Les mauvaises décisions mènent parfois vers de belles histoires, et moi, j'étais là pour donner un petit coup de pouce au destin. Il faut dire que je n'avais pas choisi les caractères les plus faciles. Chad, artiste à la sensibilité corrosive et au...
« Que vais-je faire de ce que l'on a fait de moi ? » Jean-Paul Sartre
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Je sais ce qu'il va se produire bien avant de passer ce portail. C'est le même scénario chaque matin. Je traverse tranquillement la cour pour rejoindre mon équipe, et tous les regards se braquent sur moi, comme des millions de projecteurs. Ils me sourient, m'envient, me félicitent, font s'entrechoquer leurs poings contre le mien, ou m'adressent des clins d'œil complices.
Et aujourd'hui, c'est encore différent.
Ma chute à fait le tour des réseaux sociaux. J'avoue avoir eu peur des répercussions dans un premier temps, mais mes camarades semblent approuver tout ce qui me concerne de près ou de loin. Cet impressionnant plaquage n'a fait que m'attirer une nouvelle vague de sympathie. Mon portable n'a pas arrêté de sonner de tout le week-end, me notifiant de centaine de messages inquiets voulant s'assurer que j'allais bien. Au final, tout finit pour le mieux, nous avons quand même gagné le match, et tout le monde ne parle que de moi. Encore plus qu'avant je veux dire.
Alors que j'arrive enfin au milieu de mes coéquipiers, leur offrant notre poignée de main habituelle, un attroupement se fait doucement autour de moi. Ils veulent tous entendre ma version des faits, comment j'ai ressenti la chute, si j'ai cru que j'allais mourir...
Certaines questions provoquent mon hilarité. Les gens sont vraiment fous. Ce n'est qu'une chute, j'en ai vu d'autres, et ce n'est rien comparé à ce qui m'attend avec une carrière professionnelle dans le milieu. Malgré tout, j'en rajoute, j'exagère, contemplant avec un certain plaisir leurs visages se tordre d'extase ou de choc. Ils veulent du spectacle, et je suis là pour leur en donner.
Je suis l'acteur principal de leur série préféré.
Je ne vais pas mentir, je m'amuse de la situation, me délectant de cette attention qui m'est réservé. Voir toute cette sollicitude à mon égard nourrit mon ego d'une intense satisfaction. Je ne sais pas ce qu'il leur plaît autant chez moi, ni ce qu'il me trouve de si merveilleux, mais je me félicite tous les jours pour cet engouement que je fais naître.
Mes camarades ne seront jamais à quel point leur enthousiasme me porte. Grâce à eux, j'ai l'impression d'avoir déjà un peu réalisé mon rêve, et d'être un de ses athlètes d'élite, dont la suprématie ne fait que se confirmer match après match. Mon avis les intéresse, ma personnalité les envoûte et mon talent les fascine.
J'existe grâce à eux, à travers eux, pour eux.
Leurs encouragements, leur approbation, leur estime de moi, c'est ce qui m'emplit d'espoir pour la suite. J'aime ce que tout le monde aime, écoute ce que tout le monde écoute, et fait ce que tout le monde fait. La seule chose qui me permet de me démarquer est mon indéniable dextérité pour le football.
