Lassitude

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Chapitre 6

L'infirmière défait lentement mon bandage tandis que je scrute chacun de ses gestes, un mouvement de travers raviverait ma douleur. Je vois mon avant bras gauche se découvrir petit à petit. La plupart des coups ont cicatrisé et ne menacent pas de se rouvrir, seuls deux sont encore fragiles, les deux plus profonds. Le premier s'est rouvert hier et il a fallu refaire les sutures, on a donc laissé celles du second, le plus douloureux pour l'instant. Je soupire de lassitude devant sa lenteur même si je sais très bien qu'elle est nécessaire. Elle pose le bandage de côté et en prépare un nouveau. Elle m'enroule doucement le bras dedans, sans serrer plus que nécessaire.

Une fois ceci terminé, elle quitte la pièce. Moi, je reste assis à regarder mon bras. Je plie et tourne mon poignet, replie chacun de mes doigts, ferme mon poing et le rouvre. Je tremble encore en faisant ces gestes. Ils sont plus fluides et les tremblements ne se voient presque pas mais je le sens, je tremble, et c'est très frustrant.

- Hum hum.

Quelqu'un est entré dans la pièce et cherche à se faire remarquer. Je tourne la tête, mon frère. Je demande à Anthéa de sortir et nous nous retrouvons face à face, seul à seul.

- Mycroft, comment vas-tu ?

- Du mieux que je peux. La cécité de mon œil droit reste assez gênante, vois-tu, je ne t'ai pas vu entrer.

S'en suit un silence gênant. J'attends simplement qu'il me dise ce qu'il est venu me dire. Lui, semble gêné.

- Nos parents veulent venir te voir.

C'est juste pour ça ? Je suis déjà au courant, sa venue est bien inutile.

- Je m'en doute, je les ai fait prévenir que j'étais réveillé et que j'allais mieux. Je ne pensais pas qu'ils te préviendraient.

- Oh je vois ... Je suppose qu'ils vont profiter de l'occasion pour venir à l'appartement.

- Ce serait d'ailleurs une bonne idée de le ranger.

- Ce n'est pas à toi de me dire ce que je dois faire dans mon appartement. C'est moi qui y habite.

Un nouveau silence s'installe. Celui-ci dure plus longtemps que le précédent. L'atmosphère est tendue mais je n'ai rien à faire pour y remédier.

- Ta perte me briserait le cœur.

Je détourne le regard. C'est vraiment tout ce qu'il a trouvé pour arrêter la tension du silence ? Il aurait pu trouver mieux. Je me rappelle lui avoir dit cette phrase mais pour l'instant, je me demande si c'est ironique ou sincère.

- J'ai appris à mes dépends que la perte d'un être cher est une souffrance cruelle.

Alors c'était bien sincère, il le pensait réellement. Mais pourquoi me dire ça ? Ce n'est absolument pas son genre. J'aimerais lui répondre mais il n'y a qu'une seule chose qui me passe par l'esprit actuellement. Je plante mes yeux dans le bleu des siens, je guette sa réaction.

- Alors, je suis un être cher à tes yeux ?

Sa bouche s'entrouvre mais aucun son n'en sort. Il affiche un visage troublé et triste. Il ne s'attendait pas à une réponse de ce genre de ma part. Il se reprend.

- Bien sûr. Tu ne dois jamais en douter.

Il se relève et laisse une seconde son regard dans le mien. Il s'en va. Il ne viendra pas cet après-midi pendant que je serai avec nos parents. J'aimerais pourtant qu'il reste. Il y a des choses qu'ils n'osent pas dire devant Sherlock, des choses que je n'ai pas envie d'entendre, des choses qu'ils auraient certainement dit ce jour là si lui n'avait pas été là. Il est parti. Je me retrouve seul. Je me lève et vais à la fenêtre pour le regarder partir. Il prend un taxi, sûrement pour rentrer chez lui, voir le Dr Watson. Au moins, lui, il n'est pas seul.

L'heure de la visite de mes parents arrive bien vite. Je suis assis sur le bord de mon lit, face à la fenêtre, dos à la porte. Je n'ai aucune envie de me confronter à leur premier regard sûrement plein de jugements pour mon visage que je compte garder froid, je me contenterai d'attendre qu'ils fassent le tour. J'ai mis une chemise et un gilet de trois pièce mais pas la veste, elle reste au porte-manteau. Je n'ai pas envie qu'ils voient le bandage à mon bras.

J'entend la porte s'ouvrir puis un soupir de lassitude lorsqu'ils comprennent que je ne me retournerai pas. Ils posent leurs manteaux et font le tour du lit pour se retrouver face à moi. Je les regarde, l'un après l'autre. Eux aussi me regardent. Je ne sais pas ce qu'ils attendent mais le silence commence à être pesant. Ma mère s'asseoit sur le lit à ma droite et mon père en fait de même à ma gauche. Je continue de regarder devant moi, par la fenêtre. Je ne peux pas voir ma mère dans ma vision périphérique mais je préfère ne rien dire. Je ne peux donc pas voir qu'elle passe son bras derrière moi jusqu'à ce qu'elle pose la main sur mon épaule. Elle me fait pencher de son côté et je me retrouve la tête contre la sienne. Je préfère me laisser faire même si les démonstrations physiques de sentiments sont loin d'être des choses que j'apprécie. Mon père passe son bras dans mon dos et pose sa tête sur mon épaule. Je ferme les yeux, ils ne peuvent pas le voir de toute façon. Tout reste silencieux mais ce n'est plus le silence pesant de tout à l'heure, c'est un silence qui semble normal, quand il n'est pas nécessaire de parler. Au bout de quelques minutes, ma mère finit tout de même par briser ce silence.

- Myc' ...

- Je préfère ...

- Très bien. Mycroft. Ton père et moi, on tenait à s'excuser pour t'avoir blessé. J'étais en colère, j'ai dis des choses qui ont dépassé ma pensée.

Mon père hoche la tête contre mon épaule. Il y a un court silence.

- Sache qu'on est fiers de l'homme que tu es aujourd'hui et qu'on le sera toujours. Tu es notre fils, on t'aime très fort, comme ton frère et comme ta sœur. On sait que tu ne veux que nous protéger mais on aurait préféré que tu nous dises la vérité, nous sommes des adultes et nous sommes capable d'affronter ça. Ton frère aussi.

- C'est lui qui l'a volontairement effacé de sa mémoire.

- D'accord. Tu sais, même si ton frère se comporte comme un enfant, tu n'as pas à te sentir responsable de ses bêtises. On a besoin d'échouer pour apprendre. Il sait qu'il pourra toujours compter sur toi en cas d'urgence. Et tu dois savoir que toi aussi tu peux compter sur lui dans ce genre de situation. Quand on ne sera plus là, il n'y aura plus que lui.

Un nouveau silence. Je ne sais pas si elle compte continuer de parler. Je ne sais pas si je dois répondre et si oui, ce que je dois dire. Je déteste ne pas savoir et ne pas avoir le contrôle de la situation. Elle penche sa tête pour la laisser sur mon épaule et la mienne se pose au dessus. Elle pose sa main sur mon torse, au niveau de mon cœur, comme pour me faire comprendre que je n'ai pas besoin de parler. Mon père pose sa main sur la sienne et nous restons ainsi, dans le silence, un moment qui me semble durer si longtemps mais que j'aurais, je ne sais pourquoi, voulu voir durer plus.

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Voila un chapitre un peu plus détente. Mais ne vous inquiétez pas, ce n'est pas fini ! De l'action vous allez en avoir avec la suite. Ne soyez pas trop pressés, on se retrouve mercredi 😉

IcemanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant