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2. Grandir

Le lendemain, Damien se réveilla avec une énergie rare. La nuit avait été très réparatrice, il s'était endormi à la seconde où son corps s'était laissé tomber sur le lit et avait dormi comme un bébé, pendant douze bonnes heures.

Se préparant rapidement à en oublier d'arranger ses cheveux, Damien rejoignit vite le balcon d'où émanait une exquise odeur fruitée. Lorsque l'été arrivait, sa mère aimait toujours préparer des jus de n'importe quel fruit sous sa main, des confitures faites maison à partir de ce que leur potager sur le bord de la Loire leur offrait. Dans une petite casserole remplie d'eau trempaient trois oeufs à la coque, à côté d'un pot de pâte à tartiner. C'était le genre de petit-déjeuner qui rend heureux n'importe qui.

― Bonjour Damien ! s'écria soudain Jade, la bouche pleine de chocolat, déjà parée à rejoindre la piscine.

Leurs parents suivirent son élan, et ils s'échangèrent tous un jovial salut matinal. Sans attendre plus longtemps, Damien se mit à table lui aussi et survola avec ses mains ce qui lui était proposé, ne sachant pas par quoi commencer. Il était comme abasourdi, bien qu'il ait déjà vécu cette scène. Tout était si léger autour de lui, si agréable. L'atmosphère de l'été était toujours particulière, mais encore plus quand il était entouré de sa petite famille, devant une table garnie que de bonnes choses. C'était tellement cliché, mais Damien était tellement heureux.

― Ta soeur voudrait aller à la piscine quand on aura fini, fit sa mère après avoir mordu dans une biscotte.

― Maman je vais pas accompagner Jade partout où elle veut aller...

― Oh non, rit sa mère, tu peux rester, comme tu peux venir. Tu veux venir ?

― Je sais pas, Damien haussa les épaules. Prendre un bain vite fait, ouais je veux bien.

Le petit-déjeuner se poursuivit dans un silence agréable, uniquement entrecoupé par des bruits stridents de couverts se heurtant. Avant de faire un saut à la piscine, Damien, lui, aurait aimé jouer aux cartes avec son père. Il ne savait pas ce que ferait ce dernier, d'ailleurs, mais il était certain qu'il n'était pas prêt de s'éloigner de sitôt. Son père n'était pas très friand d'aventures, c'était un homme simple qui n'avait besoin que de ses mots fléchés et d'une chaise longue pour apprécier ses vacances. Damien aurait adoré être cet homme-là, mais il ne pouvait qu'essayer de lui ressembler, bien qu'il fût déjà très satisfait d'avoir dans ses gênes son caractère taquin.

Pris d'un grand enthousiame, le visage de son père s'illumina instantanément, après que Damien lui eût proposé de sortir le jeu de cartes enfoui dans son sac. Jouer avec son fils était son activité préférée, bien qu'il était difficile de le voir. Pourtant, qui n'aurait pas remarqué sa joie lorsque son fils lui-même proposait de jouer, se renseignait sur des choses qu'il lui apprenait, passait du temps avec lui, des fois dans un silence de plomb. Leur relation était d'une force rare, tout deux se vouant une admiration et un respect silencieux, mais très fort.

Jade se mit à râler bien vite, demandant pourquoi Damien pouvait jouer aux cartes et pas elle. Damien répondit vite que c'était uniquement réservé aux garçons, avec un sourire narquois. Comme tous les enfants, Jade vivait avec une curiosité envahissante, et aurait aimé savoir quelle stratégie se cachait dans les yeux de son frère et de son père. Quand ils jouaient, ils étaient tous les deux très silencieux, traduisant une grande concentration. Mais le principe d'un jeu n'est-il pas de s'amuser ? Est-ce amusant de réfléchir aux issues que cachent deux rectangles blancs ? Jade n'aimait pas réfléchir, il n'y avait rien de plus ennuyeux à ses yeux que le silence de plomb que créait le cerveau, drainant toute l'énergie, toute la force et la vivacité du corps humain pour résoudre des énigmes. Elle voulait jouer à ces jeux qui nécessitent la plus grande réflexion, à sa manière, sans silence perturbant, comme un enfant y jouerait.