Les Yeux du Pouvoir - Tome 3 : Pensées Indigo [Terminé]

Chapitre 12 - L'homme de l'ombre

Shikou.
Le choc de la découvrir les empêcha de réagir et, durant quelques secondes, ils ne purent que faire passer leurs regards d'Adriel à terre à Shikou, se tenant dans l'encadrement de la porte avec, en main, ce qui était de toute évidence l'arme du crime.
Bien que tous les indices étaient sous leurs yeux écarquillés et que les assembler ne demandait pas de grands efforts, ils ne parvenaient pas à aligner deux pensées cohérentes.
Le gémissement d'Adriel gisant au sol, les mains serrées sur sa blessure, leur fit comme un électrochoc qui les extirpa de leur torpeur et ils se réveillèrent.
Gabriel se précipita auprès de son frère pour l'aider à stopper l'hémorragie en comprimant sa plaie, se tachant de sang, et s'efforçant de le rassurer par des paroles de réconfort qui semblaient également s'adresser à lui-même, bouleversé comme jamais il n'avait paru l'être.
Bouleversé également Sylvain, toujours sous le choc, qui tremblait de tous ses membres avec les yeux écarquillés, semblant sur le point de s'évanouir. Sachant qu'ils ne pouvaient se permettre d'avoir un inconscient sur les bras dans cette situation, Marianne se chargea de tenter de l'apaiser, sans grande efficacité cependant.
A côté d'eux, Lucille fut aussi agitée de violents tremblements. Voir Adriel ainsi, couvert de sang et luttant pour rester envie malgré la blessure et l'hémorragie, la renvoyait au jour où elle avait découvert le cadavre de Ludovic et n'avait pas pu le sauver alors qu'elle avait essayé de toutes ses forces, ce qui l'avait profondément marquée et traumatisée, comme en témoignait son incapacité à réagir.
Ne supportant pas cette scène se déroulant sous ses yeux, elle se détourna en se masquant le regard, n'entendant pas les appels désespérés de Gabriel qui haussait pourtant de plus en plus la voix pour tenter de la faire réagir.
Nolwenn, taisant son réflexe premier que de se ruer aux côtés d'Adriel à l'instar de Gabriel, laissa ce dernier s'occuper du jeune homme blessé, sachant qu'elle n'aurait pu faire davantage que pleurer son inquiétude, pour plutôt se concentrer sur Shikou, visiblement toujours comme absente.
Ses yeux oranges luisants de larmes, pas seulement d'angoisse mais également de rage, elle convoqua ses pouvoirs qu'elle projeta sur le couteau à la lame couverte de sang pour l'arracher à Shikou. Elle renforça même son action d'un vif mouvement du bras mais Shikou serrait le manche avec tant de force qu'elle ne le lâcha pas.
À la place, la jeune fille, légère, suivit la lame et alla s'écraser contre le mur, juste à côté du meuble où était posé le journal.
Pensant qu'elle avait perdu connaissance, Irwan s'approcha et il eut juste le temps de vivement bondir en arrière, tiré par Alana par l'arrière de son T-shirt, évitant de justesse le coup de lame que Shikou tenta de lui porter d'un geste latéral, qui traça tout de même une ligne sanglante sur sa jambe à travers son jeans, à présent déchiré.
Dessinant de larges arabesques devant avec elle avec son couteau, Shikou empêcha quiconque d'approcher et ils ne pouvaient rien faire à part se tenir à distance pour éviter d'être blessé. Ils auraient peut-être pu réussir à la désarmer en se jetant sur elle mais ils n'en seraient pas ressortis indemnes et ils ne pouvaient se permettre de compter davantage de blessés. Ainsi, ils étaient piégés sans aucune possibilité de s'échapper.
La priorité demeurait cependant de sauver Adriel, qui peinait à maintenir ses paupières ouvertes même si Gabriel l'appelait pour qu'il reste éveillé, se doutant que, si il fermait les yeux, ça aurait été pour ne plus les rouvrir.
Se tournant vers le groupe de ses camarades, il tenta à nouveau d'appeler Lucille, en hurlant cette fois, à tel point que sa voix se brisa sur la fin du prénom de la jeune fille mais elle ne bougea pas davantage.
Comme elle demeurait comme emmurée dans son traumatisme, qui l'empêchait de réellement se trouver dans la situation actuelle et de voir ce qu'il se passait, ce qu'elle devait faire, mais que le critique de l'état d'Adriel exigeait qu'elle se reprenne rapidement, d'ici quelques secondes, et qu'elle ne pouvait se permettre de rester figée ainsi, Roxanne la saisit par les épaules pour la retourner brutalement vers elle et elle lui décocha une gifle avant de la secouer.
Le coup de Roxanne tira Lucille de son traumatisme. La jeune fille cligna des paupières, ayant besoin de quelques secondes pour se souvenir de ce qu'il se passait autour d'elle, puis, une fois qu'elle fut de nouveau en phase avec ce qu'il se passait autour d'elle, elle n'eut pas besoin qu'on le lui redemande une nouvelle fois pour se précipiter auprès d'Adriel.
Elle était arrivée trop tard pour sauver Ludovic et avait donc échoué, ce qu'elle avait fort mal vécu, alors elle n'allait certainement pas laisser Adriel mourir.
Ecartant délicatement ses doigts que le jeune homme crispait sur sa plaie, Lucille posa ses paumes dessus en faisant remonter ses pouvoirs à ses mains. Une douce chaleur se répandit dans le corps d'Adriel, dont les muscles se relâchèrent sous l'action de la magie. Gabriel soupira de soulagement, sachant que son frère était sauvé à présent que Lucille s'occupait de lui, alors qu'une ride de concentration creusait le front de la jeune fille.
La blessure était large et profonde, sans compter que le jeune homme avait perdu énormément de sang, ce qui était un peu la faute de Lucille pour avoir réagi si tardivement. Il allait donc lui falloir du temps et de l'énergie pour la guérir complètement. Elle redoubla donc de concentration et d'efforts. Une perle de sueur roula le long de sa tempe.
Elle fut cependant interrompue avant que l'action de sa magie ne soit réellement efficace par Shikou qui voulut la tirer en arrière, ne comptant apparemment pas lui permettre de sauver Adriel, dont elle semblait vouloir la mort, mais, l'empêchant d'arracher Lucille à ses soins, Léo se jeta sur elle.
La fauchant d'un coup, bénéficiant d'un peu d'élan, le jeune homme chuta à terre avec elle, permettant à Lucille de reprendre sa tâche et faisant tomber son casque de ses oreilles, ce qui n'était nullement le but de la manœuvre.
Craignant qu'il ne reçoive une blessure, Nolwenn se servit de sa télékinésie pour écarter Léo de Shikou, sans grande douceur mais plus rapidement que si elle l'avait laissé se relever seul.  Le jeune homme se retrouva quelque peu sonné par la brusquerie avec laquelle il avait été projeté en arrière par les pouvoirs de Nolwenn.
À présent sans musique dans ses oreilles, Shikou se redressa et son regard ne paraissait plus aussi vitreux qu'auparavant. Face à elle, ils eurent un mouvement de recul, redoutant une autre attaque de la part de la jeune fille mais cette dernière n'en fit rien.
A la place, Shikou se prit le crâne dans les mains, lâchant son couteau, dont la lame teinta sur le sol de béton poussiéreux, en poussant un court cri, comme soudainement en proie à une brusque douleur. Elle se courba en se balançant d'avant en arrière, les ongles enfoncés dans son cuir chevelu et ses paumes plaquées sur ses oreilles comme pour empêcher des sons de parvenir à ses tympans.
Quelque peu déstabilisés par cette subite réaction qu'ils ne s'expliquaient pas, les autres échangèrent des regards surpris, se demandant ce qu'ils devaient faire face à cela.
Lucille ferma les yeux avec force, s'efforçant de ne pas se laisser déconcentrer par ce qu'il se déroulait autour d'elle, alors que Gabriel observait la scène tout en continuant à soutenir Adriel et sa capacité à discerner les auras lui permettait de mieux saisir ce qu'il arrivait si brutalement à Shikou.
Une forte partie de l'aura bordée d'indigo de la jeune fille se concentrait autour de son crâne et de ses oreilles et la couleur qui dominait dans cette zone était l'indigo, témoignant d'une activité soutenue de sa magie.
Certainement était-ce cela qu'elle cherchait à faire taire en se plaquant les paumes sur les oreilles, les pensées autour d'elle que son pouvoir de télépathie lui donnait à entendre indépendamment de sa volonté.
Le jeune homme ouvrit la bouche pour en avertir ses camarades, qu'ils ne s'interrogent pas davantage sur ce qu'il se passait si soudainement, mais il fut pris de vitesse par Shikou qui, repliée sur elle-même, cria, et c'était la première fois qu'Eléa entendait le timbre de sa voix :