En média YUNGBLUD - Anarchist
« Donnez-moi un rêve où vivre parce que la réalité est en train de me tuer. »
Jim MorrisonL'être humain à la formidable capacité de s'adapter à presque n'importe quelle situation. J'ai par exemple appris à faire taire le son des voix qui m'entourait au point de les restreindre à un faible brouhaha, dont aucun mot ne se détache vraiment des autres.
Cela me permet de me focaliser sur les volutes noircis de mes dessins, ou dans le cas présent, d'échapper à un énième laïus sur la façon dont je suis en train de ruiner ma vie.
Je vois ma mère qui s'agite avec exagération, faisant de grands gestes de la main, mon père qui hoche la tête, ajoutant certaines remarques de temps à autres, et enfin mon frère, restant à sa place d'observateur, comme toujours.
Leurs lèvres bougent, je sais qu'ils parlent, peut-être même hurlent. Je vois les éclairs que leurs yeux me jettent. Mais cette déception qui brille dans leurs iris m'est déjà si habituelle, si familière, que cela ne me fait ni chaud ni froid.
Dans ma tête, c'est le silence.
J'ai l'impression que mon esprit s'est envolé à mille lieux de cette maison, tandis que mon corps y reste prisonnier. Cela m'arrive de plus en plus souvent. Parfois, il m'arrive même de me demander si j'appartiens réellement à ce monde, ou si je n'y pas atterri par erreur.
J'ai l'impression morbide d'être un fantôme hantant cette baraque. Personne ne veut de moi, mais je suis quand même là.
— Chad ? s'écrie ma mère à deux centimètres de mon visage, me sortant de ma torpeur.
Le son me parvient de nouveau normalement, mais ils se sont tous tus, me fixant avec une sorte de désespoir qui ne fait que s'accroître lorsque ma mère réalise que je n'ai rien écouté.
Elle lâche un lourd soupir de frustration et lève les yeux aux ciels, à bout. C'est la seule émotion que j'ai jamais réussi à lui inspirer : de l'exaspération. C'est comme si mon existence même la dérangeait terriblement. Mon comportement n'arrange pas les choses, je le sais bien, mais j'ai déjà donné. Je ne referais pas cette erreur de débutant, consistant à laisser chacun de ses mots corrosifs s'infiltrer dans mes veines et me ronger la tête. Révolus sont les nuits où le petit garçon que j'étais finissait terré dans son lit, inconsolable. Elle peut bien penser et dire ce qu'elle veut, ça ne m'atteint plus.
— Est-ce que tu as ne serait-ce qu'idée d'à quel point je suis déçue ? me demande ma mère avec la voix débordante de mépris.
Oh, maman si tu savais...
Je sais parfaitement que vous l'êtes, déçu une fois de plus par ce petit dernier qui fait tout à l'envers, qui enchaîne les échecs et est incapable de se plier aux normes de la société.— J'aimerais tellement que tu ressembles plus à ton frère, se désole-t-elle. Prends exemple sur ton aîné pour une fois !
Oliver me lance un regard désolé et je détourne immédiatement les yeux pour ne pas qu'il puisse y voir à quel point j'ai la haine. Je sais très bien que je n'ai pas le droit de lui en vouloir, pourtant la vérité est là.
Moi aussi, parfois, j'aimerais être un peu moins comme moi, et beaucoup plus comme lui.
Moi aussi, je souhaiterais ne pas avoir à penser aussi différemment de tout le monde. Moi aussi, je voudrais pouvoir contrôler ces foutues émotions qui m'entraînent à contre-sens à chaque fois. Sans même me demander mon avis, elles se contentent d'emporter tout semblant de bon sens sur leur passage.
Voyant que ses mots restent sans réaction, ma mère tourne les talons et monte à l'étage, furieuse. Mon père se précipite à sa suite pour la rattraper, tel le gentil petit toutou qu'il est.
Mon Dieu, l'amour ça craint.
Je suis sûre que l'homme qui m'a élevé était bien plus qu'un simple soldat obéissant avant que ma mère ne l'attrape dans ses filets, pour ne plus jamais le laisser en ressortir. Lui, pourrait me défendre, mais il ne le fait jamais. Ce serait aller contre ma mère et je crois que cette simple idée lui est impensable.
Mon grand frère reste dans cette stupide cuisine, contrairement aux deux autres, et cette action est une bonne métaphore du fonctionnement de cette famille.
Il est le seul qui s'intéresse réellement à mon cas désespéré.
J'observe ses cheveux brun, moins foncés que les miens, qui sont d'un noir d'encre. Il les a coiffés avec application alors que j'ai renoncé depuis longtemps à discipliner les mèches folles qui viennent s'échouer sur mon front. Nous avons à première vue les mêmes yeux azur, mais si l'on regarde attentivement, on trouve dans ceux de mon frère une bienveillance et un calme qui ne règne pas chez moi.
Tout est mieux de son côté, moins agressif, plus lisse. Que ce soit dans son physique, ses paroles, ou sa façon de s'habiller.
J'ai laissé tomber l'espoir de lui arriver à la cheville un jour.
***
Voilà, vous avez enfin la premier partie du chapitre se déroulant du point de vue de Chad. J'avais hâte de vous le faire découvriez celui-ci !
Que pensez-vous de lui pour le moment ?
Comme vous l'aurez compris, il se laisse régulièrement emporté par ses émotions. Je trouvais ça intéressant d'aborder ce problème à travers un point de vu masculin parce que c'est souvent fait dans l'autre sens, avec une protagoniste féminine qui écoute son cœur et tout ça.
Chad, lui, il écoute tout : son cœur, ses pulsions, ses doutes... C'est pour ça qu'être dans sa tête est si compliqué.
Quoi qu'il en soit j'espère que vous avez apprécié le découvrir. Comme d'habitude, n'hésitez pas à laisser un petit vote avant de partir si le cœur vous en dit.
Sinon je viens de finir Too Late de Colleen Hoover et je vous ai donc posté un petit avis sur Instagram. Si ça vous intéresse, le lien est dans ma bio. C'est une lecture qui m'a pour le moins chamboulée !
Bonne soirée les loulous et à demain pour un autre chapitre.
Léna ✨
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𝐋𝐞𝐬 𝐄́𝐭𝐨𝐢𝐥𝐞𝐬 𝐦𝐞 𝐥'𝐨𝐧𝐭 𝐏𝐫𝐨𝐦𝐢𝐬
Ficção AdolescenteLes mauvaises décisions mènent parfois vers de belles histoires, et moi, j'étais là pour donner un petit coup de pouce au destin. Il faut dire que je n'avais pas choisi les caractères les plus faciles. Chad, artiste à la sensibilité corrosive et au...