Chapitre 8

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Le retour d'Oikawa au Japon ne fut pas si terrible que Tobio l'avait craint.

Il prit ses précautions, ne sortit que quand c'était nécessaire, et réussit à ne pas donner prétexte au lien de les réunir. Même si Oikawa était devenu beaucoup plus proche et du même coup beaucoup plus perceptible, ce n'était plus aussi intense qu'à l'époque du lycée ; peut-être parce que le lien avait continué à se défaire, petit à petit. Il suffisait encore d'un an, un an et demi maximum, et Kageyama pourrait enfin vivre pleinement sa vie de manière autonome sans dépendre d'une relation imposée à sa naissance.

Il croyait qu'Oikawa aurait adopté la même ligne de conduite. Il se trompait.

En octobre, les Adlers reçurent les Jackals pour un match de championnat à domicile. Tobio était de bonne humeur –il attendait de jouer contre Hinata depuis plusieurs mois, et le jour était enfin arrivé de se confronter. Il fit l'entrée traditionnelle sur le terrain, lança une balle dédicacée dans le public, et le match allait commencer quand il le sentit.

Oikawa était là. Il était dans la salle. Pour la première fois depuis cinq ans, Tobio et lui étaient au même endroit, au même moment.

Pourquoi ? Après tant de temps à se fuir réciproquement, ce n'était pas par hasard. Cette fois, ce n'était pas le destin. Si Oikawa était entré dans le gymnase où jouait les Schweiden Adlers, c'était parce qu'il le voulait. Il savait que Tobio était là.

Et il venait le voir.

Pour aussi perturbé qu'il soit par le retour de son aîné et cette proximité inattendue, Kageyama ne pouvait pas se permettre de se faire déconcentrer. Il joua avec tout ce qu'il avait, comme s'il échapperait au lien en se jetant dans le match. Les commentateurs le remarquèrent, se demandant vaguement la cause de ce bon jour –et elle était toute simple. Elle était dans les gradins. Oikawa n'était pas seulement son âme sœur, il était toujours son modèle, même en dépit de leurs rapports plus que compromis

Regarde-moi, Oikawa-san. Regarde mes services.

Regarde comme j'ai changé.

Il attendit la fin du match pour le chercher des yeux. Des tas de sentiments le traversaient, certains qui lui appartenaient, d'autres pas, d'autres dont il n'était pas certain. Mais quand il reconnut enfin Oikawa au milieu du public et que leurs yeux se croisèrent, il n'eut plus aucun doute. Tous les deux éprouvaient la même chose.

De la surprise. Du bonheur.

Non, c'est le lien qui parle. Mais Tobio n'arrivait pas à rompre le sort, plongé dans les yeux d'Oikawa pour la première fois depuis leur adolescence –même à cette distance, il le voyait clairement, quasiment identique à ses souvenirs sinon plus adulte, ses cheveux châtains un peu plus courts et son teint un peu plus coloré qu'autrefois, mais cette même présence écrasante, redoutable et séductrice.

Mon âme sœur.

Il ne se détourna que lorsque Nico lui passa un bras autour des épaules pour l'attirer contre lui en le félicitant du match.

-Eh, t'es trempé, protesta faiblement Tobio.

Il sentait ses joues cuire –mais était-ce parce qu'il était si proche de Romero en public, ou parce qu'il savait qu'Oikawa les regardait ? Il n'en savait rien. Dans tous les cas, Hoshiumi éclata bruyamment de rire à l'arrière-plan, et Nico continua joyeusement de le mettre mal à l'aise, l'embrassant sur le front comme à son habitude :

- És tímido agora, docinho ?

Il le testait en portugais depuis quelques temps –un échange équitable au vu de ses progrès en japonais, et Tobio avait accepté d'apprendre un peu de sa langue natale.

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