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Chapitre 8

   « Qui a les plus gros cernes, Krys ou Law ? »

   Je hausse les sourcils, passablement offusquée de me prendre une balle perdue de la sorte. Lancée sans contexte particulier par Shachi qui lave à grande eau le pont, cette pique fait sourire les membres de l'équipage qui sont à l'extérieur. La dernière fois que je me suis regardée dans le miroir il devait être quatre heures du matin et de ce que j'ai vu, je dois avouer que mon visage émacié ressemblait plus à celui d'un squelette qu'à celui d'un humain. Les creux de mes joues et les poches sous mes yeux accentuent le contraste entre ma pâleur et leur noirceur et ne disparaissent pas, même après de longues nuits.

   « Et si tu dépensais ton énergie à récurer ce pont au lieu de vanner les autres ? réplique Law, interrompant sa discussion avec Bepo pour le foudroyer du regard.

   — Oh, ça va, cap'tain ! Avoue que la question se pose ! »

   Il n'a pas complètement tort, pour la plus grande exaspération du capitaine. Ce dernier reprend sa discussion avec le navigateur, les bras croisés. Il a eu le bon goût d'ôter son chapeau ridicule qui, selon mon avis tout à fait objectif, ferait perdre absolument toute crédibilité à qui que ce soit. Mais pas à lui. Law arrive à rester digne et froid quel que soit son accoutrement. Ça force le respect, mais c'est très agaçant.

   « Krys, t'en dis quoi ?

   — J'en dis que je comprends pas pourquoi ça marche pas, ce truc de mes deux ! je peste en posant brutalement le squelette du Striker. C'est censé s'emboîter parfaitement, or c'est pas du tout le cas, bon sang ! C'est typiquement à cause de ce genre de conneries que j'ai des cernes monstrueux ! D'autres questions ?

   — C'était très agressif, comme réponse, souffle Shachi d'une petite voix.

   — Ca l'aurait été moins si cette putain de machine fonctionnait. Règle la question avec Law. »

   Ça fait des heures que je suis sur cette ébauche de Striker sans que ça ne fonctionne correctement. Je maîtrise très bien la théorie, je sais comment souder mes bouts de métal, où glisser mon moteur, avec quoi visser l'ensemble, mais dans la pratique, c'est un échec. La patience commence doucement à me faire défaut, j'ai la vessie pleine et mon ventre gargouille depuis une bonne demi-heure. Furieuse et frustrée, je démonte une dernière fois l'engin, du moins si le projet aboutit un jour, et reprends tout avec méthode.

   « Arrête de me fixer avec autant d'insistance, Shachi. Organise un vote avec les autres si ça t'amuse, mais fiche-moi la paix. Et puis moi aussi, je peux t'en poser, des questions polémiques. Qui a le chapeau le plus ridicule, toi, Penguin ou Law ?

   — J'adore ton sens de la répartie, Krys ! » s'exclame-t-il, enthousiaste. Tout comme l'équipage de Luffy, il a été séduit par ce surnom et l'utilise maintenant dès qu'il le peut. Incontestablement plus prononçable que mon prénom, il a été adopté par l'ensemble des pirates, excepté peut-être Zoro et Law. « Eh, cap'tain ! T'as...

   — J'ai entendu, oui, le coupa-t-il en levant les yeux au ciel. Et je m'abstiendrai d'y répondre. »

   Shachi allait ajouter quelque chose, mais j'allume ma disqueuse, l'empêchant ainsi d'être audible. Dans une pluie d'étincelles qui s'échoue sur mon bleu de travail, je ponce le bout de métal qui me paraît être trop grand pour que le Striker tienne debout. Le bruit me vrille les oreilles, la faute à mon ouïe plus fine, mais je ne cille pas, faisant mine d'ignorer la tête des autres, incommodés.

   « C'est quand même très bruyant pour un résultat peu probant, fait remarquer Law en s'approchant, une liasse de documents à la main.

   — T'es quand même très hargneux pour un mec qui sait pas réparer une fuite, je rétorque, agacée.