En effet, la comtesse m'avait chaudement recommandé de ne pas ébruiter cette affaire. Très chaudement. Je ne lui avais pas fait part de mes suspicions quant à ma filiation avec elle, je me devais de rester discrète sur mon identité.
Je devais déjeuner avec Voltaire aujourd'hui même.
En raison des informations que je détenais dorénavant, la comtesse me laissait une étonnante plage de liberté sur mon emploi du temps. De manière générale, c'était à Ronaldine qu'incombait le plus gros du travail...j'espérais que ce déséquilibre ne serait pas la cause d'une rancoeur entre nous.J'espérais que Voltaire m'apprendait des choses sur les motivations des intrigants de la cour, ainsi que sur celles de sa Majesté, même si je doutais de plus en plus de son immoralité notoire. Il avait eu une réputation de débauche durant sa folle jeunesse, mais l'âge venant, ces arguments n'avaient plus aucun poids.
La certitude de mon inutilité m'accablait de plus en plus et accompagnait toutes sortes d'interrogations. Et si je n'avais pas été envoyée en France pour les raisons que l'on m'avait initialement communiqué? Et si ma vie n'était que mensonge? Et Père là-dedans?Je m'armais de ma plus jolie plume et traçais "Jack Curtiss" dans une calligraphie que j'espérais irréprochable. Il ne fallait pas que mon père pense que je m'étais étiolée durant ce séjour en France.
Père,
Je commence à douter de l'intérêt de ma mission en France. Mes deux sources d'interrogations sont les suivantes : mon frère est mort, par conséquent sa réputation n'est plus à blanchir, et Louis XIV se dit tout disposé à satisfaire notre Roi d'Angleterre.
Sais-tu quel rôle je joue dans cette affaire?
Je t'en prie donne-moi de tes nouvelles, réponds-moi vite.
Ta fille,
Pearl.La lettre achevée, j'avais le coeur plus léger.
Je la fourrais dans ma poche avant de me ruer dehors pour être à l'heure à mon pique-nique avec Voltaire. Peu conventionnel.Le soleil jouait avec les cheveux de sa perruque, je reconnaîtrais la blancheur immaculée de cette dernière entre toutes, y compris de dos comme en ce moment. Il la portait par obligation, je préférais voir sa cascade de cheveux au naturel. Il avait honte de les avoir aussi long, ce qui me semblait dérisoire au regard de ses multiples qualités.
Qu'un tel homme puisse se sentit gêné par la longueur de ses cheveux !
On aura tout vu...Ses yeux pétillaient lorsqu'il se tourna vers moi. Galant, il me fit un baise-main avant d'installer une nappe sous le regard ahuri de bien des courtisans.
"Mademoiselle Pearl ! Il m'est difficile de retranscrire par des paroles le bonheur que m'inspire la simple perspective de passer du temps en votre compagnie.
C'était un beau parleur...il se pencha vers moi.
-Cependant il serait fort regrettable que vous vous mépreniez sur la nature de notre relation. Je suis...disons plus porté sur la gente masculine.
Un gloussement tonitruant m'échappa.
-François, vous m'étonnerez toujours ! A moins que vous ne préféreriez que je vous appelle Voltaire?
J'accompagnais cette question d'un clin d'oeil.-Non, il vaudrait mieux éviter. Je ne suis pas apprécié de tous ici Mademoiselle.
-Ils ne savent pas ce qu'ils perdent !
-Voilà qui passe du baume sur mon ego meurtri, plaisanta-t-il. Comment allez-vous?A son regard empli d'une sincère sollicitude, je sentais que je pouvais me confier.
-Pour tout vous dire j'ai connu des jours meilleurs. Je suis assaillie par le doute ces derniers temps.
-Le doute? Je le connais bien, c'est un bon ami. Il faut lui laisser une place dans votre vie pour ne pas devenir fat et imbu de sa personne, mais il ne faut pas le laisser prendre la confiance tout de même ! De quoi ce doute est-il né?Je ne pouvais rien lui dire. Pas encore. Pas avant d'avoir reçu une réponse de mon père. Je tâtais la lettre dans la poche de ma robe, avec la ferme intention de la remettre à un coursier une fois le pique-nique terminé.
-Parlons un peu de vous plutôt. Est-ce éprouvant d'entendre le roi parler de sa personne toute la journée?
Il avait bien remarqué que j'esquivais volontairement la question mais ne fit aucun commentaire.
-On s'y fait..."
La conversation roula sur des sujets anodins, toujours teintée d'une pointe de sarcasme qui en faisait tout le sel. Depuis les coiffures rocambolesques de ces dames aux derniers soucis vestimentaires de ces messieurs, tout y passa !
Tout à la joie de l'instant, j'en oubliais de l'interroger sur le roi.Je venais de remettre la lettre au coursier lorsque je heurtais violemment un individu.
A moins que ce ne fut lui qui me soit rentré dedans?
Augustin. La coïncidence était trop énorme pour qu'elle en soit réellement une."Vous me suiviez très cher?
Je lui offris mon sourire le plus insolent.
-Absolument !"Alors lui, il ne s'embête pas avec les digressions ! Et le tact lui fait légèrement défaut...
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Pearl à Versailles [terminé]
Historical FictionJeune anglaise du XVIIe siècle, Pearl est envoyée par la cour d'Angleterre afin d'intriguer pour percer à jour les desseins du Roi Soleil. Les lieux lui sont familiers... Entre amour, actions, personnages truculents et historiques, ce roman vous tr...