Chapitre XVIII

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La reconstruction


Jour 1 – Vendredi

Bryan


Je suis réveillé depuis une bonne heure maintenant. Les infirmières sont venues me voir pour me faire quelques soins, m'aider à me redresser. Elles m'ont apporté un miroir, et m'ont rasé. Et plus tard, un kinésithérapeute m'a aussi rendu visite pour me masser, me faire faire quelques petits exercices. Bien que j'aie frôlé la mort, les médecins disent que je suis une personne solide et forte, et que, si la rééducation se passe bien, d'ici deux semaines, je serai sorti de l'hôpital.

Malheureusement, j'ai beau essayer de me rappeler qui j'étais, ce que je faisais et ce qui m'est arrivé, c'est le trou noir. Seule ma famille a pu m'apporter quelques réponses hier, lors de leur visite.

J'ai réappris leurs noms : ma mère, Elizabeth, est blonde et assez petite. Mon père, Charlie, est plus grand qu'elle, avec des cheveux noirs et courts. J'ai même un frère jumeau qui se prénomme Daniel. Et moi, d'après eux, je m'appelle Bryan. Bryan Smith. Je travaillais en tant qu'ingénieur dans une petite entreprise, enfin, je débutais. Ils m'ont montré beaucoup de photos de moi, avant. Et je ne ressemble plus tellement à ce que j'ai pu voir ; j'ai le visage amaigri, des cernes, les cheveux en bataille. J'ai du mal à me dire que la personne heureuse que je peux voir sur les photos est bien moi.

Et la jolie fille, blonde aux taches de rousseur qui a déboulé dans ma chambre hier. Je n'arrête pas de repenser à elle. Elle semblait si heureuse de me revoir, puis, si désemparée quand je ne me souvenais plus de rien.
Après qu'elle a quitté la chambre, mes parents m'ont dit qu'elle se prénommait Ambre. Ils s'attendaient à ce que ce nom réveille quelque chose en moi, mais rien. Ils m'ont aussi dit que c'était ma copine, depuis nos quinze ans. Qu'on vivait ensemble. Qu'elle souffrait énormément de cette situation, que je lui manquais et qu'elle avait eu très peur pour moi. J'aimerais me souvenir d'elle.

Mais la seule chose qui tourne dans ma tête, c'est son regard empli de larmes, de détresse que j'ai vu hier. On aurait dit qu'elle ne réalisait pas ce qu'il se passait. Mais qu'est-ce qu'il s'est passé pour que j'en arrive là ?

Les infirmières m'ont dit que j'avais eu un grave accident de moto ; que le camion qui m'a renversé échappait au contrôle du conducteur, que ma tête avait eu un grand choc, que j'avais ma jambe cassée et que j'avais eu beaucoup de chance de sortir du coma, parce qu'au début, j'étais plutôt mal parti.

Tout cela fait beaucoup à avaler. Quasiment deux semaines dans le coma, entre la vie et la mort, et je ne me souviens plus de rien. Aucun visage ne réveille de souvenirs en moi. Je ne peux même pas bouger, ma seule occupation c'est la télévision, qui m'ennuie fortement. Je ne peux même pas encore manger normalement. Bref, rien n'est normal chez moi.

J'aimerais réapprendre à connaître ma famille. Ambre. J'aimerais retourner là où je vivais. Retrouver mon ancienne vie. Est-ce que ça sera possible ? Je l'ignore. Je n'ai pas envie de faire du mal à ceux qui m'entourent. Surtout à la belle Ambre. Mais je ne sais même plus qui je suis.

Je passe la journée devant la télé, à attendre miraculeusement que quelque chose se passe. Mais rien.

À un moment, je tourne la tête, et aperçois une femme à l'embrasure de la porte, de taille moyenne, très mince, blonde, aux yeux marron et aux petites taches de rousseur constellant ses joues, qui m'adresse un sourire timide :

- Bonjour, me dit-elle.

- Bonjour, lui répondis-je en lui rendant son sourire.

Et elle entre.

Chambre 12Où les histoires vivent. Découvrez maintenant