Lucie
J'ai mal à la tête. J'ouvre les yeux et je ne reconnais pas ma chambre. J'essaie de me redresser dans mon lit mais un tuyau est accroché dans mon avant-bras.
- Aïe !
- Ah enfin, me dit une grosse voix soulagée que je connais bien.
- Henri ?Je ne l'avais même pas remarqué. Tout mon corps est endolori, j'ai du mal à réfléchir. Je regarde autour de moi, tout est aseptisé, une petite commode à ma gauche et une penderie dans le coin près de la fenêtre, des murs blancs et Henri assis à ma droite dans un fauteuil gris.
- Où suis-je ? M'inquiété-je.
- Tu es à l'hôpital. Tu t'es faite renverser hier après-midi, tu ne t'en souviens pas ?J'essaie de me rappeler ce qui s'est passé hier. Je me rappelle être partie faire du shopping... il y avait pas mal de neige... j'étais à pieds...
- Ah oui ! La voiture, le klaxon, le bruit, je me rappelle !La panique s'empare de tout mon être. Suis-je entière ? Je commence à regarder mon corps pour évaluer les dégâts. À part la perfusion et quelques bleus, mes bras sont intacts et fonctionnels. J'essaie de bouger les jambes, aïe, ça tire à droite. Je soulève le drap violemment et je vois une atèle à mon genou.
- Tu as eu de la chance, à part une entorse des bleus, des égratignures, et une légère commotion, tu t'en sors bien ! me rassure Henri .
- J'ai si mal à la tête ! J'ai l'impression d'être passée sous un rouleau compresseur, me plains-je.En essayant de me masser les tempes, je me rends compte que ma tête porte un bandage. Re-panique ! Je passe, affolée, mes mains sur mon visage.
- Et mon visage ? Demandé-je paniquée.
- Toujours aussi jolie, mon enfant, rigole-t-il. Faudra juste que tu camoufles ton œil au beurre noir, me taquine-t-il en désignant mon œil gauche.Je le touche, aïe ! Ça a l'air enflé.
- Oh punaise, j'ai une tête de boxeuse, c'est ça ?
Il rigole de son rire de père Noël.
- Le médecin a dit que ça partira dans quelques jours. Ta tête a tapé le bord du trottoir au niveau de l'arcade. Ils t'ont fait deux points de suture et comme c'est dans le sourcil, ça ne se verra bientôt plus, me rassure-t-il. Quant à tes migraines, elles devraient s'estomper d'ici quelques jours.
- Ok, dis-je soulagée. Mais comment as-tu su ce qui m'est arrivé ? Demandé-je intriguée.
- Ah ça ! Dit-il d'un ton moqueur. C'est « mamie pink » qui a vu la scène alors qu'elle promenait son chihuahua. Et tu la connais, aussi mégère qu'excentrique ! Rigole-t-il. Elle est entrée en trombe dans le salon pour être sûre d'être la première à donner le scoop. Du coup je suis passé hier soir chez toi te prendre quelques affaires de toilettes et de rechange.
- Oh merci Henri , dis-je émue. Mais tu es là depuis hier ? M'inquiété-je.
- Je suis rentré dormir un peu. J'ai dû me faire passer pour ton père sinon ils ne m'auraient pas laissé rester et récupérer tes clés. Par contre, y en a un qui ne s'en est pas sorti, dit-il un brin gêné.
- Oh mon dieu, quelqu'un d'autre s'est fait renverser ? Demandé-je horrifiée.
- Hum, pas tout à fait…
Il me tend un tas de débris.
- Ton portable s'est brisé en mille morceaux en tombant de ta poche sous le choc.
- Oh Henri ! Le grondé-je en souriant. Ce n'est pas grave, j'en rachèterai un autre, dis-je franchement soulagée. Tu as l'air fatigué, il est quelle heure ?
- Il est 13h38, dit-il après avoir regardé sa montre, t'as joué à la Belle au bois dormant.
- Quoi ?! J'ai dormi presque 24H ? dis-je surprise.
- Apparemment c'est normal après un choc pareil, en plus tu as reçu des calmants. Et je crois que maintenant c'est à mon tour d'aller jouer à la marmotte. J'étais si inquiet que je n'ai presque rien dormi.
- Bien sûr Henri. Rentre te reposer. Tu es vraiment un père pour moi tu sais.J'écarte les bras pour qu'il vienne me faire un câlin et il s'exécute immédiatement en faisant attention de ne pas trop me serrer pour ne pas me faire mal.
- Dès que tu connais ton heure de sortie tu m 'appelles, je viendrai te chercher.
- D'accord, Henri, tu...Je suis interrompue par des éclats de voix dans le couloir.
- Vous devez attendre 14h ! hurle une voix de femme, certainement une infirmière.
- J'm'en bats les couilles ! Vous allez pas me les briser pour dix minutes, putain ! Lâchez-moi ! Lui répond une voix virile que j'ai peur de reconnaître.
