur dans ma gorge, mes pieds glissent des sangles. Alors que les nuages s'éloignent de moi et qu'une douce panique commence à me comprimer les entrailles, je tombe lourdement sur le dos, aux pieds d'une haute silhouette, l'index et le majeur tendus.

   « Tu es insupportable. Je ne peux pas te lâcher des yeux cinq minutes sans que tu n'essaies de te jeter dans les bras de la mort, me rabâche Law, agacé.

   — Quelqu'un a chronométré ? Mesuré l'altitude jusqu'à laquelle je suis allée ? » je demande en me redressant avec un signe de tête pour le capitaine. Devant l'absence de réponse des quelques personnes présentes, je soupire. « Vous faites de bien piètres collaborateurs.

You're not welcome on board.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant