Face à ma perplexité, il partit d'un rire franc, se gaussant ouvertement de moi.
Dans ses yeux brillait une étincelle de malice qu'il n'essayait même pas de masquer.
Dans un instant de lucidité, je réalisai qu'il s'agissait d'une boutade et il me le confirma.« Il semble que la Providence m'aie souvent placé sur votre chemin, soulevai-je d'un air taquin.
-Peut-être ne s'agit-il pas d'une coïncidence? »Tout à ma contemplation de ce visage exquis qui me troublait plus qu'il ne le devrait, je ne remarquais pas la personne qui se tenait derrière moi avant de sentir que l'attention de mon interlocuteur se focalisait sur un point derrière mon dos.
Un reflet orageux passa dans le ciel de ses yeux. En toute logique je fis volte face pour me retrouver nez à nez avec une Marie Hélène tout échevelée.
Elle lança une œillade aguicheuse à Augustin avant de continuer sa route.
Ce dernier détourna vite le regard pour replonger ses prunelles dans les miennes, avec une acuité que je ne lui connaissais pas jusque là.« Vous disiez?
-Nous parlions de nos centres d'intérêts respectifs et j'étais ravie d'apprendre que les vôtres se résumaient à un nom : celui de Marie Hélène. »Toute trace d'humour s'évapora de son visage, comme si j'avais touché une corde sensible. Ma tentative d'humour se soldait manifestement par un échec.
Dans une vaine tentative de changer de sujet, je l'interrogeais sur les motifs de son empressement lors de notre rencontre à Paris. Il adopta une allure encore plus fermée qu'auparavant.
Penaude, je me murais dans le silence en espérant qu'il le comble par un bon mot d'humour comme il en avait en réserve.Au bout de quelques secondes de gêne, il coupa court au silence ambiant :
« Vous êtes bien curieuse, et vous, qui est donc ce jeune homme qui vous accompagnait ?Prise de court, je bégayais une réponse :
-Il s'agit du comte de Silix, je l'ai rencontré lors d'un bal où j'ai eu l'occasion de danser avec lui maintes fois. Entre nous il est plutôt mauvais danseur même si je me plais à lui faire croire le contraire.
-Sans vouloir vous indisposer, qui est ce garçon pour vous?
-Je crois qu'une réponse pour une réponse est un compromis convenable. Parlez-moi de Marie Hélène et je vous répondrai ensuite.Son visage passa par toutes les teintes de rouges, il s'empourpra avant de blanchir. Ses agitations intérieures se traduisaient ainsi à l'extérieur. Il reprit contenance avant d'acquiescer timidement.
Il me prit par le bras pour me mener à l'écart des oreilles indiscrètes.Il se tritura les mains, ne sachant plus vraiment comment commencer. Finalement, il pris une grande inspiration puis se lança :
" Je m'apprête à vous narrer une histoire dont je ne suis pas fière, mais il me semble que vous avez déjà presque découvert le pot aux roses. Je préfère donc éclaircir tout ceci avant que vous ne fassiez courir quelconques rumeurs. Non pas que je vous considère comme une commère, je ne vous connais que trop peu pour affirmer une telle chose, mais l'on est jamais trop prudent.
Donc, il y a de ça une année je dirais, je vins à Versailles pour la première fois. Tout m'émerveillais et j'étais à l'époque très naïf et influençable. Je rencontrai une dame, mariée qui plus est. Vous vous en doutez : il s'agit de Marie Hélène.
Elle me prit sous son aile et nous passâmes de longs moments ensemble, à visiter le palais et à discuter. J'étais sous le charme de cette femme charismatique et mature. Vous vous en doutez, elle était bien plus âgée que moi.Je ne vais pas passer par quatre chemins, nous avons eu une aventure, qui dura plusieurs mois. Au début tout était merveilleux, puis, je me rendis compte de ce que cela représentait d'être l'amant d'une femme mariée. Je n'étais qu'un second choix, car bien qu'elle n'aimait pas son mari, elle le respectait beaucoup.
Enfin, cela ne l'a pas empêché d'aller voir ailleurs. En tout cas, depuis quelques mois, je m'efforce de faire comprendre à Marie Hélène que je ne souhaite plus de cette relation. Car je n'aime pas être un homme de substitution, avec lequel on s'amuse.Quand je vous ai rencontré dans Paris, j'étais sur le point d'aller dans un hôtel où nous avons l'habitude de nous retrouver pour lui annoncer que c'était fini entre nous. J'ai malheureusement peur qu'elle ne le voit pas de cette manière et qu'elle ne souhaite pas lâcher l'affaire si facilement."
Il termina ainsi son récit. Il l'avait débité d'une traite sans oser lever les yeux vers moi, honteux de son aventure.
Je pris le temps d'encaisser toute ces informations et lui répondis :
"Je suis très flattée que vous vous soyez confié sur ce point. Sachez que je ne vous juge pas, d'autant que ces histoires sont monnaie courante à la Cour, dis-je avec un petit sourire, tentant de détendre l'atmosphère, je vais quand à moi respecter ma part du marché et vous parler de ce cher Marc-Antoine.
Je l'ai donc rencontré comme je vous le disais lors d'un bal. Je l'ai tout d'abord trouve charmant et poli. Il décida par la suite de me faire un tour de Paris, cette fameuse journée où nous nous sommes croisés, ajoutais-je avec un sourire complice, qu'il me rendit.
Mais je me suis malheureusement rendu compte que sa beauté n'a d'égal que son manque cruel de discussion. Vous vous rendrez vite compte en discutant avec lui, qu'il n'est pas quelqu'un de passionnant, vous êtes d'ailleurs inégalable au niveau de la discussion, je ne m'ennuie jamais en votre compagnie. Pour revenir à Marc-Antoine, je le trouve également un peu trop guindé. Je pense qu'il restera pour moi une connaissance plutôt qu'un ami, terminais-je.
Il resta bouche bée devant mon insolence à l'égard du comte, il est vrai que je pouvais avoir parfois un franc parler déstabilisant. Il décida finalement d'en rire. Un rire sarcastique cette fois ci.
Nous discutâmes encore un peu de nos histoires personnelles puis nous quittâmes en jurant de garder cette discussion pour nous. Je lui jettais un dernier regard, scellant ce pacte invisible qui nous unissait désormais.Au détour d'un des nombreux couloirs, j'aperçus une silhouette familière, le comte de Verneuil. Je devinais à sa silhouette un homme imposant le respect, malgré son air un peu froncé, il paraissait très aimable. Tel un grand-père un peu bourru, ne sachant pas comment exprimer son affection. Je m'avançais vers lui...
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Pearl à Versailles [terminé]
Historical FictionJeune anglaise du XVIIe siècle, Pearl est envoyée par la cour d'Angleterre afin d'intriguer pour percer à jour les desseins du Roi Soleil. Les lieux lui sont familiers... Entre amour, actions, personnages truculents et historiques, ce roman vous tr...