17. Une carte postale

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Le lendemain, Damien avait entraîné Thomas avec lui à Saint-Raphaël. Il tenait particulièrement à l'emmener une dernière fois sur la promenade, dans cette ville où les couleurs douces de l'été imprègnent chaque touriste, où en quelque sorte, tout avait commencé entre eux. Le matin, ils s'étaient retrouvés très tôt sur la plage, aux côtés de leurs mères respectives. Ils s'étaient ensuite éloignés, au large de la Méditerranée, dans une eau fraîche et agitée par les va-et-vient incessants des bateaux de plaisance.

Sur leurs joues, il y avait encore les nuages rouges vifs du début du séjour. Même avec des couches et des couches de crème solaire, ils étaient toujours des proies faciles aux rayons de soleil. Thomas semblait s'y être habitué, mais Damien ne se faisait toujours pas à cette brûlure désagréable à chaque fois qu'il passait ses ongles sur sa peau.

Néanmoins, il faisait rapidement abstraction de cette gêne en ayant Thomas avec lui. Aujourd'hui, il voulait rattraper la journée qu'ils avaient perdu la veille. Sans même que son copain ne puisse dire le moindre mot, Damien avait planté son regard bleu dans le sien et lui avait dit, sur un ton presque autoritaire, qu'il passerait la journée avec lui. Sur le chemin, Damien était revenu sur ses mots et avait même hésité à s'excuser, il se trouvait ridicule et insupportable à vêtir ce masque possessif. Il devait bien laisser Thomas passer du temps avec sa famille, ils n'étaient que l'affaire de quelques jours, après tout.

Il n'avait pas énormément dormi, cette nuit. Sous son coup de soleil, des grosses cernes se cachaient péniblement. En plus d'avoir eu une riche discussion avec Hugo, il n'avait pu s'empêcher de penser au moment où le jour se lèverait. Avant de souhaiter une bonne nuit à sa sœur sur le lit d'à côté, il avait trouvé merveilleux d'offrir quelques babioles à Thomas. Des choses insignifiantes, à l'image de leur relation, comme une paire de lunettes de soleil ou bien une de ces pièces d'or que l'office de tourisme de chaque ville avait. Et, pris par l'excitation, il n'avait pas réussi à fermer l'œil avant un moment, au moins jusqu'à ce que les oiseaux s'éveillent.

Il savourait le moment, alors. Même si le temps n'était pas aussi beau que ce matin, le soleil étant souvent voilé par des nuages passants, il faisait beau dans son cœur puisque Thomas était avec lui. À ce propos, après une légère réflexion durant la nuit, Damien s'était résigné à accepter ces bribes de poésie mièvre qui lui prenaient souvent à la vue de son amant. Il s'était mis à apprécier cette pétale voguant dans son esprit, aussi fort que le garçon qu'elle représentait. Il voulait tant que Thomas connaisse son existence, qu'il entende ce « je t'aime » coincé dans sa gorge, mais une force intérieure l'en empêchait. Une force qui ne se remettait qu'à l'aspect très éphémère de leur lien, et grommelait que prononcer des mots aussi puissants n'était pas la peine pour un garçon qu'il aurait oublié le mois prochain.

― T'avais pas dit que tu voulais m'acheter une connerie ? Thomas lui demanda au milieu du silence, expirant le fantôme de sa cigarette.

― Je voulais t'acheter un ticket pour le casino mais si tu tiens tant à avoir une connerie...

― Mec !

Un rire lui échappa, alors que Thomas s'agitait sur son vélo.

― T'es sérieux ?

― Bien sûr que non mon cochon, j'ai juste assez d'argent pour payer un SDF.

― Pas sûr de trouver un SDF dans une ville de gens pétés de thunes, je suppose que c'est moi ?

― Tout à fait mon cher Thomas.

Ralentissant l'allure de son vélo, Damien aperçut dans l'angle d'une rue une boutique de souvenirs aux vitrines de verres. Difficile de ne pas l'apercevoir, les vitrines étaient posées en un ensemble octogonal, et regorgaient de vieilles babioles en tout genres. Quand on plissait les yeux, on apercevait l'intérieur, qui ne manquait pas de vie, animé par toute l'effervescence humaine dont il était inondé. C'était, en plus d'une boutique de souvenirs, une sorte de bar, ainsi qu'un tabac presse. Bref, en somme, quelque chose de très basique.

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