Le comte de Verneuil

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Le comte de Verneuil sondait les couloirs de son regard acéré. Il cherchait quelqu'un.
Je me dirigeais vers lui, me creusant les méninges pour trouver une phrase pour l'aborder étant donné que nous n'avions jamais eu l'occasion de faire connaissance auparavant.

« Le comte de Verneuil, c'est bien cela?

Il arrêta son inspection un instant pour me regarder, hagard. Son regard semblait passer à travers moi et ne pas s'intéresser réellement à ma personne.

-Lui-même. Vous êtes?
-Pearl Curtiss, une amie de votre épouse.
-La fameuse Pearl ! Marie Hélène m'a parlé de vous à l'occasion...vous tombez à pic, sauriez-vous où elle se trouve?
-Je l'ai vu se rendre en direction des jardins, mais j'ignore si c'était l'endroit où elle projetait d'aller.
-Vous qui connaissez ma femme, puis-je vous faire une confidence? Peut-être m'aideriez-vous à y voir plus clair...
-Eh bien oui je vous écoute.
-Il me semble qu'elle n'est pas sincère, elle me cache des choses.
-Quelles...choses?
-Elle sort souvent et devient livide lorsque je lui demande où elle était. Il y a anguille sous roche...

Je décidais de ne pas l'inquiéter plus que nécessaire en lui rapportant le regard dévorant qu'elle avait jeté à Augustin. Et je taisais bien sur ses confidences.
Je ne voulais pas lui attirer d'ennuis...s'il mettait un terme à la relation comme promis.

-Je ne dois pas être suffisamment proche de votre épouse pour qu'elle me confie ces détails de sa vie mondaine, je m'en excuse mais j'ignore comment elle occupe ses journées.

Il eut un sourire flétri, mais il semblait s'y attendre.

-Ne vous en faites point, cette rencontre fut des plus agréables quoi qu'il en soit ! »

Et il repartit à toutes jambes.
Les gens ne s'attardaient que rarement pour discuter avec moi. Malgré tous mes efforts mon accent anglais transparaissait...

Je divaguais sans but dans les couloirs, l'âme désœuvrée et obnubilée par les révélations d'Augustin.
Dire que je pensais connaître Marie Hélène...
Je n'avais plus tellement d'obligations envers la comtesse, elle tenait vraiment à ce que ses petits secrets soient préservés.
Il me semblait que je n'avais pas vu Ronaldine depuis une éternité, elle dormait toujours lorsque je rentrais me coucher.

Comme par un coup du sort, qui veut que je croise malgré tout des personnes qui m'apprécient dans ce château, je vis s'avancer Marceline.
Ma petite Marceline, prise dans les tourments implacables d'une machination parentale encore plus implacable.

« Marceline ! Je suis heureuse de vous voir !
-Cette joie est partagée, malheureusement je n'ai pas l'âme à me réjouir, je crains de n'être pas en de bonnes dispositions pour tenir une conversation agréable...

Maintenant que je prenais le temps de l'observer, je réalisais que son visage n'exprimait pas la gaieté en effet.

-Que vous arrive-t-il?

J'ai ma petite idée...

-Vous vous en doutez j'imagine. Vous connaissez les raisons de ma présence à Versailles. Mes parents sont parvenus à leurs fins. Je suis fiancée à une espèce de vieil âne bedonnant et pustuleux qui se soucie plus de ses perruques que de moi.

Je réprimais un gloussement. Elle avait un don pour les métaphores !
Je tentais de la soutenir.

-Les affaires de cœur sont monnaies courantes en ces lieux il me semble, et les différences d'âge ne sont pas une barrière pour beaucoup.

Je ne pouvais m'empêcher de penser à Marie Hélène en prononçant cette phrase.

-Je suppose que vous êtes sous l'entière autorité parentale, vous n'avez aucun moyen de vous y soustraire...

-En effet. La situation est sans issue.

Je ne pouvais pas risquer ma place pour aider une amie. Pourtant il me semble que le Roi m'apprécie...

-Peut-être pas. Retrouvons-nous demain à la même heure, j'aurais une solution si le Roi le veut bien.

Surprise, elle me regardait avec candeur.

-J'espère que le Roi sera de bonne humeur dans ce cas ! »

Pearl à Versailles [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant