12. L'aube de l'amour

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― Hé, Thomas.

Damien avait prononcé ces mots avec une tendresse incontrôlée. Lui-même ne pensait pas que sa voix pouvait être autant imprégnée des sentiments qui le traversaient. Ça lui arrivait parfois de parler de cette manière à sa sœur, mais ce n'était jamais vraiment naturel alors qu'ici, ce vent de douceur qui avait enveloppé sa voix était venu de nul part.

En tous cas, elle était en accord parfait avec le cadre autour de ses yeux bleus, clairs comme un saphir. Cela faisait quelques minutes qu'il était sorti de sa lourde somnolence, pile à temps pour observer la terre et le ciel s'éclaircir. Habituellement, il aurait été un peu ronchon, comme il l'était à chaque fois que son sommeil était perturbé. Mais cette fois, personne ne l'avait réveillé, et puis il était si bien, si serein, que toute la négativité qui prenait place en lui s'était retrouvée écrasée sous le poids considérable de ses sentiments.

La mer en face retrouvait sa couleur chatoyante, rivalisant toujours et encore avec celle qui illuminait les yeux de Damien. Il l'observa, quelques instants, la mer. Les mouvements des vagues qui s'échouaient sur les galets blancs étaient dictés par un courant lointain qui semblait être calme et apaisant, traduisant parfaitement ce qu'il se passait au fond de Damien. Ni la fatigue, ni les pierres s'enfonçant dans la peau de son dos ne surpassaient sa plénitude unique.

Il faisait encore assez sombre. Damien ne saurait dire quelle heure était-il. De toute manière, il n'avait même plus la notion du temps. Il savait juste que l'aube commençait à envelopper la terre.

Après avoir encore contemplé le paysage infini devant lui et sa silhouette frissonnante, il baissa le regard. Il essaya une nouvelle fois de réveiller le garçon sous lui, mais Thomas semblait profondément endormi. Il bougeait un peu. Un peu de lui-même, et un peu sous les très légères secousses de Damien. Ce dernier sentait quelques frissons remonter à sa nuque quand les boucles de son copain s'étalaient sur la peau de ses cuisses. Avant de sombrer dans sa torpeur, Thomas avait posé sa tête sur les cuisses de Damien, puis son corps sur les galets, ignorant la douleur qui ne tarderait pas à le déranger. Damien, lui, s'était assis dans un coin de la plage, là où un muret en béton était construit pour délimiter l'étendue de pierres et le camping. Naturellement, ils avaient d'abord évité le regard de l'autre, puis Damien avait entortillé les cheveux de Thomas entre ses doigts aventureux. À partir de ce moment-là, leurs regards ne s'étaient plus lâchés, jusqu'à ce que l'un d'eux ne s'endorme.

Thomas avait été le premier. C'était impossible de lutter contre des caresses apaisantes, d'autant plus que c'était Damien qui lui en offrait. La différence était là : c'était Damien, pudique avec les mots, transparent avec le corps. Il avait pris ses gestes pour une déclaration silencieuse. Elle était si sincère et tendre, cette déclaration, qu'il avait certainement dû être porté par ce nuage de sentiments qui l'avait enlacé.

Damien l'avait suivi, une demi-heure après. Il n'avait pu cesser de regarder, de tendrement lorgner Thomas assoupi. Ignorant l'inconfort de sa position et le béton rugueux torturant sa peau, ses doigts avaient quitté les boucles de son copain pour redessiner le contour de ses lèvres. Il avait continué à le couvrir de gentilles caresses jusqu'à ce que lui aussi cède à la fatigue. Il espérait que ce qu'il faisait provoquait une réaction dans les rêves de Thomas, ou bien qu'il lui offrait seulement beaucoup de bien-être. Lui-même se faisait du bien en laissant voguer ses doigts sur son visage apaisé, comme si c'était lui qu'on dorlotait. Il s'était senti si bien, qu'une force, probablement le sommeil, était descendue des cieux jusqu'à lui pour l'emmener loin, loin de la Terre. Peut-être était-ce interdit de ressentir tant de choses, ici...

Et enfin, le voilà ici. Réveillé par l'aube, toujours avec Thomas sur ses cuisses. Si l'atmosphère n'était pas aussi unique, il l'aurait probablement laissé dormir encore un peu. Quitte à avoir encore un peu mal, contre la dureté des nombreux galets purs, et de ce mur rugueux et abîmé. Voir Thomas dormir, c'était un bon remontant. Mais, il était certain que celui-ci adorerait voir le jour se lever avec lui.

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