Ego blessé

146 7 1
                                    

Il arbora un mince sourire pour me rassurer, mais je voyais bien qu'il était livide.
La tête enturbannée sous plusieurs couches de pansements, ce sourire disonnait.

"Qu'est-il arrivé enfin?

Je posais la question pour la forme. Je savais pertinemment ce qu'il était advenu.

-Marie Hélène...elle n'a pas supporté de me voir à votre bras. Elle était tellement en colère...elle ne s'est pas contrôlée. Les conséquences de son fiel sont devant vos yeux."
Sans être une grande sentimentale, je sentais les larmes perler à mes yeux.
En me penchant pour l'embrasser, j'en mouillais ses bandages ce qui le mit dans une position embarrassante puisqu'ils passaient leur temps à glisser dorénavant.
Il parut surpris que je lui prodigue tant d'affection. Comme si cet incident était l'événement qu'il fallait pour que mon amour se révèle au grand jour.
C'est bien connu, l'on ne réalise l'importance qu'une personne revêt à nos yeux que lorsqu'on passe à deux doigts de la perdre...

Cependant, quelque chose m'interpellait. Il était vraiment amoché pour quelqu'un qui a simplement subi les foudres d'une femme. Avait-elle osé faire appel à d'autres hommes pour panser son ego blessé? Je refusais de croire qu'elle ait pu sciemment mettre l'existence d'Augustin en péril. Car, si contre une femme il avait sa chance, contre plusieurs hommes il ne faisait pas le poids. Il était injuste qu'il paie un si lourd tribu pour une peine de coeur.

Il lut sans doute un revirement dans mon regard puisqu'il m'agrippa le bras et chuchota faiblement "s'il te plait ne fais pas ça...si tu vas la voir cela ne fera qu'envenimer la situation."

Je touchais sa joue baignée de mes larmes de la main, dans un geste que j'espérais tendre, avant de partir à la recherche de Marie Hélène.
La confrontation promettait de marquer les esprits.

Je la trouvais affairée dans les jardins, badinant à tout va. Elle ne m'avait pas remarqué.
Son interlocuteur en revanche afficha une drôle d'expression, mélange de crainte et d'effroi lorsqu'il me vit.

Elle se retourna, arborant une moue moqueuse et dédaigneuse au possible.

"Alors ma petite, on vient se plaindre? Estime-toi heureuse que je te l'ai laissé, les frais de réparation sont pour ta bourse !

De bouillante je passais à enragée. Je modérais cependant ma colère pour ne pas finir comme elle.

-Je trouve que vos manières sont scandaleuses et vous demande au moins de vous excuser auprès du principal intéressé.
-M'excuser? Moi, m'excuser? Après tout ce qu'il m'a fait subir? Faite-moi rire !
-Ce qu'il vous a fait Madame?
-Oh oh, j'imagine qu'il vous a raconté la version de l'histoire qui l'arrangeait le mieux ! En réalité celle-ci n'est ni toute noire ni toute blanche, comme toutes les histoires.
Je ne l'ai aucunement aguiché, car il ne fait aucun doute que c'est ce qu'il vous a rapporté. Il semblait un petit garçon perdu à la Cour, entre ses obligations familiales et sa volonté de découvrir les plaisirs de la chair. Il devait attendre le mariage pour ce faire et il me rapporta que la perspective d'une première fois avec une jeune demoiselle effarouchée ne l'enchantait guère. Dans ma magnanimité habituelle, j'acceptais de l'aider dans sa découverte. La suite, vous la connaissez..."

Quel crédit accorder à ses paroles? Et surtout, que penser d'Augustin dorénavant?

Pearl à Versailles [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant