― Da-mien, a-attends-moi !!
― S'cuse-moi mon p'tit To-hic-to...
Deux navires hors de contrôle portés par le vent sur des flots d'alcool. Voilà ce qu'étaient Thomas et Damien, au crépuscule de la soirée dansante au bar-restaurant du camping.
La lumière orangée des lampadaires bordant les allées étaient leurs seuls repères. Ils n'avaient aucune idée de combien de verres avaient brûlé l'intérieur de leurs corps, ni de comment avaient-ils fait pour s'échapper de la foule endiabliée, et encore moins d'où leur venait cet équilibre frêle qui les empêchait de s'effondrer contre le béton. Mais ils se sentaient incroyablement bien.
Tellement bien.
La brise du début de soirée s'était vite effacée, aisément dominée par la canicule du Sud. Leurs vêtements collaient à leur peau sans pour autant en amener la gêne. Leurs hoquets, marque évidente de leur excès d'alcool, transperçaient l'atmosphère lourde, tout comme leurs rires intempestifs et injustifiés. Ils avaient l'air de deux carcasses immondes obsédées par l'alcool, mais en eux, l'horizon de leurs pensées s'était trop réduit pour pouvoir prétendre à la moindre prise de conscience.
Ils marchaient, d'une allure extravagante, n'importe où tant qu'ils étaient ensemble. Heureusement, il n'y avait pas grand monde sur les allées pour les dévisager. Parfois, Damien posait ses deux mains sur un arbre, qu'il enlaçait la seconde d'après. Il y frottait vigoureusement sa joue, et le temps que Thomas, un peu moins éméché que lui, ne vienne le tirer du tronc, une marque rugueuse striait sa peau diaphane. Mais les picotements, il ne les ressentait pas, comme si l'alcool en lui désinfectait déjà les très superficielles plaies.
La logique aurait voulu que leurs pas hasardeux les mènent à la plage, où comme la première fois avant que leurs lèvres ne se mélangent, Damien goûterait aux vagues, avec Thomas cette fois-ci pour se joindre à lui. Seulement, il y avait l'alcool. Toujours l'alcool. Pour brouiller leur vue, leur tailler des sourires solides comme des rocs, brûler la raison et les questions. Tout était plus clair, même en étant pris de vertiges, même en ayant un voile mouillé sur les yeux. Et Damien ne voyait que Thomas sur son chemin, et Thomas ne vivait cette nuit que pour Damien.
Le bouclé était d'ailleurs amusé, dans son dernier élan de sobriété, de voir que la manière dont son copain marchait lui enlevait toute son assurance naturelle. C'était une des choses qu'il avait adorées chez lui, et qu'il admirait silencieusement. La voir s'en aller ne lui enlevait cependant pas cette admiration, cette fois-ci ses pensées se confondant avec les grammes d'alcool arpentant ses veines, il aimait ce sourire sur ses lèvres et cet air un peu débile qui montrait bien à quel point Damien s'amusait. Il aimait le voir s'amuser, effrayer les oiseaux avec ses ricanements bruyants, faire apparaître cette légère courbure au coin de ses lèvres. L'ivresse était une extension du Damien sobre qui se jouait du monde autour de lui.
Au bout d'un moment, à un croisement entre deux allées, bordé de micocouliers luxuriants, Thomas sentit sur ses épaules tout le poids de son amant. Naturellement, il posa ses mains sur les bras enveloppant le haut de son corps, avec un sourire niais. Même la plus délicate des inspirations amènerait dans ses narines ces effluves mélangées d'éthanol, de menthe et de parfum bon marché. Damien sentait bon.
― Thomas j'ai la tête qui tourne, ce dernier bafouilla en posant son front contre la nuque du susnommé.
Thomas avait beau avoir dix-huit ans depuis quelques mois seulement, il avait fait face bien avant à des amis complètement ravagés par tout un tas de cocktails explosifs buvables, et il savait que ce genre de paroles n'avait rien de bon. Avec Damien l'enlaçant avec une force sans doute non mesurée, il avait avant tout une pensée à son sweat-shirt bordeaux, un de ses préférées, qui deviendrait un torchon bon à la poubelle s'il n'emmenait pas Damien autre part.
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dernier [terraink]
FanficÀ ses dix huit ans, Damien rencontre son dernier amour d'été, pendant ses dernières vacances avec sa famille, son dernier été d'insouciance. 20.05.2020-23.07.2020