De retour dans la Hall de la Souffrance, cette bâtisse tout de bois nordique, Alastor alluma son cigare à la chaleur du brasero. Son costume noir retombait impeccablement sur lui, donnant une illusion d’humanité qu’il haïssait. Il avait toujours préféré le cuir à ce tissu de femmelette. Pourtant, afin de traiter avec les elfes et autres créatures coincées de l’Invisible, il était bien obligé de jouer le jeu.
Il tira une bouffée de son cigare, tout en songeant aux chiens des Enfers. Nergal lui avait servi l’histoire de ces gamines. Ils avaient tout les deux des doutes sur la véracité de leurs dires. Néanmoins, elles sentaient le cas d’urgence à trois kilomètres. Ils avaient donc décidé de leur accorder quelques jours de répits.
Alastor regarda son téléphone. Aucun appel. Il tira une nouvelle bouffée de fumée, les nerfs à vifs. Barbatos aurait dû l’appeler depuis des heures déjà. A la place, il avait des nouvelles de son maudit banquier, toujours d'un avis négatif sur l'état de ses comptes. Que fichait donc cette feignasse d’ange ? Il contempla les flammes du brasero. Puis craqua.
Les tonalités raisonnèrent contre son oreille. Une minute. Une autre encore. Puis on décrocha, avec un soupir langoureux. Espèce de...
« -Al, comment ça va, mon pote ? »
-Ne me fatigue pas ! rugit-il dans l’appareil. Tu aurais dû faire ton rapport il y a un bon bout de temps !
« -Hé, ho, moi aussi, j’ai le droit de dormir ! » s’insurgea l’ange, à l’autre bout du fil.
-Tu es surtout tombé entre les cuisses d’une greluche ! Nous n'avons pas le temps pour ça, Barbatos !
Silence.
« -N’utilise jamais mon nom, Al. Tu sais que je déteste ça. »
-Je ne suis pas responsable de ton patronyme, tête d’emplumé. Tu en es où ?
Il y eut du mouvement du côté de l’ange. Il devait s’asseoir dans le lit, car un gémissement féminin raisonna. Il venait de réveiller sa partenaire.
« -C’est plus compliqué que prévu. L’artefact est bien protégé. Toutefois, je devrai mettre la main dessus d’ici la fin de la semaine. »
-Dépêches-toi. Les comptes sont à sec.
« -Fais en sorte de vendre le casque d’invisibilité, crétin ! »
-On trouve de plus en plus difficilement de preneurs, Barbatos. Il y a un problème dans l’Invisible.
« -Du genre ? »
-Du genre suffisamment grave pour envoyer Phil en reconnaissance.
Au silence qui s'en suivit, l’ange ne semblait pas apprécier la nouvelle. Cela impliquait forcement des difficultés pour trouver les artefacts, avec des proies de plus en plus méfiantes. Cela ne faisait l’affaire de personne, dans l’Invisible.
« -Une guerre a éclaté, c’est ça ? »
-Oui. Mais entre qui et qui… C’est la grande question.
*
Le village était tout simplement superbe. A la lumière du jour, il était d’autant plus impressionnant avec ses pierres d’un doré chaleureux, aux pointes d’ocre offrant une vision unique de cette place forte. Image d’une époque médiévale, toutes les rues étaient pavées, les maisons se jouxtant étroitement, le tout s’articulant autour d’une place centrale. Au milieu de cette dernière, un énorme chêne trônait, mort depuis des années déjà. Pourtant, personne ne l’avait coupé. Il y avait même une petite plaque commémorative à sa base, affirmant que cet arbre était là bien avant la création d’Exil.
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1. La Soubrette Insoumise
FantastiqueDans une fuite éperdue pour leur survie, Blanche et Silke se retrouvent en Exil, un village où tous les pires êtres de l’Invisible ont élu domicile. Là, un loup-garou incapable de se transformer, ici le Bourreau en personne, de l’autre côté une nymp...