Chapitre 7

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   Le Polar Tang est silencieux. Il tangue tranquillement au rythme du roulis vagues. Les lampes grésillent, l'éclairage est agressif. A travers le hublot, rien d'autre qu'une obscurité intangible, un noir dont on ne peut percer les secrets. J'éternue. Il fait froid et le petit radiateur électrique peine à réchauffer l'atmosphère humide de la chambre. Il est temps d'y aller, mes pauvres os ne survivront pas ici.

   J'attrape une lampe torche et ma caisse à outils, puis quitte la pièce insalubre. Quelques virages et mauvaises décisions plus tard, je parviens de nouveau devant le bureau du capitaine. Un rai de lumière filtre de sous la porte. Bonjour l'isolation, ici aussi. Je ne prends pas la peine de toquer et entre.

   Law est installé sur son fauteuil, le nez dans ses documents. Sans relever la tête à mon arrivée, il continue de griffonner, de vérifier ses papiers, de les disposer autrement sur sa table, le tout dans un silence perturbé uniquement par le grattement de sa plume. Sans me formaliser de ce manque de réaction, je vais pour m'occuper enfin de cette fuite tant embêtante, mais il m'ordonne de fermer la porte d'un geste de la main.

   « Merci d'avoir rangé, au fait, » dis-je en m'exécutant.

   Rien n'a bougé dans la pièce. Il n'a pas touché à ses vêtements jetés à même le sol, ni trié les objets en sens dessus-dessous qui jonchent l'agrégat de n'importe quoi de la pièce. Fantastique. Un cadre de travail idéal, c'est bien connu.

   Je retiens un soupir et m'agenouille à côté du mur humide. Une tache sombre grignote le lambris et le parquet. J'ai coupé l'eau tout à l'heure, mais une goutte continue de se former à la jointure de deux tuyaux. Je lève les yeux au ciel, consternée. Une fuite, bon sang. N'importe qui peut gérer une fuite !

   C'est en pestant intérieurement après l'entièreté de l'équipage et plus particulièrement son capitaine que je démonte les canalisations, change le joint usé et reboulonne le tout. Cela en quelques minutes, ce dont tout le monde est capable, n'est-ce pas. Je me redresse et époussette mes genoux avec une grimace pour ma blessure qui n'apprécie pas le mouvement. Reste à Law la tâche de faire un peu de rangement dans ce bordel sans nom.

   « Tu bosses sur quoi ? s'enquiert ce dernier en se baissant pour attraper quelque chose dans un tiroir.

   — La fuite, peut-être ? je réponds, ahurie d'entendre une telle question.

   — En dehors de la fuite, précise-t-il avec un ton suintant de dédain.

   — Quoi que je fasse, j'ai besoin de matériel. J'aurai des achats à faire à notre prochaine escale. D'ici là, je ne peux pas faire grand-chose si ce ne sont quelques réparations dont le navire a sincèrement besoin. »

   Il ne se donne même pas la peine d'acquiescer. Ni même de donner quelques directives ou conseils. Soit. Mes travaux en échange du gîte et du couvert, l'amabilité n'a jamais fait part du contrat, d'un côté comme de l'autre. C'est agaçant, mais ça se respecte.

   « T'as besoin d'argent ? demande-t-il alors que j'allais quitter la pièce.

   — J'en ai. Et je sais comment m'en procurer.

   — Bien. »

   Cette ébauche d'intérêt qu'il a eu pour mes activités est touchante, mais je ne me fais pas d'illusions. Je ne trouverai pas d'amis à bord du Polar Tang. J'ai pu voir Luffy, je n'ai plus grand-chose à faire là. Je resterai ici autant qu'il me le sera nécessaire, puis partirai. En m'assurant néanmoins qu'il n'y ait plus de fuite nulle part.

~*~

   « Krys, tu sais jouer au tarot ?

   — Absolument pas, et toi ?

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