Chapitre 6 - De retour à l'institut [2/2]

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Ils ne purent prolonger ni relancer le débat car ils furent interrompus par la sonnerie. Pour une fois, elle ne prévenait pas du début des cours mais invitait les pensionnaires à sa réunir dans le hall où Monsieur Moreau, se substituant décidément de plus en plus à Monsieur Belforde, prononça un petit discours de bienvenue, ou de bon retour, à tous avant d'expliquer comment les choses allaient se dérouler.
Cette journée d'arrivée serait banalisée pour permettre à tous de se réinstaller puis, dès le lendemain, la routine de l'établissement reprendrait comme avant.
Avant de conclure et de laisser tout le monde vaquer à ses occupations, le professeur précisa que les inspecteur Guyon et Carmody réinvestissaient l'une des salles de permanence pour continuer à mener leur enquête. Cette mention implicite du meurtrier, toujours en liberté, et du danger qu'il faisait planer sur l'institut, causa un froid dans l'assemblée qui fut comme parcourue d'un frisson.
Eléa ne songea cependant pas longtemps à ce tueur, ses pensées encore tournées sur la conversation qu'elle avait eu avec ses camarades, ou plutôt, que ses camarades avaient mené devant elle car, comme souvent, elle n'avait pas ouvert la bouche pour participer directement. Même Salim avait plus parlé qu'elle !
La jeune fille était partagée entre les deux conceptions des choses qui s'étaient opposé.
Ainsi, comme Alana, elle aurait souhaité ne pas s'interroger et seulement profiter de cette chance inespérée – trop inespérée pour n'être qu'une chance – de pouvoir regagner l'établissement et de ne plus craindre la discrimination ou les slogans anti-magiciens alimentés de peur.
Cependant, elle savait également que c'était impossible qu'une loi pareille soit passée, que quelque chose d'étrange et d'anormal s'était passé, comme si quelqu'un d'extérieur était intervenu pour pirater les députés, pour reprendre les mots de Raphaël, et elle était d'accord avec Salim lorsqu'il affirmait que ça n'allait guère durer et que la situation allait exploser, car les tensions ne disparaissaient pas juste car on interdisait de les exprimer.
Pour l'instant, effectivement, les choses semblaient enfin s'arranger pour les magiciens mais c'était plus comme une accalmie avant la tempête, avant que tout n'empire et ne dégénère.
Eléa n'avait aucun moyen de l'assurer avec certitude mais c'était ce qu'elle pressentait.
Suivant le mouvement, elle quitta le hall pour se rendre au dortoir. Sur les portes des chambres, toutes les étiquettes étaient encore en place, comme si c'était évident depuis le départ que les pensionnaires reviendraient d'ici quelques temps.
En compagnie de Marianne, Eléa rangea ses affaires en échangeant quelques mots sporadiquement avec elle.
La jeune fille aux yeux bordeaux jetait régulièrement des regards en direction du lit de Roxanne et Eléa reconnaissait que c'était très étrange de voir le matelas nu et le bureau vide sur lesquels aucune affaire n'était éparpillée, contrairement à l'habitude de l'ancienne propriétaire des lieux. Il manquait vraiment quelque chose qui laissait un grand vide.
Eléa n'aurait pas cru que l'absence de Roxanne lui ferait un tel effet mais elle demeurait néanmoins moins affectée que Marianne.
À présent qu'elle se trouvait dans leur chambre et qu'elle avait les marques de l'absence de Roxanne face à elle, les larmes lui montaient aux yeux. Eléa en ressentit un choc. C'était la première fois qu'elle voyait Marianne, si posée, sereine et réfléchie, dans cet état.
Désemparée, Eléa lui promit maladroitement qu'elles allaient soigneusement garder la place de Roxanne jusqu'à ce que cette dernière revienne la prendre. Malgré son inhabilité dans ces propos, Marianne parut soulagée et acquiesça avec un léger sourire.
Eléa étouffa un soupir. Décidément, il lui fallait encore s'améliorer dans les relations humaines. Dès qu'elle se retrouvait face à quelqu'un en détresse émotionnelle, elle paniquait.
Heureusement que Marianne n'avait pas éclaté en sanglots et qu'elle s'était rapidement repris. Ce fut cependant tendue à l'idée que son amie ait besoin de réconfort qu'elle termina son installation.
Elle refermait juste son placard, y laissant sa valise, qu'elle ne comptait pas réutiliser prochainement, lorsqu'on frappa à la porte. Certainement était-ce pour vérifier que tout allait bien.
Ayant fini de ranger ses affaires, contrairement à Marianne dont la concentration déviait sans cesse vers l'absence de Roxanne, Eléa se chargea d'aller ouvrir et elle découvrit Gabriel dans le couloir.
Le jeune homme lui adressa un sourire éclatant de sincérité, un qu'elle ne lui avait jamais vu et elle se sentit totalement fondre.
Il était pourtant comme d'habitude : jeans délavé sur les cuisses, chemise blanche mal boutonnée aux manches retroussées au niveau des coudes, longs cheveux roux tombant jusqu'à ses hanches et coiffés d'un bonnet rouge, la couleur qu'il portait le plus, mais ce sourire sincère et sans rien de forcé changeait tout.
Visiblement, quitter quelques temps son rôle de grand frère bienveillant lui avait été bénéfique et lui avait permis de laisser un peu plus de place à ses véritables sentiments et sa personnalité mais cela allait-il pouvoir durer à présent qu'il était de retour à l'institut dans ce costume ?
Cette idée préoccupait Eléa mais elle doutait d'oser un jour poser directement la question à Gabriel.
Ce dernier, se doutant des pensées de la jeune fille par les mouvements de son aura sans pourtant être capable de les deviner, lui proposa :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 3 : Pensées Indigo [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant