Hôpital

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Malgré cette déconvenue avec Augustin, je n'avais pas envie de retourner m'enfermer à Versailles de sitôt. Il s'agissait de ma première visite de la ville Lumière, j'avais bien l'intention de la prolonger !

Cet endroit était plus...vrai que Versailles. Lorsque tout était calculé et réfléchi à Versailles, ici la vie n'était que pagaille et surprises. Somme toute, je me demandais si une vie telle que celle-ci n'était pas préférable à une demie-vie de noble guindé.

Je déchantais en remarquant les corps émaciés qui jonchaient le sol. Marc-Antoine dût sentir mon bras se crisper puisqu'il se sentit obligé de déballer toute une litanie sur la misère des bas-fonds de Paris et sur la charité des bonnes soeurs qui ont ouvert cet hôpital.

A ce moment, je l'arrêtais.

"Quel hôpital?
Il me regarda sans comprendre.
-Voyons Mademoiselle Pearl, nous sommes dans l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, vous ne vous en étiez pas rendue compte?"

Non, toute à mes comparaisons avec Versailles, je n'avais pas vu où nous étions.
Cet endroit était une vitrine de la misère humaine dans toute sa splendeur, bien qu'il n'y ait rien de splendide dans le spectacle de ses yeux éteints et de ses corps décharnés et faibles.
Il y avait principalement des femmes.

"Qui sont ces femmes?
-Pour la plupart des prostituées ou des pauvresses, parfois même des nobles déchues. Notre bon roi a eu le goût de leur faire construire un hôpital.
-Je croyais que c'était une initiative des soeurs?
-Disons qu'elles ont obtenues l'aval du roi sans difficulté."

Le roi, une âme charitable....
La personne que je m'attendais le moins à trouver en un tel endroit se tient devant moi : la Comtesse de Rossigny. Elle avait l'air aussi étonnée que je le suis.
Avant de lui poser la moindre question, je me fis la réflexion qu'il était après tout bien normal pour une dame de la haute d'avoir des préoccupations plus terre à terre parfois, pour conserver sa lueur d'humanité dans un univers de mensonges et de dissimulations.
Mais la Comtesse? J'admet que je ne pensais pas qu'un coeur se cachait derrière son masque d'intransigeance et de froideur.

"Mademoiselle Pearl? Que...pourquoi êtes-vous ici? Et qui est-ce?
Elle avait laissé poindre un semblant de peine au fond de ses prunelles, avant d'arborer un sourire de façade à nouveau.
-Je visite. C'est le Comte de Silix. Et vous Madame?
J'aurais difficilement pu trouver une réponse plus succincte.
-Je viens en aide à ses pauvres femmes."
Un reniflement. Elle me cache quelque chose.

Paraissant considérer que la conversation était terminée, la comtesse se détourna et sortit de l'hôpital. J'étais désemparée. Une soeur vint vers moi.

"Que se passe-t-il? Qu'avez-vous dit à Eglantine pour qu'elle s'enfuie de la sorte?

Eglantine? Un petit sourire me vint instinctivement aux lèvres. Jusque là, j'ignorais le prénom de ma "patronne" mais le connaître lui conférait plus d'humanité et de proximité avec la populace que jamais. Je risquais d'avoir des problèmes si je répandais une information selon laquelle la comtesse se rendait dans les bas-fonds de Paris...elle ne manquerait pas de m'en parler, avec un couteau sous la gorge de préférence.

-Nous...nous ne lui avons rien dit, elle me connait, voilà tout.

La soeur soupira, ce qui fit se relever les bords de son chapeau de nonne imperceptiblement. Elle regarda de tout côtés, avant de reporter son regard sur moi.

-Alors tout s'explique...elle ne supporte pas que des connaissances de Versailles la surprenne ici !
-Mais...sans vouloir être indiscrète, pourquoi est-elle aussi attachée à ce lieu? Pourquoi se donne-t-elle la peine de continuer à venir si elle craint autant la honte?
-C'est une longue histoire, mais elle a accouché ici et sa fille a disparu, donc elle se sent obligée d'aider d'autres femmes en retour, en se disant qu'il pourrait tout à fait s'agir de cette dernière...
-A quel âge sa fille a-t-elle disparu?
-Autour de ses six ans. Elle aurait...à peu près votre âge de nos jours !"

Non, impossible...

Pearl à Versailles [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant