Chapitre 10

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Le lien était insoutenable.

Si Tobio ne voulait plus voir, il n'avait qu'à fermer les yeux. S'il voulait ne plus entendre, il n'avait qu'à mettre ses écouteurs. S'il voulait échapper à une situation, il n'avait qu'à changer d'endroit.

Mais comment échapper à ce qui était à l'intérieur même de lui ?

Il passa la soirée dans son lit, roulé en boule en serrant contre lui le foulard qu'il avait reçu de Nico aux Jeux Olympiques, et qu'il avait toujours gardé avec lui depuis. Il n'avait envie de voir personne, préférant être seul pour gérer les émotions étrangères qui passaient à travers lui. Il ne se sentait plus chez lui dans sa propre tête.

Qu'est-ce qu'Oikawa dirait à Hayashi, le lendemain ? Lui aussi devait vouloir échapper à ce lien. Il devait ressentir les blessures physiques de Tobio, à sa cheville et à ses poignets, autant que ses humeurs –son agacement en voyant des journalistes essayer de le joindre, son ennui quand il n'eut plus rien à faire, sa douceur quand il parla avec Romero par messages, peut-être même son amusement quand il reçut une image drôle de la part d'Hinata.

Il finit par s'endormir, et Ushijima le laissa traîner au lit le lendemain, soucieux de ne pas le brusquer. Il avait préparé à manger quand Tobio émergea de sa chambre, et Kageyama s'assit à table en marmonnant un remerciement. Il sentait Oikawa en proie aux doutes, à l'hésitation, à diverses émotions –probablement était-il en train de discuter avec Hayashi. Le rendez-vous de Tobio était à quatorze heures, et il sentit l'appréhension monter peu à peu de se dire qu'il devrait se confronter à Oikawa, qu'ils auraient une vraie discussion sur leur relation pour la première fois depuis...

Pour la première fois tout court.

Il sentait qu'il se rapprochait d'Oikawa tandis que Daichi conduisait vers le commissariat. La nervosité commençait à grimper, et il jouait avec ses doigts en attendant d'arriver ; et Sawamura s'était à peine arrêté qu'il débouclait sa ceinture et ouvrait la portière, sentant qu'il devait rentrer aussi vite que possible, aller vers Oikawa et-

Il se figea.

Non, non, non, c'est le lien, c'est ce putain de lien. Il inspira profondément et ferma les yeux pour redevenir maître de lui-même avant d'entrer, se forçant à garder un pas régulier malgré sa légère claudication. Il marcha droit vers le bureau d'Hayashi, s'arrêta un instant devant la porte fermée, et n'avait pas encore frappé que la porte s'ouvrit et qu'Oikawa apparut.

Il avait l'air en meilleure forme que l'avant-veille, et l'accueillit de son sourire signature :

-Salut, Tobio-chan.

Ça lui faisait plaisir de le voir, et Kageyama le sentit aussi nettement qu'Oikawa dut percevoir la méfiance de Tobio, au vu de son sourire qui se dissipa un peu.

-Bonjour, Kageyama-san, lui lança Hayashi en se levant de son bureau.

Il s'approcha d'eux, et Oikawa commença à retrouver son inquiétude habituelle.

-Je me suis entretenu avec Oikawa-san ce matin, déclara le spécialiste avec son sourire professionnel. Nous avons discuté, juste comme nous l'avons fait tous les deux hier. Cependant...

Kageyama arqua un sourcil.

-... Il semblerait que vous ne soyez pas unanimes sur la solution à adopter. C'est pourquoi je vais vous laisser seuls le temps qu'il faudra pour que vous aboutissiez à un compromis.

-Un compromis ? répéta Tobio d'une voix glaciale.

Il jeta un œil vers Oikawa, bras croisés à côté d'Hayashi, qui fixait la moquette d'un air particulièrement intéressé.

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