dernier [terraink]

15. Où es-tu ?

Damien prenait le soleil. Il était particulièrement de bonne humeur, aujourd'hui.

Avant d'aller se coucher la veille, il avait joué quelques parties de cartes avec son père, tout en discutaillant joyeusement avec lui de tout et de rien. Et lorsque Jade et sa mère étaient revenues de la piscine, il s'était affalé dans son lit et avait dormi à poings fermés, avec un sourire béat aux lèvres.

Ce matin, il était parti à la supérette pour ramener à sa famille de la confiture de fraises et une baguette de pain. Il avait revu Gabrielle entre temps, à la caisse. Elle rayonnait toujours autant, tellement que Damien en était profondément aveuglé. Cette fille dégageait vraiment quelque chose d'exceptionnel. Profitant du silence et du vide dans la supérette, ils avaient un peu parlé, des soirées à la piscine et du futur départ de Damien. Puis, la jeune femme s'était souvenue de ce moment où Damien lui avait demandée si elle avait aperçue un petit bouclé. Alors, elle demanda naturellement des nouvelles de ce bonhomme. La réponse que Damien lui donna n'était pas claire, mais elle se concentra plus sur les nuages roses sur ses joues que sur ses paroles. Au fond d'elle, elle ressentait un léger pincement au cœur. Elle avait un petit bouquet de sentiments qu'elle cachait derrière son dos, mais tout ce qu'elle lui donna, ce fut son numéro de téléphone. Au moins, ils pourraient devenir de bons amis. Ils se quittèrent sur deux sourires échangés.

Après un copieux petit-déjeuner auprès de sa famille, Damien était désormais avachi sur un des transats dont le mobil-home disposait, profitant du beau temps sous la toile striée de jaune et de vert couvrant la terrasse en bois. Son père était toujours là, une tasse de café aux lèvres, un journal sur la table, à profiter aussi de la lumière. Il était souvent perturbé par les courtes sonneries du téléphone de Damien, qui textotait vivement avec Hugo, coincé à Tours. Il regarda aussi un moment les numéros composant celui de Gabrielle. Il l'avait enregistré bien sûr, et il était également ravi de pouvoir garder une trace d'elle à son départ.

Damien avait l'esprit léger, aujourd'hui. Aucune envie particulière mis à part profiter de la matinée sur ce transat et bavarder avec Hugo. Aussi, plus tard, il irait voir Thomas. Il leur restait cinq jours à présent, à abondamment profiter de l'autre et de ce Sud aux couleurs douces. Il irait bien une dernière fois à Saint-Raphaël avec lui, il lui reste assez d'argent pour lui offrir quelques souvenirs. Une carte postale, des lunettes de soleil, son coeur dilué dans une bière. Damien soupira bruyamment, chassant les niaiseries florissantes dans sa tête. Lorsque ses pensées touchaient à Thomas, il devenait ridicule. Force est de constater qu'il s'était énamouré de sa personne, d'un peu tout ce qui était propre à sa personnalité vive et maligne.

Il s'était souvent demandé, notamment durant ces deux nuits suivant cet après-midi à Saint-Raphaël avec Thomas, ce que c'était, être en couple avec un quasi inconnu pendant une petite semaine. Est-ce qu'il fallait brûler les étapes que le temps préparait minutieusement ? Ou bien, le vivre lentement quitte à laisser un goût amer d'inachevé ? Damien se disait que ce n'était qu'une question de feeling. Pour lui, c'était plus une expérience que quelque chose de sérieux. Malgré la nostalgie qui commençait déjà à le grignoter, il était heureux d'avoir trouvé Thomas. Surtout que, bien mieux que tous ses précédents amour d'été, il avait trouvé en lui une véritable quiétude, que Thomas lui donnait généreusement. C'était bien plus fort que toutes ses autres amourettes, peut-être parce que ce n'était que l'affaire d'une maigre semaine, et que quand Damien fermait ses yeux, il imaginait Thomas avec lui dans dans ses futures escapades dans la vie d'adulte.

Mais la réalité, c'était que dans cinq jours, leurs chemins se sépareraient.

Damien soupira une nouvelle fois. Finalement, il ne se sentait plus vraiment de rester sur ce transat. Une seconde loin de Thomas, c'était peut-être des heures entières en moins dans le compte à rebours.