Chapitre 3

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Kageyama Tobio n'était pas quelqu'un de facilement impressionnable. Rencontrer Ushijima ou Sakusa, qui étaient pourtant des champions reconnus au niveau national, ne lui avait rien évoqué de particulier. Le seul joueur qui l'ait marqué durablement était Oikawa, grâce à son service, les premiers jours de son arrivée au collège ; sinon, il restait assez indifférent aux gens qu'il pouvait rencontrer dans le monde du volley-ball, qu'ils soient ou non d'excellents joueurs.

Mais là, c'était autre chose.

Quatre fois vainqueur de la Ligue Mondiale.

Cinq fois finaliste de la Ligue Mondiale.

Médaille d'argent aux Jeux Olympiques de 2008, puis de nouveau à ceux de 2012.

Le palmarès défila dans la tête de Tobio tandis qu'il fixait l'homme qui lui faisait face, incapable d'en croire ses yeux. Il avait vu ce visage tant de fois sur un écran, l'avait retrouvé à toutes les compétitions importantes depuis neuf ans, le connaissait trait par trait sans jamais avoir songé le voir en vrai.

Je viens de bousculer Nicolas Romero. Une légende vivante.

Il était sur le point de s'incliner à quatre-vingt-dix degrés et de déclamer ses excuses les plus sincères quand le champion lui adressa un grand sourire, posa une main sur son épaule et dit en anglais :

-Wow, you're so pale right now. You alright? You didn't hurt me at all, you know?

Tobio ne comprit strictement rien.

-I, I euh..., bégaya-t-il complètement paniqué.

J'aurais dû écouter mes cours d'anglais. Ou au moins les conseils de Yachi. La chose étant, il n'avait jamais envisagé la possibilité qu'un Japonais ait besoin de parler anglais à un moment ou un autre de son existence, et avait décidé que les heures dédiées à cette matière pouvaient aussi bien servir de temps de sieste. Ce qu'il regrettait cruellement à l'instant présent.

Il avait beau essayer d'articuler quelque chose, au moins un Hello, my name is Tobio Kageyama, nice to meet you, impossible de retrouver les mots, leur ordre ou leur prononciation –les yeux de Romero étaient fixés sur lui, profonds et curieux, d'une couleur légèrement plus claire que ceux d'Oikawa, un marron chaud aux reflets ambrés, ou peut-être était-ce l'effet de ses cils noirs ? Tobio ne savait pas.

En fait, il ne savait plus rien du tout.

-Kageyama ! s'écria une voix.

Il se retourna pour voir deux joueurs arriver vers lui, et les reconnut aussitôt –l'un d'eux était Hoshiumi Kourai, et l'autre Hirugami Fukuro ; il avait affronté le premier et le frère du deuxième quelques années plus tôt, lors des Nationales où Karasuno était tombé contre Kamomedai.

-T'as déjà rencontré Nicolas ? lui lança Hoshiumi avec bonne humeur. Attends, tu t'es perdu, nan ?

-Je, euh, oui, marmonna Tobio en baissant les yeux.

-Ushijima nous a dit que tu arrivais aujourd'hui, déclara Hirugami en souriant. Kageyama is our new setter, ajouta-t-il à l'adresse de Romero. He's a great player, he made it to the U18 national team.

-Oh, really? I can't wait to see you play then!

Il lui tendit la main, et Tobio la serra timidement, laissant ses doigts se perdre dans la paume du champion.

-Viens, on va faire les présentations avec le reste de l'équipe, l'invita Hirugami en ouvrant la marche.

Kageyama suivit, un peu rassuré de retrouver des visages familiers et des nipponophones, mais son regard revenait toujours sur Romero. Ça faisait des années qu'il le voyait jouer à la télé, il avait vu tous ses matchs internationaux et ses interviews ; mais il n'avait jamais vraiment envisagé qu'ils puissent se croiser, et moins encore jouer ensemble.

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