« Pour avoir déjà essayé, je t'assure que je tiens assez mal l'alcool.
— Ce qui n'est pas le cas du reste de l'équipage. Bois, ce n'est qu'un verre. »
Qu'un verre, certes, mais un verre de rhum tout de même ! L'odeur aussi forte que sucrée de l'alcool m'emplit les narines et me fait retrousser le nez. A cette pestilence douceâtre se mêle l'amertume dense qui s'impose en arrière-goût, émanant ses relents âcres qui m'écœurent. Je porte le verre à mes lèvres, dégoûtée. Le liquide ambré scintille à la lumière orangée de la pièce. On dirait du bronze translucide.
J'adresse un regard mauvais à un Law déformé par l'arrondi du verre. Debout derrière son bureau, il transvase tranquillement une substance incolore et épaisse dans une autre, ocre. Il est absolument imperturbable devant ma détresse visible à l'idée d'avaler une aussi grande quantité de poison. C'est très mauvais pour la santé, ça. Pire encore que le café, quoi qu'en dise le capitaine.
« Je porte un toast à ma phalange, bientôt débarrassée de son attelle, ainsi qu'à mon épaule, que je me suis luxée hier en voulant dépoussiérer le dessus de mon armoire. Force à vous, vous êtes sur la voie de la guérison. »
Law lève esquisse un sourire sans interrompre sa tâche, amusé par ma mise en scène dramatique qui ne sert qu'à repousser l'instant fatidique au cours duquel je m'étoufferai avec le rhum. Je prends une profonde inspiration et m'empresse d'engloutir la moitié du verre avant d'être prise de l'envie de tout recracher. La brûlure de l'alcool est à peine atténuée par la saveur vanillée et fruitée. Elle descend le long de ma gorge, me lacère l'œsophage et me réchauffe l'estomac. Une quinte de toux me secoue et m'arrache une grimace de douleur lorsque mon épaule abîmée suit le tressautement.
« C'est immonde, je parviens à articuler d'une voix étranglée tandis que les larmes me montent aux yeux.
— Cesse de te plaindre et finis ce verre, cingle-t-il, agacé de m'entendre suffoquer.
— J'aimerais t'y voir avant de critiquer, » je grommelle en me préparant mentalement à boire ce qu'il reste de rhum.
J'avale l'alcool subsidiaire dans un ultime toussotement et repose le verre loin de moi, écœurée par la quantité de boisson que j'ai ingurgitée. Satisfait, Law me fait signe de m'asseoir et me tend un cachet bleu dans un sachet ainsi qu'un gobelet d'eau. Je l'attrape, mourant d'envie de me jeter dessus pour faire passer l'amertume corrosive qui m'irrite la bouche, et déglutis péniblement.
« C'est quoi ? je croasse, tenant la pilule dans le creux de ma main.
— De la vitamine C. On commence doucement, ne t'en fais pas. La carence en vitamine C est une des plus répandues parmi les marins. Afin de pallier ce manque, il serait avisé de prendre des compléments alimentaires. Mes hommes ont tendance à beaucoup apprécier l'alcool, moi le premier. J'aimerais m'assurer que les deux consommations sont bien compatibles. »
Je m'assieds doucement sur le fauteuil, me sentant gagnée par un vertige étourdissant. La tête me tourne déjà. Je prends rapidement la gélule avec l'eau, comptant sur elle pour apaiser ma soif autant que les maux de tête qui me guettent. De la vitamine C, ce n'est pas bien méchant. Le rhum, en revanche, me fait déjà plus grincer des dents. J'ignore comment il compte mesurer une quelconque compatibilité entre les deux substances, étant donné que je me sens patraque rien qu'avec le verre que je viens de m'enfiler.
« Tu survis ?
— Comment veux-tu que je survive ? Un verre, deux-cents centilitres d'alcool à quarante degrés. Comment veux-tu que j'aille bien, bordel ?!
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You're not welcome on board.
FanfictionSortie comme de nulle part, Kyrsten se retrouve bien malgré elle embarquée à bord du Polar Tang, le célèbre sous-marin de l'équipage des Hearts et de son exécrable capitaine, Law. Dans un mélange d'aversion cordiale et de collaboration forcée, ils s...