Chapitre 5
Je sais très bien qu'il ne l'avouera jamais mais c'était un appel à l'aide qu'il me lançait et jamais il n'avait été assez en détresse pour mettre son égo de côté à ce point. Je le garde dans mes bras encore un moment pour le rassurer même si ce n'est pas dans mes habitudes. En vérité, c'est plutôt à moi de m'excuser de le traiter avec autant de distance et de mépris alors que je sais très bien qu'il n'est pas aussi insensible qu'il veut le faire croire, alors que tout ce qu'il veut c'est me protéger. Je sens ses muscles se détendre et sa respiration devenir plus profonde et régulière. Il finit par s'endormir dans mes bras. Les anesthésiants l'ont assomé. Je l'y laisse encore un peu, au fond, ça me rassure de le voir vivant, j'ai eu peur, j'ai eu tellement peur. Finalement, je le rallonge dans son lit, remonte le drap jusqu'à son buste, réajuste sa coiffure puis sort discrètement et ferme la porte avec la même attention. Il est temps de rentrer, il se fait tard.
Arrivé à Baker Street, je me saisie de mon violon, j'ai envie de jouer. Je compose tranquillement une nouvelle mélodie que je qualifierais de joyeuse. Je replonge dans mes souvenirs d'enfance. Mycroft, si ils sont exacts, avait appris à jouer du piano mais il s'en est vite désintéressé. Je suis certain qu'il garde encore ses leçons dans un coin de sa mémoire. Le piano fait de très beaux duos avec le violon, peut-être en écrirais-je un, un jour. Peut-être que je pourrais faire en sorte que la mélodie que je compose actuellement puisse être un duo. Je trouverai un moyen de faire jouer Mycroft tout comme je lui demandais de m'écouter, enfant. Une fois, il avait écouté une de mes compositions, je l'avait un peu obligé, et il m'avait dit, lorsque je lui avait demandé ce qu'il en pensait : "Dans ce que tu composes, il y a toujours une mélancolie romantique qui t'est propre." Et il était parti, me laissant là avec ces mots dont j'ai toujours un peu de mal à saisir le sens. Enfin, je connais le sens de ces mots mais je n'arrive pas à savoir ce qu'il a voulu me dire. Je continue de jouer, j'écrirai la partition du piano plus tard. John finit par rentrer, Rosie dans les bras. Il garde le silence. Je sais qu'il aime bien m'écouter jouer.
Une semaine passe, mon frère se remet lentement de ses blessures. Cet après-midi, nos parents viennent le voir à l'hôpital. Je dois aller le prévenir mais pour cela, je dois d'abord informer John que je sors mais que ce n'est pas pour une enquête, je n'ai pas envie de me faire disputer comme un enfant parce qu'il s'inquiète.
- Tes parents ne vont le voir que maintenant ?
- Ils habitent assez loin de Londres, tu le sais pourtant.
- Mais ça fait déjà plus d'une semaine qu'il est conscient, vous ne les avez pas prévenu avant ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Mycroft voulait être un peu plus remis avant de les voir. Et puis, ce n'est pas mon problème, il peut les prévenir tout seul.
- Alors pourquoi tu vas le voir pour le lui dire ?
- Parce qu'il n'est pas au courant, question stupide, John.
- Et ils ne savent pas qu'il est réveillé ... Ça va leur faire un choc.
- Ils ne seront pas contents de le voir sur pieds ?
- Ce n'est pas le problème, voyons !
Cette discussion commence à m'ennuyer. J'y met donc fin et salue mon bon docteur avant de prendre mon manteau et mon écharpe pour sortir. Il soupire tandis que je pars de l'appartement.
J'ouvre lentement la porte de la chambre, Anthéa pianote sur son téléphone sur la chaise près de l'entrée. Même devant les portes de l'hôpital, l'Angleterre n'attend pas. Il est assis sur le lit, face à moi et regarde l'infirmière terminer de lui changer minutieusement le bandage de son avant bras gauche. Je peux entrevoir qu'une de ses blessures n'est pas encore bien cicatrisée, les sutures ont été laissées. Son arcade sourcilière droite est parfaitement refermée, elle lui laisse cependant une légère cicatrice qui barre son sourcil. Une fois son travail terminé, l'infirmière ressort. Lui, reste un moment à regarder son bras, pliant et dépliant ses doigts, tournant sa main. Je me racle la gorge bruyamment afin de signaler ma présence. Il sursaute presque et se tourne vers moi. En me reconnaissant, il demande à Anthéa de disposer. Elle sort. Nous nous retrouvons seul à seul. Je prend la chaise sur laquelle elle était assise et la pose face à Mycroft pour m'y asseoir.
- Mycroft, comment vas-tu ?
- Du mieux que je peux. La cécité de mon œil droit reste assez gênante, vois-tu, je ne t'ai pas vu entrer.
Il y a un moment de flottement. Il attend de savoir ce que je viens faire ici et moi, je ne sais pas comment m'y prendre.
- Nos parents veulent venir te voir.
- Je m'en doute, je les ai fait prévenir que j'étais réveillé et que j'allais mieux. Je ne pensais pas qu'ils te préviendraient.
- Oh je vois ... Je suppose qu'ils vont profiter de l'occasion pour venir à l'appartement.
Bizarrement, je suis un peu déçu qu'il ne m'ait pas dit qu'il les avait prévenu. Peut-être ne veut-il pas que je sois là lorsqu'il sera avec eux.
- Ce serait d'ailleurs une bonne idée de le ranger.
- Ce n'est pas à toi de me dire ce que je dois faire dans mon appartement. C'est moi qui y habite.
Au moins, il est redevenu lui-même, tant mieux. Il n'a pas mis très longtemps à reprendre son masque de l'homme de glace. Il fera d'ailleurs sans doute passer son passage à l'hôpital pour un accident aux yeux du gouvernement. Un nouveau silence tombe. Aucun de nous deux ne sais que dire. L'atmosphère devient rapidement un peu tendue, il me faut quelque chose pour faire retomber cette pression.
- Ta perte me briserait le cœur.
Il détourne son regard, le lit est devenu, tout à coup, très intéressant.
- J'ai appris à mes dépends que la perte d'un être cher est une souffrance cruelle.
Il reste quelques secondes sans rien dire, sûrement le temps d'assimiler cette phrase qui n'est pas le genre de chose que l'on se dit souvent, lui et moi. Il plonge ensuite son regard triste dans mes yeux. Un regard qui me touche, qui me blesse. Mais ce qui serre le plus mon cœur est ce qu'il me dit par la suite.
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Alors ? Vous aimez le suspens ? Ça va, celui là n'est pas trop important par rapport à certains qui arriveront par la suite (vous allez me détester après 🤣). Allez, à dimanche pour la suite !
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Iceman
FanfictionMycroft en a marre de ne se sentir pas plus qu'un incapable. Cette culpabilité le ronge maintenant plus que jamais. Personne ne semble l'apprécier. Cela veut donc dire que personne ne le regrettera ? Attention, certaines scènes seront exposées expli...