4. Quelques courses

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« Damien, tu peux aller acheter du beurre et du pain à la supérette s'il te plait ? »

Forcé de se plier aux requêtes de ses parents, Damien descendait maintenant la pente de son emplacement qui menait à la route principale. Ses tongs claquaient joyeusement le bitume, traduisant un certain entrain. Comme le matin précédent, il y avait toujours cette chaleureuse atmosphère qui embaumait le camping, comme un filtre où tout avait une dimension plus douce sous un ciel d'été. Au travers des buissons peu verdoyants et également plutôt petits, il voyait des familles se mettre à table, des enfants gambadant sur des carrés d'herbe en pleine santé, créant un fond de conversation inaudible, mais dont on pouvait ressentir toute la gaieté s'en échappant.

Le temps de rejoindre la supérette, il se mit à penser à hier matin, à la piscine. À Thomas, plus précisément. Mathilde lui avait dit que ce serait sympa de faire connaissance avec lui car il avait beau être quelqu'un d'enclin à la solitude, il cachait en réalité une personnalité hilarante et rayonnante. Damien hésitait toujours à la croire, si cette fameuse personnalité n'était montrée qu'au travers un minuscule sourire. Mais s'il avait l'occasion de se faire un ami, alors Damien ne reculerait pas. Qui sait, peut-être qu'en fin de compte ils deviendront les meilleurs amis du monde.

Enfin, il arriva dans l'épicerie, vide et climatisée. On entendait seulement le bourdonnement incessant d'un ventilateur, ainsi que celui d'une climatisation. Damien fronça les sourcils. D'habitude, il y avait toujours un petit monde le matin se ruant sur le dépôt de pain, mais là, la supérette était déserte. Plus tard, il se rendit compte qu'elle venait seulement d'ouvrir. Alors qu'il déambulait dans les rayons à la recherche de ce pourquoi on l'avait envoyé ici, il fut pris de violents frissons. Le froid, ou bien la chair de poule, Damien ne saurait dire. Il ne ressentait pas cette petite joie en marchant sur les pas d'anciens touristes. C'était triste à en devenir glauque.

Il se dépêcha donc de récupérer une plaquette de beurre, une baguette de pain ainsi qu'une barre chocolatée pour lui. Pendant qu'il se servait dans le dépôt de pain près de la caisse, il sentit un regard sur lui. Un regard timide, mais insistant, qui le brûlait tellement au milieu de tout ce froid qu'il se redressa vite. C'était la caissière derrière son comptoir, qui rougit vite en s'apercevant que Damien l'avait remarquée. Damien, qui comprit vite et lui lança un léger sourire, de quoi la rassurer. Du fond de sa pensée, un rire sulfureux lui échappa, conscient que cette charmante jeune femme venait de tomber sous son charme. Il allait pouvoir s'amuser.

Damien n'était pas insensible lui non plus à elle. Elle était ravissante, même dans des habits qui ne la mettaient pas en valeur. Son regard vert était intense, pétillant, il donnait envie de s'y perdre. Ils étaient entourés par de longs cils soulignant la profondeur de ses yeux. Elle avait aussi un petit nez, droit jusqu'à son bout légèrement recourbé. Deux lignes parallèles et saillantes gardaient la trace du doigt de l'ange, une vieille légende qui disait que ce léger creux au dessus des lèvres était celui laissé par un ange à la naissance pour taire à chaque âme toutes les vérités que le monde cachait. Ce creux descendait jusqu'à sa bouche peinte d'un léger rouge à lèvres. Ces dernières semblaient de velours, s'étendant jusqu'à ses fossettes innocentes, où Damien aurait adoré poser la pulpe de ses pouces. Il y avait encore plein de détails sur lesquels il aurait pu s'attarder longtemps, mais au risque de paraître étrange voire effrayant, il posa les articles face à elle. Ils passèrent rapidement sous son scanner, avant qu'elle ne relève les yeux et articule sur une voix irrésistiblement timide :

― Ça fera trois euros quarante.

Damien tendit un billet de cinq, mais juste avant que les fins doigts de la demoiselle ne l'attrapent, il recula sa main. Elle lui lança un regard interrogatif au-dessus du nuage rose de son rougissement. Damien avait compris un truc au fil de son expérience accumulée : il devait se retenir. Dans ses émotions, quand elles sont puissantes, et même dans les gestes les plus simples. S'il donnait le billet maintenant, il n'y aurait pas de discussion, donc aucune possibilité de charmer un peu plus la caissière.

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