Journal de Sylvain

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Un rêve, encore un.
J'ai l'impression que c'est de plus en plus souvent mais j'en suis pas sûr. Faudrait que je fasse une moyenne à partir d'un bilan mais j'ai peur du résultat.
Qu'est-ce que ça signifierait si, effectivement, je faisais des rêves de plus en plus souvent ? Je sais pas mais je crois pas que je veuille le savoir...
Bon, pour en revenir à mon rêve de cette nuit, j'ai eu beaucoup de mal à m'endormir après tout ce qu'il s'est passé hier, Shikou et Victor.
En parlant de Victor, c'est dommage que Gabriel l'ait empêché de plus nous expliquer, j'aurais aimé l'écouter plus longtemps, et si il y a un moyen pour que les magiciens aient plus peur, je veux y croire et aider à le mettre en place mais, même si je comprend ce qu'il veut dire, Victor continue à me faire un peu peur.
En ce qui concerne Shikou, les policiers l'ont emmenée en garde-à-vue. On sait pas ce qu'ils ont décidé de faire ni ce qu'il va se passer pour elle. Pourtant, Alana a attendu Tanguy pour essayer de lui soutirer des informations mais il a rien voulu lui dire et Irwan a rien pu apprendre comme, il était à l'hôpital.
Il est revenu avec un gros pansement à la jambe mais rien de bien grave et Lucille a parfaitement guéri Adriel alors il a pu rentrer chez lui sans problème, heureusement. J'ai eu vraiment très peur.
En fait, le rêve que j'ai fait cette nuit était pas à propos d'un de mes camarades mais des deux inspecteurs. Je crois que c'était la façon dont ils se sont rencontré et ont commencé à travailler ensemble, de toute évidence.
Le rêve a été plutôt court, surtout par rapport à d'autres que j'ai déjà fait (je parle évidemment du cas des rêves que je pense provoqués par mes pouvoirs sans que je le veuille et pas des rêves plus "normaux" que tout le monde fait, magie ou non).
De ce que j'ai pu en voir quand j'y suis allé pour me faire interroger, c'était dans le poste de police de Saint-Théophile des Mines. L'inspecteur Carmody doit y travailler depuis longtemps déjà, mon rêve ne m'a précisé ses années de service.
Ça devait être dans le bureau de l'inspecteur Carmody (pour que ce soit plus simple pour moi, je vais les appeler par leurs prénoms ici mais ce sera la seule fois !) et il était seul à l'occuper visiblement. D'ailleurs, il n'y avait que son nom sur la porte. J'en ai déduis que l'inspecteur Guyon (Julie du coup) était pas encore sa coéquipière.
Depuis que je le connais et qu'il est arrivé à l'école pour mener l'enquête sur les meurtres, l'inspecteur Carmody (Martial) m'a toujours fait penser à un genre de roc ou de place forte imprenable : il est sérieux, fait ce qui doit être fait avec efficacité, et reste très professionnel sans montrer ce qu'il ressent. C'est sûrement pour ça qu'il a l'air froid et impressionnant. Sauf que, là, il donnait pas du tout cette impression et c'était pas juste parce qu'il était plus jeune d'environ trois ans.
Je crois qu'on peut dire qu'il avait l'air très triste, complètement dévasté même, comme si un malheur très grave lui était arrivé.
On aurait dit qu'il avait pas dormi depuis un moment parce qu'il avait de grandes cernes sous les yeux. Ses vêtements étaient tout froissés, comme si il en avait pas changé depuis plusieurs jours, et il avait une barbe mal rasée, alors qu'il est toujours très bien rasé quand on le voit à l'institut.
Donc, il était dans ce que je devine être son bureau au poste de police et il remplissait des papiers. Y en avait plein partout et il avait l'air de pas savoir où donner de la tête. En fait, il avait même l'air complètement dépassé.
C'est bizarre parce que je pense que l'inspecteur Carmody est pas du genre à se laisser déborder mais c'est vrai que, dans ce rêve, il était très différent de quand on le voit à l'école.
Ça fait que je me sens peut-être un peu plus proche de lui maintenant, mais j'oserai sûrement pas aller le voir pour le lui dire.
Pour en revenir à ce qu'il s'est passé dans mon rêve, on a frappé à la porte du bureau, même si elle était ouverte.
Je pense que ce devrait être un supérieur de Martial parce qu'il s'est vite levé en essayant de ranger son bureau et de lisser sa chemise pour se rendre présentable, mais ça n'a pas vraiment marché. Heureusement, l'autre s'en est pas formalisé.
C'était un grand monsieur avec les tempes grisonnantes en costume qui tenait une tasse de café. Il a eu une espèce de sourire triste en voyant Martial comme ça.
Il a posé la tasse sur le bureau en demandant à Martial pourquoi il était là alors qu'on lui avait accordé un congé. Martial a répondu qu'il avait beaucoup de choses à s'occuper, entre les obsèques, l'assistante sociale, l'école et même sa maison et qu'il arrivait pas à se concentrer chez lui parce qu'il pensait à trop de choses mais qu'il voulait régler tout ça au plus vite pour reprendre le travail, parce qu'il pouvait pas laisser ses enquêtes en suspend trop longtemps.
Son supérieur lui a dit de pas s'inquiéter pour le travail et de se reposer parce qu'il avait l'air épuisé.
Martial a répondu que c'était normal puisqu'il avait passé la nuit à l'hôpital pour pas laisser Romuald (je sais pas qui c'est, mon rêve me l'a pas dit et j'oserai jamais aller poser la question à l'inspecteur Carmody) tout seul la nuit alors qu'il avait que deux ans et qu'il venait de perdre ses parents, déjà qu'il pouvait pas être beaucoup avec lui pendant la journée.
Son supérieur lui a conseillé de se faire aider par quelqu'un (et je suis entièrement d'accord avec lui. L'inspecteur Carmody avait l'air d'être sur le point de craquer, au bout du rouleau), mais Martial a dit qu'il savait pas vers qui se tourner et il avait l'air d'être au bord des larmes.
L'autre a essayé de le calmer et lui a dit que, en ce qui concernait le travail, il pouvait l'alléger un peu et il a enchaîné en expliquant qu'il avait justement une jeune recrue inspecteur à placer en équipe avec quelqu'un de plus expérimenté et que cela lui ferait quelqu'un sur qui se reposer.
Il lui a expliqué qu'elle sortait tout juste de l'académie de police et qu'elle avait une licence de psychologie, qu'elle était surdouée et prometteuse.
Martial a secoué la tête en disant qu'il voulait pas s'occuper d'un bleu et qu'il avait autre chose à faire qu'une formation. Le supérieur a insisté en ajoutant que ça lui ferait du bien d'avoir quelqu'un pour lui tenir compagnie, surtout en ce moment, que ça lui éviterait de trop déprimer.
Finalement, un peu pour se débarrasser de son supérieur sûrement, Martial a accepté de rencontrer cette recrue mais en précisant que ça ne voulait pas dire qu'il acceptait cette collaboration éventuelle. Le supérieur a hoché la tête et est allé chercher la recrue.
En attendant, Martial a commencé a boire le café que lui a apporté son supérieur en regardant tous les papiers qu'il avait encore à faire.
Le supérieur a pas mis longtemps à revenir avec quelqu'un, la nouvelle recrue dont il avait été question et j'ai reconnu l'inspecteur Guyon (en même temps, le contraire m'aurait étonné).
Elle était comme elle est aujourd'hui : l'air réfléchie et observatrice avec les cheveux attachés, là en queue de cheval, sur l'épaule.
Martial l'a vue, son regard a croisé le sien et, je sais pas du tout ce qu'il s'est passé. Les yeux de Martial se sont écarquillé pendant qu'il regardait Julie et, comme si il était stupéfait ou quelque chose comme ça, il a lâché sa tasse. Elle a rebondi par terre et a éclaboussé la chemise de Martial.
Les autres se sont écarté pour pas être touchés et, comme elle est gentille, même si elle le montre pas toujours, Julie a voulu l'aider à s'essuyer pour pas qu'il se brûle avec le café. Martial est resté sans bouger en se laissant faire sans arrêter de fixer Julie.
Je l'ai jamais vu comme ça. C'était comme si son cerveau s'était éteint parce qu'il avait eu une émotion trop forte ou un truc comme ça, je sais pas trop, c'était vraiment bizarre.
Il a quand même réagi quand Julie lui a dit qu'il ferait mieux d'enlever sa chemise pour la faire tremper et qu'elle a voulu s'attaquer aux premiers boutons. Il l'a repoussée, plus violemment que ce qu'il aurait voulu je pense, en lui disant qu'il le ferait, et je crois qu'il était rouge sur les joues.
Il y a eu comme un moment de flottement un peu gêné, il me semble, puis le supérieur a présenté Julie en précisant qu'elle venait de quitter l'académie de police. Martial a hoché la tête en lui tendant la main, l'air un peu gêné, et il s'est présenté à son tour. Le supérieur est parti en disant qu'il les laissait faire connaissance tranquillement.
Martial avait l'air de pas savoir comment commencer et il semblait toujours gêné (ce qui, encore une fois, ressemble pas du tout à l'inspecteur Carmody qu'on a à l'école et ça fait donc très bizarre. Est-ce que je vais encore voir l'inspecteur Carmody de la même manière maintenant ?).
Du coup, c'est Julie qui a parlé la première et Martial a de nouveau écarquillé les yeux au son de sa voix (en tout cas, c'est l'effet que ça m'a fait) mais, après, il a fait une espèce de grimace quand il a compris ce qu'elle disait : qu'elle était désolée pour sa sœur et qu'elle l'avait vu dans le journal, puis elle lui a dit qu'elle savait ce que ça faisait.
Là, je crois que Martial aurait voulu s'énerver mais c'était comme si il y arrivait pas devant Julie, alors il a juste grogné que ça l'étonnerait qu'elle comprenne. Et là, Julie lui a répondu que si parce qu'elle avait perdu son frère il y avait cinq ans (je me souviens que l'avocat de la défense en a parlé pendant le procès de Christophe Sarbes et l'inspecteur Guyon a dit qu'il s'était suicidé parce qu'il était magicien, c'est tellement triste) et que, après ça, sa mère avait fait une dépression et que, maintenant, elle était dans une maison de soins.
Martial a eu l'air tout penaud et il a dit qu'il était désolé.
Julie a souri, un peu tristement quand même, et lui a répondu qu'elle voulait juste qu'il voit qu'elle pouvait parfaitement comprendre et que, si il en avait besoin, ça lui ferait plaisir de parler, puis elle a vu tous les papiers sur le bureau et lui a dit qu'elle pourrait l'aider aussi avec ça comme elle avait quelques contacts dans les services sociaux et que, si ça l'effrayait ou qu'il savait pas trop comment s'y prendre, elle savait s'occuper d'un enfant si il avait besoin.
Après, elle a ajouté, un peu comme une blague je crois, que ça lui ferait plaisir de l'aider, même si il voulait pas travailler avec elle au sein de la police.
Là, ça a un peu été comme si Martial se mettait à paniquer, et beaucoup plus que quand son supérieur est arrivé. Il a regardé dans tous les sens comme si il cherchait quelque chose et ses mains se sont agité, l'air de pas savoir quoi dire. Il avait l'air très bizarre et je me demande ce que l'inspecteur Guyon a bien pu penser sur le coup.
Heureusement, ça a pas duré longtemps parce qu'il s'est dépêché de dire qu'il revenait sur ce qu'il avait dit à leur supérieur et qu'il voulait faire équipe avec elle et que c'était même lui qui lui demandait, à elle, de faire équipe avec lui.
D'après mon rêve, c'est comme ça qu'ils ont commencé à travailler ensemble et on dirait que c'est le fait d'avoir chacun perdu quelqu'un de proche qui les a rapproché.

J'ose toujours pas me prononcer sur ces rêves, je continue à me voiler la face, mais, maintenant, j'ai l'impression que les inspecteurs Guyon et Carmody font vraiment partie de l'institut.

Les Yeux du Pouvoir - Tome 3 : Pensées Indigo [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant