Chapitre 16

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Pour la première fois depuis longtemps, Tobio se sentait bien.

La routine qu'il avait instaurée avec Oikawa semblait effective, et le lien ne posait plus tant de problèmes. Ils respectaient scrupuleusement leur accord –prenant une pilule B ou C avant de dormir, avisant en journée selon l'intensité du lien. En général, Tobio se contentait de prendre des doses A pour tenir l'entraînement calmement, et laissait le lien s'exprimer en soirée ou si les pauses du midi s'éternisaient un peu ; son âme sœur avait retrouvé sa stabilité, et même si Oikawa restait souvent assez intense dans ses humeurs, celles-ci n'étaient dues qu'à des activités superficielles et rien de vraiment sérieux ne minait leur lien.

Dix jours s'étaient écoulés depuis qu'ils s'étaient vus au restaurant. Ils ne s'étaient recontactés que brièvement depuis, seulement par messages –Oikawa lui avait renouvelé son invitation à assister à une séance de thérapie avec lui, mais Tobio était assez réticent, préférant gérer les choses de son côté ; les cauchemars avaient tendance à disparaître, d'autant plus qu'il passait quasiment toutes ses nuits avec Nico, et il avait bon espoir que les choses finissent par se fixer. Sa relation au lien était bien plus apaisée, également, et il se sentait maître de la situation en alternant les doses selon les besoins ; il ne sortait que pour se rendre à l'entraînement, le plus souvent se déplaçait en voiture, et n'avait pas laissé au destin l'occasion de le réunir de nouveau physiquement avec son âme sœur.

Les choses avaient donc repris leur cours naturel. L'entraînement des Adlers se faisait un peu plus intense à présent que la saison touchait à sa fin ; même s'ils étaient assurés d'être sacrés de nouveau champions –surpassant de quelques points les Jackals et rétablissant leur autorité naturelle-, tous les athlètes se préparaient aux événements internationaux qui approchaient, et en particulier la Ligue mondiale. Tobio put enfin reprendre sa place de titulaire lors de leur dernier match , le retour contre le VC Kanagawa, qu'ils battirent en trois sets, et la joie de la victoire fut encore agrémentée par les retrouvailles avec Chigaya –qui était proche de s'autoproclamer son meilleur ami, et lui tomba littéralement dans les bras en lui déclamant combien il s'était inquiété avec cette histoire de kidnapping, le tout ponctué par le fou rire d'Hoshiumi.

Les choses s'étaient également rétablies avec Romero, et Tobio faisait de son mieux pour garder une totale transparence à propos du lien. Il ne savait pas vraiment s'il était de nouveau en train de le rejeter, attendait de s'y faire, d'être prêt à prendre cette décision avec Oikawa une fois que tous les deux seraient revenus à des vies bien distinctes ; et si jamais... si jamais sa relation avec Nico évoluait encore, ça deviendrait indispensable. Kageyama n'avait jamais trop pensé à autre chose que le volley dans sa vie d'adulte, mais il avait vingt-deux ans, et prenait conscience que le reste suivrait également, d'autant que sa génération allait déjà de l'avant : Hinata se mariait, Iwaizumi allait être père.

Son tour viendrait, il le savait, d'autant plus certainement qu'il était dans un couple stable, et la pensée lui avait même déjà échappée devant Kindaichi et Kunimi, quelques mois plus tôt après le match à Sendai ; même s'il ne donnait pas l'impression de s'y intéresser outre mesure pour l'instant, fonder une famille lui semblerait nécessaire un jour ou l'autre, d'avoir des enfants, des petits-enfants, peut-être de leur transmettre sa passion comme Kazuyo l'avait fait avec lui, de les emmener au gymnase s'ils le voulaient bien, de leur expliquer pourquoi le plat de curry familial était meilleur avec un œuf.

-Kageyama-kun. Kageyama. KAGEYAMA !

Tobio fut tiré de ses contemplations par une voix stridente. Hinata était en train de lui agiter une manette devant les yeux.

-C'est ton tour de jouer, crétin ! A moins que tu préfères me laisser la victoire sans même essayer ? provoqua-t-il avec un reniflement arrogant.

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