« Et voilà, c'est là qu'on se laisse mon cher Damien. T'es un super gars, je t'aime. »
Il était là, assis dans cette voiture où tout lui rappelait Thomas. Il était sûr, il allait fondre en larmes dans très peu de temps.
Sa soeur s'était déjà endormie, son père était concentré sur la route et sa mère réglait tranquillement la radio sur Nostalgie. C'était horrible, même la radio ne chassait pas ces voix dans sa tête, qui semblaient toutes être une seule et même voix finalement : celle de Thomas. La musique qui commença après un jingle était la préférée de sa mère, un classique italien. La Solitudine de Laura Pausini. Il ne suffit que d'une poignée de secondes pour que l'océan dans ses yeux déborde et atteigne la barrière frêle de ses cils. Damien retenait sa respiration, contractait la mâchoire, empêchait ses paupières de couvrir ses prunelles. Il ne supportait pas de pleurer, ni cette torture horrible que de regarder la route défiler et le soleil illuminer le ciel, mais la deuxième option laissait penser à sa famille qu'il allait bien.
Entre ses doigts, il y avait une paire de lunettes. Celle qu'il lui avait acheté. La monture jaune aux verres bleutés. Thomas avait tenu à la lui donner. Quand son index passait entre les verres, il imaginait poser le bout de son doigt sur son nez. Et il se sentait mal, parce que ce n'était pas son nez, fin et droit qu'il sentait, mais uniquement un plastique froid et impersonnel. Quand il touchait les branches, ce n'était pas ses boucles vivaces qui s'entortillaient entre ses doigts, mais le silence. Le silence que Thomas avait laissé dans son coeur. Il y était encore bien sûr, mais son image commençait déjà à disparaître. Pire encore, il n'y avait pas que dans son coeur que ce silence l'anéantissait, mais dans chaque petite partie de son corps ayant vibré à ses grands yeux sombres. Cette paire de lunettes n'avait pas Thomas en elle. Quel souvenir était-il ?
Il lâcha la monture, comme si elle le brûlait. Ses yeux voilés de larmes fixèrent le goudron, brillant par endroits sous la lumière omniprésente du soleil. Tout lui brûlait à ce moment là. Les lignes blanches de l'autoroute défilaient si vite, il ne pouvait même plus distinguer les espaces entre elles. Vite. Le temps était passé trop vite. Il avait l'impression qu'il avait embrassé Thomas qu'avant-hier, qu'hier il l'avait aimé sans limites à en oublier le temps, et que là, il pourrait le demander en mariage. Mais il était trop loin. Et cette voiture va trop vite. Chaque mètre derrière lui, chaque voiture dépassée lui apportait une douleur en plus. Cette fois-ci, la vague fut trop grande et elle s'écrasa violemment contre ses joues, ses joues qui étaient pâles, débarrassées de leur coup de soleil, enlevées de leur coup d'amour, inconsolables elles aussi de ne plus sentir les doigts de Thomas atténuer les brûlures.
Il ne sut plus où se concentrer pour fuir ce chagrin. Le siège en face de lui lui rappelait même à quel point le regard de Thomas était sombre. Il ne s'était jamais senti aussi misérable, aussi seul, aussi touché, aussi amoureux. Toute sa vie, il avait contrôlé ses sentiments, mais ici, tout était flou, il ne savait plus comment penser, comment sourire, comment ne plus sentir l'absence de Thomas sur sa peau.
La voix de la chanteuse italienne se fit plus forte et plus sincère, atteignant ce qui ressemblait au nirvana de cette merveilleuse chanson. Il ne comprenait rien aux paroles, mais la puissance à laquelles elles étaient chantées lui donnait de grands frissons. Damien sentit une immense source de chaleur monter en lui et le consumer. Il avait tellement chaud. Il allait s'étouffer.
Pourquoi ne se sentait-il pas léger comme toutes les nuits précédant son départ ? Etait-ce la chaleur du moment ou bien le corps de Thomas qui l'avait fait flotter ? Le feu dans cette voiture était lourd. Le bout des doigts de Thomas l'emmenait dans des dimensions parallèles, dans des limbes profondes de passion, où l'on ne discernait plus les saisons, où il n'y avait plus de température. Il ne voyait plus ses défauts physiques quand il posait la moindre parcelle de sa peau sur la sienne. Il rendait ce feu plus ardent, ou bien il dessinait des arabesques de fraîcheur. Sans Thomas, la chaleur et le froid étaient insupportables. Tout était insupportable...
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dernier [terraink]
FanfictionÀ ses dix huit ans, Damien rencontre son dernier amour d'été, pendant ses dernières vacances avec sa famille, son dernier été d'insouciance. 20.05.2020-23.07.2020