Parmi les types de personnes les plus insupportables, Kageyama classait celles qui ne se donnaient pas assez à fond, et celles qui parlaient tout le temps des âmes sœurs.
Il ne pouvait pas y échapper. Partout, tout le temps, le monde était saturé par ce système unissant une personne à une autre.
-Alors, Tobio ? lui lança Miwa quelques jours après le match d'entraînement contre Aoba. Quand est-ce que tu nous présentes ton âme sœur ? Tu l'as déjà sentie, non ?
-Non, répondit sèchement Kageyama. Je crois que je n'en ai pas.
Sa sœur n'insista pas, et il lui en fut reconnaissant. Ses parents lui posaient la même question tous les mois, et sa réponse ne variait pas ; heureusement, il n'avait pas osé leur dire qu'il sentait des signes avant d'être sûr de la personne en question. Et il avait bien fait.
Je ne veux pas de toi.
Ça tombe bien, songeait amèrement Kageyama. Je ne veux pas de toi non plus.
Il s'était fait une raison. Oikawa était certes un excellent joueur qu'il admirait pour ses capacités sur le terrain, et un beau jeune homme que beaucoup auraient rêvé de fréquenter, il n'en restait pas moins un rival et quelqu'un de détestable. N'avait-il pas essayé de frapper Tobio ? Ne l'avait-il pas dissuadé d'entrer à Aoba, n'avait-il pas envoyé ce dernier message totalement haineux et gratuit ? Finalement, le système d'âmes sœurs ne fonctionnait pas si bien que ça. Comment, même, imaginer qu'ils puissent un jour s'entendre romantiquement parlant ?
Bien sûr, Tobio mentirait s'il disait qu'il ne ressentait aucune attirance envers Oikawa. Elle était innée au lien qui les poussait l'un vers l'autre ; et sentir ses humeurs au fil des jours créait entre eux une intimité qu'ils ne pourraient jamais restituer avec un autre, dont Iwaizumi même ne bénéficierait jamais. Kageyama savait que les annihilateurs existaient, et peut-être que s'en faire prescrire jusqu'à temps que le lien se dissipe était la meilleure chose à faire, mais il croyait fermement que trafiquer sa conscience de la sorte affecterait ses capacités physiques et mentales et compromettrait son jeu. Il se résolut donc à garder cette part d'Oikawa, à laquelle, il faut bien l'avouer, il s'était attaché, quitte à subir toutes les sautes d'humeur de son aîné.
Les choses se compliquèrent au moment où Hinata découvrit son âme sœur lors d'un match d'entraînement, le dernier jour de la Golden Week. C'était un joueur de Nekoma, une équipe de Tokyo, leur passeur titulaire en deuxième année ; et une fois qu'Hinata se fut rendu compte qu'il s'agissait de la personne à l'autre bout de son lien, il devint intarissable sur le sujet.
-C'est bien fait, hein ! s'exclamait-il joyeusement quand Kageyama et lui faisaient la route ensemble. Autant je suis parfois un peu speed, autant Kenma est quelqu'un de très calme et posé ! On se complète parfaitement avec des caractères plutôt contraires, même si je sais qu'au fond de lui, il peut être enthousiaste parfois ! Mais l'inverse est vrai aussi, des fois, je suis calme à l'intérieur ! Kageyama-kun, tu m'écoutes ?
-Oui, soupira Tobio même si ce n'était qu'à moitié vrai.
-Et toi, ton âme sœur ? Tu la sens ?
-Non.
-C'est peut-être parce qu'elle est plus jeune que toi, déclara Hinata. Le lien ne s'active que quand les deux moitiés ont atteint l'âge, tu savais ça ? Donc si elle a dix ans de moins, tu vas devoir attendre jusqu'à tes vingt-cinq ans sans âme sœur. Avoue que c'est déprimant, même pour toi !
Tobio leva les yeux au ciel. Il en avait assez de ce sujet.
-Ouais, souffla-t-il. Même pour moi.
Les premières compétitions s'annonçaient, et il appréhendait de revoir Oikawa. Il savait que son aîné le traiterait comme d'habitude, sans rien trahir de leur relation réelle, et lui n'aurait qu'à rentrer dans son jeu.
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Réflexion
FanfictionIl crut qu'il allait passer le reste de son existence seul dans cette cave, qu'il y mourrait là, à vingt-deux ans, enterré avec ses regrets. "J'aurais dû dire le fond de ma pensée à Oikawa. Que je l'admirais, que je l'aimais un peu, et qu'il a tout...