Chapitre 7

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Un an et trois mois étaient passés depuis les vingt ans de Kageyama.

Les Adlers avaient été champions pour la deuxième année d'affilée, puis avaient reçu leur troisième consécration consécutive en fin mars 2018. L'équipe était au beau fixe, et l'objectif était de demeurer en tête du classement –mais les liens se resserraient entre joueurs, et l'équipe avait trouvé son équilibre. Kageyama s'y sentait libre, aussi libre qu'à Karasuno d'utiliser ses attaquants et de mettre en place ses stratégies, et un environnement de bons joueurs le tirait perpétuellement vers le haut.

Comme l'année précédente, la ligue mondiale était passée, et le Japon s'était qualifié jusqu'en finale de division 2, s'inclinant devant la Slovénie –mais les résultats étaient là, un an était passé, Tobio et le reste de la génération monstre avaient gagné en temps de jeu et les scores s'en ressentaient. De son côté, en division une, Romero et l'équipe du Brésil prenaient également la médaille d'argent après un final haletant contre la France. A présent que leur saison venait de se terminer, les préparatifs pour l'édition 2018 se profilaient après une petite semaine de repos.

La routine s'était installée, plaisante et confortable. Kageyama et Ushijima vivaient toujours en colocation, ayant appris par cœur à la longue les habitudes l'un de l'autre, et jamais aucune querelle n'avait pris place entre eux pour un problème domestique. Tobio continuait à passer un midi par semaine avec Tsukishima, parfois allait regarder ses matchs, et de temps en temps se rendait aux fêtes organisées par Daichi et Suga ; il voyait ses parents et Miwa à l'occasion.

Il était toujours avec Nicolas, le voyait chaque jour à l'entraînement et aux nombreuses sorties orchestrées par Fukuro. Il n'était pas rare qu'ils mangent ensemble et que Nico passe la soirée avec lui –mais ils s'en tenaient à la relation qu'ils avaient convenu. Romero n'était jamais resté dormir depuis le soir de ses vingt ans, et encore, il était parti excessivement tôt pour avoir son avion, Tobio doutait qu'il se soit vraiment reposé ; ils ne s'étaient jamais embrassés, n'avaient jamais eu de situation plus indécente que de se faire un câlin. Ils ne s'étaient jamais explicitement dit leurs sentiments, non plus, n'avait jamais clairement prononcé je t'aime, mais ces mots étaient en filigrane dans chacun de leurs gestes.

Le lien ne s'était toujours pas dissipé. Quinze mois étaient passés, mais il restait toujours là, ancré dans la poitrine de Kageyama, juste à côté du cœur, point de départ d'une relation qui restait toujours lettre morte. Tobio en subissait les effets malgré lui –croisant parfois Iwaizumi et son épouse dans la rue, d'anciens joueurs d'Aoba, et même une fois le neveu d'Oikawa qui l'avait reconnu, chacune de ces rencontres comme une piqûre de rappel.

Il regardait tous les matchs de San Juan, presque convulsivement, culpabilisant de prendre du plaisir à retrouver l'image d'Oikawa et à le voir jouer, sachant qu'il ne pourrait jamais avancer en se comportant ainsi, mais poussé par des pulsions qui le dépassaient. Il avait pris l'habitude de les regarder à la télé, mais Ushijima finissait toujours par pointer le bout de son nez en entendant du volley, et Tobio finit par se mettre dans sa chambre pour être en paix, peu désireux d'aborder le sujet d'Oikawa avec son attaquant.

Ce qui le rassurait, c'était qu'il avait tout de même l'impression que le lien avait perdu en puissance. Il s'interrogeait encore –si c'était bien lui qui avait déclenché le processus de rejet, pourquoi Oikawa avait-il voulu garder le lien ? Par lâcheté, pour éviter d'assumer ? Par négligence ? Parce qu'il n'était pas assez déterminé ? Tobio n'en savait rien, et ce n'était pas ses affaires de toute façon. Lui n'attendait que le jour où il ne sentirait plus rien, où il connaîtrait ce vide apaisant, ce néant tranquille et que Nicolas saurait combler à coup sûr.

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