Chapitre 5

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    Law lève les yeux de son papier sans décourber l'échine. Il note néanmoins quelque chose, fixe un instant le pot à crayons à sa droite, puis repose ses iris gris sur moi.

   « Ça existe, ça ?

   — J'imagine que l'argument « puisque je te le dis » n'est pas valable ?

   — Soit. Il consiste en quoi ?

   — Deux, trois bricoles sympathiques, du genre se transformer en chat et avoir neuf vies, j'explique en agitant la main. C'est dans le nom, quoi.

    — Tu as vraiment neuf vies ? » demande-t-il avec un scepticisme que je trouve tout à fait offensant.

   Je ne prends même pas la peine de répondre. Plongée dans la contemplation du bureau du capitaine, je reste fascinée par le bazar qui y règne. Feuilles volantes, tasses abandonnées un peu partout, vêtements jetés en travers d'un sofa, étranges flacons visibles dans des armoires en verre... Law est médecin, après tout. Les médecins sont des gens à part, bien au-delà de la plèbe que nous incarnons. Lui doit parfaitement s'y retrouver dans ce bordel.

    « Si je t'égorge maintenant, tu survis ? reprend-t-il, poussé par une curiosité à la fois malsaine et compréhensible.

   — Tu veux essayer ? je rétorque alors que je perds de plus en plus patience face à l'interrogatoire qu'il me fait subir.

   — Non, lâche-t-il après une brève hésitation. Ce serait du gâchis. »

   Il me pose encore quelques questions d'ordre médical tel mon groupe sanguin, de potentielles maladies, ou bien des allergies à certains médicaments. Je n'ai qu'une réponse à lui fournir sur les trois, ce qui lui arrache un froncement de sourcils mécontent. Les ligne vides de son dossier sur moi ne le satisfont pas du tout, ça se voit à ses lèvres si pincées qu'elles sont réduites à une fine ligne. Il me congédie d'un faible hochement de tête, auquel je réponds d'une révérence mal exécutée. Je vais pour sortir, lorsqu'une soudaine nausée s'empare de moi.

   « T'aurais quelque chose contre le mal de mer ?

   — Tu te fous de ma gueule ? » demande-t-il avec un sérieux tout à fait inapproprié à la remarque. Mon silence lui confirme que non. Il déplie sa grande carcasse en grommelant, et ouvre quelques placards dans lesquels sont entassés des boîtes, des récipients et encore des papiers. Il finit par attraper un flacon avec des gélules bleutées qu'il me lance. « Pirate avec le mal de mer, c'est un comble.

   — Ma formation de base n'est pas pirate, je lui rappelle en réceptionnant le médicament.

   — Toutes les six heures avec un peu d'eau. Ne mange pas une demi-heure avant ni après.

   — Merci, chef. »

   Je quitte pour de bon la pièce en trébuchant sur le pied du porte-manteau inutilisé, puis claque la porte sans écouter ses commentaires furieux. Je m'arrête en plein milieu d'un virage décoré d'un tableau abstrait et fait volte-face pour retourner dans le bureau de Law. Celui-ci ne relève même pas les yeux, de contentant de me reprocher vertement mon impolitesse.

    « Ici, on toque avant d'entrer.

   — Qui s'est occupé de rembourser les habitants de Kalieda pour les dommages causés ? je lui demande sans me formaliser de sa remarque.

   — Tu demanderas à Mugiwara-ya, c'est lui qui a fait une entrée pour le moins...fracassante.

   — Où sont-ils ? Pour des alliés, vous ne vous fréquentez pas beaucoup.

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