- Le règlement c'est le règlement ! S'énerve l'infirmière.La porte s'ouvre violemment, cognant contre le mur, ce qui nous fait sursauter Henri et moi. Et voilà Tristan qui apparaît dans l'embrasure de la porte, une infirmière accrochée à son bras.
- Lucie... m'appelle-t-il d'une voix tremblante.Je le regarde, puis Henri qui fronce les sourcils en me voyant fondre en larmes.
- C'est lui l'abruti qui te met dans un tel état depuis deux semaines ? Me questionne-t-il en colère.
Je hoche la tête, je n'arrive plus à parler.
- Écoute-moi bien petit con, gronde-t-il, t'as deux secondes pour me foutre le camp avant que je t'arrange le portrait ! Menace-t-il.Tristan recule, hésite en nous regardant tour à tour Henri et moi, avant de refaire un pas en avant.
- Je... commence-t-il avant d'être interrompu.
- Alors !? Elle va bien ? Demande Greg affolé en entrant et en poussant au passage l'infirmière toujours en train de tirer sur le bras de Tristan.
- Bon j'abandonne, dit cette dernière en tournant les talons et en soufflant d'exaspération.Je crois avoir une hallucination quand je vois « Barbie » débouler à son tour dans ma chambre. Ma migraine double d'intensité. Je ferme les yeux, les rouvre, mais elle est toujours là, je ne rêve pas. Greg se précipite vers moi, et la pétasse passe un bras autour des épaules de Tristan. Je reste sans voix.
- Bonjour M. Grammont, salue Greg.
- Bonjour... Grégoire, dit-il hésitant. Vous êtes tous ensemble? lui demande-t-il en désignant les deux autres.
- Oui, alors ? Lucie putain, on s'est fait un sang d'encre ! Comment tu vas ? Me demande-t-il inquiet.Non mais je crois que je suis en train de virer foldingue là ! Je peux pas croire que Greg les ait amenés avec lui, ici, dans mon état ! Greg, mon grand frère, mon protecteur, mon meilleur ami, me trahir ainsi ! Là c'en est trop, j'éclate :
- Dégagez tous de ma chambre, hurlé-je en entrant dans une colère noire. Putain Greg t'es devenu cinglé ?! Qu'est-ce qu'il t'a pris de l'amener ici avec sa pouf, après tout ce qu'il s'est passé ! Tu crois que j'en ai pas assez bavé là !?Des flots de larmes se déversent sans que je ne puisse les arrêter. La peine, la rage, la douleur, ma tête va exploser j'en suis sûre.
Henri se lève brusquement et fonce sur le groupe qui reste figé.
- Vous l'avez entendue ?! Fichez moi le camp !
- Attendez Henri, insiste Greg, il y a un malentendu. Lucie, il faut que tu écoutes Tristan...
- Dehors ! Ahh! crié-je de douleur en prenant ma tête entre mes mains.Mes hurlements et mes sanglots vont faire exploser ma cervelle. Je ferme les yeux, mets mes mains sur mes oreilles et me balance d'avant en arrière, comme quand j'étais petite et que je venais de faire un cauchemar, en espérant que les images horribles allaient disparaître. Je chantonne des « la la la » pour ne plus rien entendre de ce qu'il se passe dans cette maudite chambre pendant un moment qui me semble s'éterniser, jusqu'à ce qu'une main se pose délicatement sur mon épaule. Je rouvre les yeux et vois Henri me regarder d'un air compatissant. Je laisse retomber mes mains sur le matelas.
- C'est bon ma petite Lucie, calme-toi, je les ai fichus dehors et j'ai prévenu l'accueil qu'ils n'étaient pas les bienvenus.
- Merci encore, dis-je dans un dernier sanglot. J'arrive pas à croire ce que Greg vient de faire.
- D'après ce que j'ai compris, ce Tristan, c'était ton petit copain et là, il est venu avec sa nouvelle copine... c'est ça ?
- Euh... à peu près, oui. En fait, j'ai cru qu'on était ensemble, mais apparemment pas lui, bref ! Je ne veux plus en entendre parler. Et de Grégoire non plus. Tu devrais rentrer te reposer. Moi je vais faire aussi une petite sieste, ma tête est au bord de l'implosion.
- OK. Repose-toi et tu m'appelles demain.
- Promis à demain.On se sert dans les bras, il me fait un dernier sourire et me revoilà seule avec ma douleur. Une douleur physique mais surtout mentale. Je prends l'oreiller que je plaque sur mon visage pour hurler toute ma rage, ma peine et mon désespoir.
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Acid Love ( Terminé)
RomanceLucie, jeune femme de 30 ans, évite les hommes depuis cinq ans. Sa dernière relation s'est si mal terminée qu'elle les repousse tous, même ceux qui lui plaisent. Jusqu'au jour où son meilleur ami Gregoire, lui présente Tristan. Il est beau, sûr...