Acte III - Scène 7 : Une révélation

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Morgan traversa la ville de long en large, frappant aux portes de diverses connaissances qui ne pouvaient malheureusement pas l'héberger pour la nuit. Il repassa aux environs de l'auberge d'Inès et songea un instant à s'y arrêter mais préféra passer son chemin. L'idée d'avoir une chance de se trouver nez à nez avec le jardinier retraité ne lui plaisait guère. Il s'avança alors jusqu'aux portes de Loiziduc, retourner au manoir, malgré son interdiction, était la seule solution. Il vit au loin que le gardien commençait à fermer la ville et se précipita vers lui en l'appelant. Il s'excusa de le mettre en retard et disparut à travers les ruines de l'ancienne cité. La lune ronde et lumineuse était magnifique. Elle lui permit de trouver aisément le sentier forestier et il s'enfonça dans les bois. Mais sa douce lueur s'effaça peu à peu. Le ciel commençait à se couvrir et à cacher l'admirable clarté. Trébuchant sur les branches qui jonchaient le sol, Morgan se hâta davantage. Mais ce n'était pas suffisant.

Il entendit un grondement sourde derrière lui et il eut à peine le temps de se retourner d'un immense loup gris se jeta sur lui. Il entendit son dos craquer sous le poids de la bête et se trouva plaqué à terre, l'haleine chaude du monstre sur son visage terrifié. Les yeux rouges de la créature luisait malgré l'obscurité qui les entourait et il semblait que plus rien au monde n'existait. Morgan, seul face à la bête. Il reconnut très vite le même loup qu'il avait déjà rencontré. Sauf que cette fois, il sentait que le monstre était assoiffé de sang. Et pas n'importe lequel, mais bien le sien. Le jeune homme n'avait aucun moyen de défense et même si ça avait été le cas, il était cloué au sol et il était déjà trop tard. Il attendit alors sa mort prochaine, en s'efforçant de conserver un certain calme. Il se sentait stupide d'avoir voulu rejoindre le manoir...

Un grognement résonna non loin et le loup gris tourna légèrement la tête avant d'être percuté par un loup noir terrifiant. Les deux monstres se battaient avec force et rage et Morgan se sentait toujours incapable de bouger, il put à peine se redresser pour observer la scène qui se déroulait sous ses yeux. Les deux énormes bêtes se repoussaient, grogner, cherchant à s'intimider l'un l'autre. Ils dévoilaient leurs crocs immenses qui s'alignaient dans leur mâchoire. Puis, le gris, légèrement plus petit, se jeta sur le plus sombre, crocs en avant. L'autre l'envoya plus loin d'un coup de griffes acérés puis se jetait sur son adversaire pour le mordre profondément à l'épaule. Le loup gris gémit d'abord avant de s'enrager et commencer à lacérer la face du loup noir. Le combat dura encore quelques minutes éprouvantes où Morgan espérait étrangement que le noir gagne face à son adversaire. Sans savoir pourquoi, il avait eu l'impression que cet immense loup avait cherché à le protéger en se jetant sur l'autre. Son côté rationnel lui disait que c'était seulement pour le dévorer et au fond, il préférait être manger par celui-ci plutôt que l'autre. Il secoua la tête avant que la douleur qui le tenaillait sourdement se rappelle à sa mémoire. Bien sûr qu'il ne voulait pas servir de repas ! Vivre, c'était plutôt plaisant, même si Lucinda ne voulait plus de lui... Peut-être qu'il pourrait s'expliquer et qu'elle comprendrait... Penser à la blonde en cet instant lui fit momentanément oublier ses problèmes actuels bien que ça brisait davantage son coeur blessé.

Finalement, l'effroyable loup gris battit en retraite et le vainqueur s'approcha doucement du jeune humain écorché. Morgan tenta un mouvement de recul bien qu'il était au sol mais n'y parvint pas. Le mal l'envahissait peu à peu et il devait serrer les dents pour rester conscient. Le grand loup noir s'avança de quelques pas et huma le jeune homme pétrifié. Ce dernier observa plus attentivement son sauveur et remarqua que ses yeux jaunes-verts reflétaient de l'inquiétude. Le souffle de Morgan s'apaisa étrangement. Il reconnaissait ces yeux, ce regard... La bête l'attrapa soudain en le portant dans sa gueule comme un louveteau fragile. Il l'emmena ainsi jusqu'au manoir dont la porte était restée ouverte et le posa sur le tapis chaud du salon. Il s'assit auprès de lui et lécha ses plaies légères. Un peu impressionné et étourdi, Morgan essaya de se relever et une énorme patte velue se posa sur sa poitrine, l'incitant à rester allongé. Puis la patte se déforma peu à peu, se transforma en main d'homme. Le reste du loup changea aussi et bien vite, seul son regard resta inchangé.

– ... M-Monsieur... V-vous êtes...

– Un monstre, oui. Et vous, vous êtes sacrément têtu.

Le marquis se pencha sur son protégé en s'assurant qu'il n'avait pas trop de fractures. À bout de force, Morgan sombra dans les ténèbres. Délicatement, Andréa le porta dans ses bras pour aller panser ses plaies à l'étage. Ils allaient devoir discuter de cette nuit. Chose que le margrave avait redouté dès l'arrivée du jeune homme. Qu'allait-il pouvoir lui dire de plus ? La force de la pleine lune rendait difficile le maintien de sa forme humaine. C'était pour ça qu'il le renvoyait en ville chaque mois. Il n'avait pas d'autre choix. Il était loup-garou, c'était ainsi.

La Bonne et le Mâle [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant