Épilogue : Le Seigneur des Nuages

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An 2850 du Troisième Âge, 

dans les plaines au sud Est de l'Ered Engrin, à la frontière du Rhûn profond.


L'elfe sortit de sa torpeur, comme s'il venait d'être réveillé, comme s'il surgissait soudainement en ce monde. 

Son regard était tourné à l'Ouest. 

Il repensait aux habitants des terres qu'il quittait. Il repensait aux vies sacrifiées et celles sauvées. 

Il repensa à sa décision.

L'elfe était resté un temps à Zirakân sous l'autorisation du roi nain pour le remercier de son aide à Gatholzigil. Il y avait travaillé près d'un mois à la remise en état de son armure. Il avait pu ensuite remercier Daïn II " Pieds d'Acier ", dire adieu à son ami Noren qui avait pu reprendre sa paisible vie à Zirakân et se remettre en marche vers l'Est. 

Feärilm était parti. 

Il n'était plus l'elfe souillé et intouchable dans lequel Huomel l'avait découvert. Il avait récupérer sa noblesse des premiers âges. Il avait récupérer sa grâce Ñoldorienne si caractéristique.

Son visage soyeux, aussi lisse qu'un diamant poli, dévoilait des traits élégants et fins d'une grande beauté. 

Il dégageait désormais une aura resplendissante, une beauté gracieuse et hypnotique. Sa magnificence pouvait inspirer la peur tellement elle était sublime. Son charme ne pouvait laisser indifférent. Ses yeux d'un vert pur faisaient chavirer les esprits les plus rustres. Son regard perçant et assuré intimidait autant qu'il fascinait. Ses longs cheveux roux, semblables à des flammes divines enfermées pour l'éternité, accompagnaient ses mouvements souples. Son armure dorée brillait telle une lueur d'espoir. Ce n'était désormais plus que ses flèches qui rayonnaient, il rayonnait de tout son être. 

Rien ne pouvait obscurcir son chemin, rien ne pouvait corrompre son esprit scintillant, rien ne pouvait entraver sa marche.

Il avait décidé de partir à l'Est, de quitter la Terre du Milieu, de s'exiler. Plus il serait loin de tout, mieux il pourrait maintenir sa mission de protection. 

Sa marche était accompagnée par le vent, le vent éternel, indicible et omniprésent. Ce vent parcourait les terres. 

Le vent du Nord venait des plaines glacées du Forodwaith, il amenait les nuages, il amenait son souffle, il amenait son regard. Ce regard, portée par la voute blanche et réconfortante du ciel, fixait celui qui fuyait vers l'Est. Une fuite aux premiers abords similaires à la course du vent, fuyant la terreur qui se cachait à son origine. 

Mais le vent ne pouvait pas fuir, les nuages ne pouvaient pas fuir. 

Ils ne fuyaient pas. 

Ils transportaient un message inaudible, un message caché. Un message qui devait résonner dans le cœur des peuples de la Terre du Milieu. Un message qui devait résonner dans le cœur de Feärilm. 

La fuite de l'elfe n'était inconsciemment pas vaine, il y avait bien quelque chose à fuir. 

Mais comment échapper au vent ? 

Comment échapper aux nuages ? 

Comment échapper au message de l'Herucemhelka, de l'Uzbadshathûr ?

L'heure n'était pas encore venue. 

Le Seigneur des Nuages, comme l'appelait le Bunduzn, resterait silencieux, ne murmurant que son inaudible sombre prémonition. 

L'heure n'était pas encore venue. 

Le Seigneur des Terres Gelées demeurerait dans son royaume inatteignable dans lequel il était maître. Un royaume froid, un royaume inaccessible, un royaume magique, un royaume où la Lune ne se couche jamais, un royaume de cauchemars éternels. 

L'heure n'était pas encore venue. 

Il attendait. 

Il observait. 

Il patientait. 

Il connaissait le cœur des peuples de la Terre du Milieu. Il connaissait leurs désirs. Il connaissait leurs peurs. Il connaissait beaucoup de choses.

Caché au plus profond et au plus froid des terres nordiques, son influence, discrète, était néanmoins partout installée. Caché au plus profond des ténèbres, caché dans les plus noirs des rêves, personne ne pouvait le soupçonner. 

Mais il était bien là. 

Il savait où regarder. 

Il savait. 

Personne ne pouvait lui échapper. 

La fuite était inutile.

Au plus profond de son être, dans les ténèbres de son inconscient et de son esprit, Feärilm le savait. 

La fuite était inutile. 

Il savait déjà. 

Sa grâce ne le sauverait pas, sa force ne l'aiderait pas, sa connaissance ne lui serait d'aucune utilité. 

Ce regard ne le quitterait pas. 

Cet ombre le suivrait où qu'il aille. 

Caché au cœur des illusions, caché au cœur des nuages, caché au plus profond des terreurs, il avait fomenté. 

Son plan aurait pu échouer. Son plan aurait dû échouer. 

Mais Feärilm l'avait sous-estimé. Feärilm avait été trahi et dupé. 

Les intrigues du Danaranely, mêlant pièges, manipulations et terreurs avaient été supérieures. 

Désormais, il savait. 

Il savait où se trouvait la pierre des illusions. Il savait où se trouvait l'étoile qui la contrôlait. Elle était en lieu sûr. Il savait comment les rassembler. Il savait comment les récupérer. 

Il n'était plus possible de lui mentir. 

Le royaume d'Helka et son héritage avait désormais accompli ce pour quoi ils existaient. Son seigneur, invaincu et dont le triomphe était total, pouvait dès lors y mettre fin et retourner dans l'ombre... pour l'instant. 

Il pouvait désormais préparer son retour. Il allait désormais préparer son retour.

Il serait bientôt bien plus que le Seigneur des Terres Gelées. Il serait bientôt bien plus que le Seigneur des Nuages. Il serait bientôt bien plus que l'Ombre Noire hantant les errances de Feärilm et ses voyages. Il serait bientôt bien plus que la réminiscence d'un souvenir longtemps oublié. 

Il ressurgirait, il se dévoilerait. Personne ne pourrait bientôt plus l'oublier, personne ne pourrait bientôt plus ignorer son nom. 

Il se vengerait enfin. 

Il redeviendrait enfin le Seigneur à l'Âme d'Argent, le Seigneur des Rêves, le Créateur de Cauchemars. 

Il redeviendrait Denescor...


F I N



Fin de l'Arc du Gardien de Denescor

La Suite dans le tome suivant : "Denescor - le Seigneur à l'Âme d'Argent"

Flèche d'Argent - l'Elfe Errant du RhûnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant