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Un mois plus tard

Elle s'était torturé l'esprit toute la nuit. Il subsistait une part d'ombre dans le discours du Fondateur, une grande incertitude. Pourquoi lui octroyer tous ces pouvoirs? Marika sentait le coup fourré...
Il devait nécessairement y avoir une clause cachée dans ce contrat !

Elle devait prendre la tête de l'État aujourd'hui-même. Elle n'avait que quinze ans, mais pour avoir lu les biographies de bien des souverains d'autrefois, elle savait pertinemment que ce n'était pas la première fois que quelqu'un d'aussi jeune se retrouvait à la tête de milliers de personnes...cependant cette conviction ne rendait pas la perspective moins terrifiante !

La succession serait rendue publique dès aujourd'hui. Elle n'en avait pas parlé à ses amis, même ses parents n'étaient pas dans la confidence.
Marika était dans un état d'esprit des plus confus.

Elle songeait à lancer un plan d'éducation au respect et à réintégrer les miroirs dans la société au fur et à mesure. Mais quelle serait la réaction de toutes les personnes qui avaient été habituées à considérer cet objet comme le mal incarné ? Il ne serait certainement pas simple de modifier leurs convictions...

Son accès au pouvoir n'eut rien d'un adoubement, encore moins d'un couronnement. Non. Simplement, le visage du Fondateur fut relayé sur tous les écrans et il disait à un rythme paisible et sans pression qu'il ressentait le besoin de laisser quelqu'un lui succéder, de déléguer ses devoirs.
Marika était sur des charbons ardents. Quelle serait la réaction de ses parents ?

Sans surprise, ils furent ravis.
Ils comptaient bien jouer de leur influence pour lui dire quoi faire.
Marika ne l'entendait pas de cette oreille.

Elle put enfin revoir son frère. De son visage avait disparu toute velléité de rébellion, il était lisse comme une feuille de papier. Comme un miroir.
Lorsqu'elle lui demanda ce qu'on lui avait fait, il resta muet.
De son mutisme plus jamais il ne sortirait.

Elle comprit bien vite pourquoi le Fondateur l'avait choisi pour lui succéder.
Elle voulait du changement.
Et c'était ce que voulaient les enfermés.
Ceux qui, comme son frère, avaient élevé la voix, ou étaient passé à l'acte.
Sauf qu'eux, ils avaient mieux vécu leur isolement. Et leur nombre renflouait de jour en jour.
Face à l'imminence du soulèvement (même les citoyens passifs commençaient à s'échauffer, ils avaient perdu des proches), il avait jugé bon de programmer une fillette pour tous les guider.

Une fillette qui saurait faire la part des choses.

Une fillette qui n'aurait pas peur de démanteler ce qui s'était mis en place avec tant de patience et de rigueur.

Une fillette qui n'aurait pas froid aux yeux, qu'elle avait d'ailleurs foncés.
Et cette fillette, vous l'aurez deviné,

c'était Marika.

FIN

Le test du miroir Où les histoires vivent. Découvrez maintenant